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La Belge Collection, 4 courts métrages

Publié le 15/03/2020 par David Hainaut et Constance Pasquier / Catégorie: Tournage

Et La Trêve créa en Guillaume Kerbusch un comédien-entrepreneur...

Tourné entre octobre et février, un projet (novateur) a déjà pas mal fait parler de lui, dans les coulisses du cinéma belge francophone. Car La Belge Collection (Volume 1), c'est son titre, rassemble quatre courts-métrages belges initiés par un duo de comédiens, formé par le Carolo Guillaume Kerbusch - dont le visage a fait le tour du monde grâce à La Trêve - et son épouse montoise, Laura Petrone. 

Inspiré de ce qui se fait déjà en France depuis 1998 (les "Talents Cannes de l'Adami", soit des courts-métrages projetés chaque année lors du Festival), permettant à des cinéastes reconnus de faire tourner de nouveaux visages, cette première édition a été conjointement réalisée par le tandem Kerbusch-Petrone lui-même, ainsi que les Magrittés Guillaume Senez (Keeper et Nos Batailles), Raphaël Balboni – Ann Sirot (le court-métrage Avec Thelma) et Xavier Seron (le CM L'ours noir et Je me tue à le dire). 

C'est sur le plateau de ce dernier que nous avons pris la température, tout en rencontrant les deux instigateurs de cette aventure particulière, marrainée par Emilie Dequenne.

Waterloo, février 2020. C'est dans une villa perdue dans un cul-de-sac, au milieu du tournage de ... Sprötch, que nous surgissons cette fois, soit sur les prises de vues effectuées par celui que nos confrères français de Télérama ont un jour baptisé le "pseudo-sosie du chanteur Philippe Katerine" : Xavier Seron. Sur place, ses acteurs tournent la petite comédie grinçante que le réalisateur du jour a lui-même imaginée, lui qui a dû remplacer au pied levé Pablo Munoz Gomez - son comparse ayant été réclamé ailleurs - avec lequel il a écrit Kapitalistis, un court-métrage multi-primé à l'international. "Je pensais reprendre ici l'histoire que j'avais écrite avec lui", révèle Seron, "Mais on m'a demandé de faire un truc plus personnel. J'ai alors mixé deux scénarios retrouvés dans un tiroir, qui mêlent un fait d'actualité et l'histoire d'un père qui pense avoir malencontreusement écrasé le copain de son fils. Je précise bien que c'est censé être drôle, car quand je raconte ça, je vois des regards atterrés (sourire)", détaille encore ce diplômé de l'IAD pendant la traditionnelle pause-repas qui, sur un tournage, reste souvent un moment propice pour discuter avec les intervenants du jour. Même quand un réalisateur aussi disponible que sympathique semble avoir l'air un peu hagard vu la fourmilière que constitue un plateau de cinéma, l'esprit sollicité par tant de choses. Impossible, dans ces cas-là, de ne pas songer à François Truffaut, qui a si bien décrit ce type de situations dans La Nuit Américaine, l'Oscar du Meilleur Film étranger en 1974. 

Un projet adéquat pour mettre en avant comédiens et réalisateurs... 

Mettre en avant de nouveaux comédiens ou expérimentés au théâtre mais encore peu visibles en fiction, tel est donc l'un des objectifs de cette Belge Collection. Mais comment Seron lui, a-t-il choisi ses acteurs? "Moi, je ne suis pas super fan des castings. En général, j'aime repérer les comédiens dans des films ou au théâtre. Ici, les deux rôles importants sont tenus par Jean Le Peltier, le père, que j'ai vu dans les courts-métrages de Balboni et Sirot, et Martin Verset, son fils, qui m'a été conseillé par Michael Bier (NDLR : l'un des incontournables directeurs belges de casting). Et puis il y a un drôle de voisin d'origine finlandaise qui est Youri Dirckx, que j'avais vu dans la pièce Desperado au Théâtre Varia." Après avoir consacré un certain temps à une série (Prince Albert) qui reste pour l'heure au stade de projet, le réalisateur de bientôt 45 ans se dit ravi de revenir derrière la caméra. "Je viens aussi de co-écrire avec Jérôme Lemaire un film qu'il réalisera. J'aime beaucoup ça, mais c'est important de varier les plaisirs. Et le court-métrage le permet, car on peut créer des choses assez vite. Puis pour moi, la prochaine aventure qui m'attend est un long-métrage "low budget", qui est un peu le principe de la nouvelle commission qui permet de faire des films en deux ans, dans une configuration plus légère et donc plus rapide qu'un mode de production classique pouvant parfois prendre des années (NDLR: lui qui a consacré 9 ans à son premier long - Je me tue à le dire - en sait quelque chose). Ce film devrait se tourner cet été, ce qui me fera essayer des choses de façon libre et décomplexée, comme ici. Mais je ne m'arrête pas à un format : quand je réalise, c'est vraiment par envie. J'ai aussi envie de repartir sur du documentaire, toujours en vue d'enchaîner, mais aussi pour être en contact direct avec les gens et la réalité.", termine cet inconditionnel de Bertrand Blier. 

