Comment ne pas succomber à la tentation de s'offrir une nouvelle vie ? Evidemment, lorsqu'on est à l'aise dans le costume de son présent, que l'on envisage le futur avec énergie et sérénité, la question ne se pose pas. Mais quand le gong de la quarantaine sonne au seuil d'un amas de frustrations, et qu'il nous reste seulement quinze ans de vie active pour corriger les faiblesses d'une adolescence prolongée, qui ne sauterait sur une telle occasion ? Une aventure d'autant plus grisante que l'on peut vivre son propre enterrement pour ensuite se réincarner dans la peau d'un autre, arrivé à l'âge adulte sans devoir passer par les obstacles de l'apprentissage juvénile.
Vijay and I de Sam Garbarski
Will Wilder est une star de la télévision « connue » de tous sous la fourrure d'un lapin malchanceux dans une émission pour enfants. Coincé dans son costume de grosse peluche verte, genre Blabla ou Casimir, Will gagne bien sa vie mais au prix de l'humiliation de ses espoirs bafoués de comédien. Lui, à qui l'on promettait de devenir le Marlon Brando moderne ! Profitant d'un malentendu sur sa mort présumée, il assiste à son propre enterrement sous l'apparence de Vijay, un ami indien que Will aurait connu dans une jeunesse lointaine, à l'époque des voyages intercontinentaux et des amitiés sans condition. Poussant le vice jusqu'à vouloir tester sa performance auprès de sa femme et de sa fille endeuillées, il s'emmêle les pieds jusqu'à essayer de (re)conquérir son (ex)épouse. L'habit ferait-il le moine ? Et sous l'habit, ce moine, comment est-il ? Vijay, Indien Sikh, raffiné et élégant, aurait-il plus de chance d'être admiré par les siens que la doublure grotesque du lapin vert ?
Bercé par les accords jazzy du saxophone de Steve Houben dans les ruelles pittoresques du quartier New Yorkais de Soho, Vijay and I est une comédie caustique aux rebondissements truculents. Bien que le film soit majoritairement belge, cette histoire se prêtait à cette ville cosmopolite, à forte population d'origine européenne, juive, qui a fui le nazisme. Il lui fallait ce pays où tous les rêves se disent possibles !
D'origine polonaise, né à Munich, et Belge depuis plus de 30 ans, Sam Garbarski n’a pas peur des mélanges, à l’image de son comédien principal, Moritz Bleibtreu, Allemand vivant aux Etats-Unis depuis de nombreuses années, et bien à son aise, ici, dans son costume d’Indien Sikh ! Derrière l'élégance du costume se cache pourtant une réalité moins belle à voir, les événements du 11 septembre ayant créer une paranoia sur la population traumatisée et prête à tous les amalgames.
« Certains ont même dû enlever leur turban car ils se faisaient agresser. Je n'avais pas pensé à donner une revanche à cette communauté, mais en définitive, oui, c'est un beau pied de nez aux idées préconçues et aux clichés racistes », confie le réalisateur.
Vijay and I est un spectacle à part entière, une comédie romantique portée par le son langoureux de la musique de Stan Getz, jouée par le saxo voilé de Steve Houben. Il s'offre aussi un générique de rêve, digne de la Panthère rose, signé par le jeune groupe d'illustrateurs belges, Salut ça va.
Les Belges envahissent New York avec leurs sons, leurs images et leurs dessins… et c’est une belle nouvelle !