...et davantage de ponts entre théâtre et cinéma 

Suite à une légère incompréhension d'horaire avec notre intermédiaire – ce sont des choses qui arrivent... -, Guillaume Kerbusch et Laura Petrone ne se trouvent finalement pas sur le plateau, comme espéré. Soit. Nous choisissons alors de sacrifier l'observation de la scène suivante, nécessitant des effets spéciaux que son coordinateur Thomas Coqu se réjouissait déjà de nous montrer, pour revenir dans la capitale et rejoindre le duo de concepteurs. Plus exactement à leur domicile schaerbeekois, servant de bureau de production à leur ASBL Trou de ver. Fidèles à leur habituelle "fougue communicatrice", souvent payante il est vrai (la preuve, nous sommes là !), nos deux jeunes trentenaires s'impatientaient presque à parler de leur projet, en particulier de sa genèse. Le premier, d'ordinaire plus volubile, entame : "En fait, Laura et moi organisons depuis des années des stages d'une semaine face caméra avec le Brussels Ciné Studio menés par des réalisateurs (NDLR : dont tous ceux impliqués dans La Belge Collection), dans le but d'aider de jeunes comédiens sortis du Conservatoire à investir le milieu du cinéma belge. On fait ça pour faire rencontrer des gens et créer des liens. Et nous gérons aussi des formations d'un week-end avec des directeurs de casting. C'est un peu dans la continuité de cette démarche, il y a deux ans, en plus d'avoir moi-même tourné un court-métrage ADAMI en France, qu'on a imaginé transposer le concept ici." 

Une belle diffusion déjà assurée

Au-delà du Sprötch de Seron déjà évoqué, ils résument ensuite les trois autres courts-métrages. "Guillaume Senez réalise Mieux que les rois et la gloire, qui met en scène un trentenaire se remettant d'un divorce qui essaie de se reconstruire à travers une relation avec son fils. Puis, il y a le nôtre, Rien Lâcher, qui n'est pas le plus joyeux (sourire), et qui raconte l'histoire d'une fille qui reprend sa mère malade chez elle. Et Anne Sirot et Raphaël Balboni ont fait un film choral à Bruxelles, Des choses en commun, sur le sujet des voitures partagées." De petits films indépendants des uns des autres dans leurs histoires donc, qui seront visibles cette année dans un festival – tenu secret, mais plus pour longtemps -, et plus tard sur le petit écran, au moins sur la RTBF (qui a préacheté) et Be TV (qui coproduit) pour les chaînes belges, ainsi que possiblement à l'étranger. De quoi s'inscrire dans la diversité et la richesse actuelles du court-métrage belge, dont le niveau global n'a jamais été aussi relevé de toute son histoire ? "Clairement ! Cela reste un format qui intrigue et que le grand public ne connaît parfois pas assez bien, mais cela plaît aux cinéphiles. Et ça fait aussi partie du cinéma !" Sans négliger qu'il s'agit là, comme pour des épisodes de séries, d'une nouvelle possibilité pour des cinéastes de longs-métrages de pouvoir exercer leur métier, entre deux projets. 

L'implication d'Emilie Dequenne

On l'aura compris, en à peine deux petites années, le processus créatif a été relativement rapide, lié surtout à l'esprit entrepreneurial de nos deux hôtes qui, pour s'inspirer, sont allés jusqu'aux États-Unis pour visiter le célèbre Actors Studio. Sans négliger non plus un certain panache : "C'est vrai que pour la reconnaissance de nos stages, nous avons directement été trouvé la ministre – qui était alors Alda Greoli – et nous en avons profité pour lui fait part de l'idée de cette Belge Collection. Puis, Le Centre du Cinéma, pour qui ce projet correspondait à une recherche de promotion de comédiens du cinéma belge et qui n'avait pas d'équivalent, nous a donné dans la foulée une petite enveloppe. Ainsi que d'autres opérateurs (Fédération Wallonie-Bruxelles, Screen Brussels, Playright, SABAM, Fondation Bernheim, Eye Lite, Studio L'équipe, Tax-shelter...). On a donc beaucoup de partenaires avec plusieurs petites sommes : cela ressemble à une superproduction, mais ça n'en est pas une ! (rire). On reste quand même sur du petit budget, loin des circuits commerciaux habituels qui, à juste titre je précise, peuvent parfois prendre un certain temps. " En marge de cela, histoire de doper la notoriété du projet, Kerbusch et Petrone ont eu la judicieuse idée de convaincre une personnalité (Émilie Dequenne), comme marraine du projet. "Ce qui est fou, c'est qu'elle était occupée quand on l'a appelée par téléphone. Et trois minutes plus tard, elle passe devant nous, aux Galeries de la Reine. Elle a accepté de nous rencontrer, en nous faisant part de sa motivation et de son soutien pour le projet. Et on lui a présenté les comédiens. C'est vraiment une chouette femme !", clament-ils. 

De l'intérêt de créer des "stars"

Comme ils l'ont récemment déclaré à Playright, la société belge de droits d'auteurs qui les soutient, "L'industrie du cinéma belge francophone reste jeune, il y a encore beaucoup de choses à développer !" Nous leur demandons alors de poursuivre : "Ce que je voulais dire", ajoute Kerbusch, "C'est que les stars sont aussi des moteurs. Voyez Matthias Schoenaerts : quand il travaille sur un film comme Kursk pour Thomas Vinterberg, celui-ci vient avec Luc Besson à Anvers pour travailler avec le cinéma belge dans une superproduction. C'est pareil pour tous les autres. Et nous avons remarqué qu'excepté Olivier Gourmet, pratiquement aucun de nos piliers actuels (François Damiens, Émilie Dequenne, Virginie Efira, Déborah François, Benoît Poelvoorde, Schoenaerts...) ne provient d'une école de théâtre ! Tous ont été des sortes d'heureux accidents. C'est révélateur que, malgré nos excellentes écoles, il manque quelque chose !" 

"L'identification de La Trêve nous a beaucoup aidé" (Guillaume Kerbusch)

Quant à la suite du cinéma belge, celui qui a pu être identifiable grâce à La Trêve et qui a le même agent (Time Art) que Cécile de France, Niels Arestrup, Reda Kateb ou Nathalie Baye, il le commente comme tel : "Pour moi, il devrait passer par plus de vedettariat chez les réalisateurs et les acteurs : moi quand j'étais ado, j'allais voir un film si je connaissais un acteur sur l'affiche. C'est là tout l'intérêt de créer des gens connus. Puis, on doit peut-être trouver un meilleur équilibre dans notre rapport à la France, espérer de l'audace du côté des faiseurs du cinéma et des institutions. On a quand même un cinéma qui n'est pas formaté et qui a des armes pour toucher le public. Je le vois à mon niveau : La Trêve m'a très vite fait connaître du milieu. Ce qui m'a beaucoup aidé pour ce projet et même permis de jouer d'autres choses (NDLR: Kursk justement, les séries Lucas etc et Les Rivières Pourpres...) " Bref, tout en peaufinant la sortie de cette Belge Collection, appelée à durer et dont la direction exécutive est dans les mains expérimentées de la société Helicotronc (La Trêve, encore elle), ces deux diplômés du Conservatoire de Mons continueront à se partager avec le théâtre, via des pièces pour le jeune public "On a des profils atypiques, puisqu'on produit, on réalise, on écrit et on joue, ce qui reste notre principal but. Mais on ne supporte pas ne rien faire, tout en aimant avoir la maîtrise des choses. Et il faut aussi en passer par là pour émerger !"

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