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Violette Delvoye et Chloé Alliez

Publié le 08/04/2022 par Kevin Giraud et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Entrevue

Projet initié à Anima, et présenté en ce même festival cette année, les Liaisons foireuses de Chloé Alliez & Violette Delvoye a remporté le Author Award de la SACD. Une belle reconnaissance pour le travail aussi impressionnant qu’attendrissant de ces deux réalisatrices pétillantes, qui nous ont accordé quelques minutes de leur temps, entre deux projections. 

 Les Liaisons foireuses à découvrir sur Arte dès le 26 mars, via ce lien.

Cinergie : Qu'est ce qui vous a donné envie de faire du cinéma ?

Violette Delvoye : C’est par le dessin que je suis entrée en contact avec l’animation. Et c’est à l’école que j’ai rencontré le réalisateur Jean-François Laguionie, qui - par hasard - habitait à quelques pas de chez moi. Il m’a vraiment donné envie de me diriger vers l’animation plutôt que l’illustration, et c’est ainsi que je me suis lancée dans l’aventure. Du reste, mon parcours est assez classique, jusqu’à La Cambre où l’on s’est rencontrées avec Chloé.

Chloé Alliez : Et de mon côté, j’ai commencé mes études à Saint-Luc en illustration, mais très vite, c’est l’animation qui est devenue mon dada, et plus particulièrement la manipulation d’objets. L’un de mes professeurs a vu mon travail et m’a poussé à continuer mes explorations, et c’est de là que j’ai atterri à La Cambre, dans le grand monde de l’animation.

 

C. : Dans cet univers de l’animation, vous avez des personnes ou des styles qui vous ont marqué ?

C.A. : Je me retrouve beaucoup dans les Panique au Village, j’aime vraiment ce côté gag, brut d’une animation moins léchée mais très joyeuse. C’est une grosse référence belge pour moi.

V.D. : Ce qui me plait le plus, c’est l’animation en direct, passer du temps à manipuler et à créer des images plutôt qu’animer derrière un ordinateur. Difficile de cibler une influence bien précise, mais l’aspect contemplatif que peut avoir le cinéma d’animation me parle, et c’est là que nous nous retrouvons avec Chloë. Même si cela peut être dans des styles ou des œuvres différents.

 

Cinergie : Vous avez donc des techniques de prédilection ?

C.A. : Essentiellement le stop motion, aussi parce que je suis très très mauvaise dessinatrice. J’ai toujours trifouillé avec des objets de récup’, c’est ce qui m'inspire le plus.

V.D. : Tout comme moi. Même si je dessine aussi, c’est vraiment dans la manipulation d’objets que je m’amuse le plus à l’heure actuelle, et sur nos projets ensemble.

 

Cinergie : Comment avez-vous commencé à travailler ensemble ?

V.D. : On est sorti avec un an d’écart de La Cambre, mais en se donnant pas mal de coups de main l’une l’autre sur nos travaux respectifs.

C.A. : Tout à fait. Dès que Violette est sortie de l’école, nous avons construit un projet d’animation itinérante, World in stop motion, et cela nous a permis de tester notre capacité à travailler ensemble sur le long terme. Comme nous avons survécu à cela, il n’y avait pas de raisons de ne pas réitérer la collaboration [rires]. Le projet des Liaisons foireuses était déjà en cours d’écriture de mon côté, étant donné que c’est une histoire un peu plus personnelle. Est arrivé le moment - terrifiant pour moi - du storyboard, et Violette m’a aidée sur ce plan-là. Avoir son regard et sa sensibilité m’a beaucoup plu, et c’est devenu un projet commun.

 

Cinergie : Avec une réflexion derrière les objets choisis pour ces “liaisons foireuses” ?

C.A. : Les prises électriques, c’est vraiment mon univers graphique. Cela n’était pas forcément réfléchi en rapport avec l’histoire, mais c’est vrai que le côté grosse tête et petit corps renvoie assez bien à l’adolescence, cela rend les personnages un peu patauds, l’animation un peu difficile, mais cela colle à l’histoire.

V.D. : C’est aussi la fascination et les idées visuelles qu’on arrive à faire ressortir des objets, à partir du monde de Chloé. Cette faculté que l’on a à voir des petits visages partout, à trouver des personnages dans les objets du quotidien. On part du visuel, et on construit autour, plutôt que de rechercher des trucs et des bricoles qui font sens par rapport au propos du récit.

 

Cinergie : Combien de temps cela prend de réaliser un film comme celui-ci ?

C.A. : Trop longtemps ! [rires]

V.D. : La première fois que Chloé m’a parlé du projet, c’était à Anima il y a quatre ans. Entre la première idée et le film, il n’y a bien sûr pas quatre ans de travail sans interruption. Le démarrage a été assez rapide. L’écriture, le storyboarding, la création des personnages et l’animatique ont été assez rapides, suivis d’un grand moment de creux, le temps d’attendre les financements, de passer en commission… Et dès que cela s’est débloqué, tout a redémarré très vite. Six mois de travail en production et post-production, à nouveau bien intenses.

C.A. : Le tournage en lui-même a été un peu particulier vu qu’il s’est déroulé en équipe très réduite à la résidence Ciclic, en Val-de-Loire, et ce, pendant trois mois et demi non-stop. Violette moi en animation et réalisation, et Damien Buquen en tant que chef opérateur, preneur de son, psychologue, bref tout le reste ! [rires]. Un huis clos un peu étrange, mais tout s’est très bien passé.

V.D. : Et ce n’était pas gagné, nous devions vivre ensemble et travailler ensemble. C’était très spécial mais une belle expérience.

 

Cinergie : Comment avez-vous sélectionné votre casting ?

C.A. : Nous y avons mis beaucoup d’énergie. Le son, et la partie vocale surtout, c’était un point crucial pour ce projet, à travailler très fort pour que le film existe et que son univers soit crédible.

V.D. : On voulait des dialogues réalistes, pas des récitations. C’est ce que nous visions, un esprit le plus naturel possible, le plus vrai. Nous avons eu la chance de pouvoir aller faire des castings en école, rencontrer des enfants, et même si l’enregistrement a été perturbé par la pandémie, nous sommes ravies d’avoir pu compter sur douze jeunes, novices mais qui se sont donnés à fond.

C.A. : On les a un peu terrorisés je crois ! [rires] Mais c’était vraiment une super expérience, et ils et elles ont été supers.

 

Cinergie : Vous aviez déjà travaillé avec des enfants, vous pourriez nous parler de votre projet World in Stop Motion ?

V.D. : On pourrait dire que c’est une série animée itinérante. Notre personnage, une petite voyageuse, traverse différents lieux et différents pays au gré de nos voyages. À chacune de nos étapes, nous avons organisé un workshop où les participants créent une histoire avec nous. Un épisode construit de A à Z avec eux, du scénario aux personnages en passant par les décors, avec des objets de récupération bien entendu. Et chaque épisode représente une étape du voyage de notre protagoniste.


C.A. : Nous faisions notre voyage dans la vraie vie, elle faisait son voyage dans des mondes imaginaires. Et le projet s’est ainsi construit tout autour de l’Europe. Dix épisodes, dix ateliers, et de très bons retours de la part des participants. Il n’a pas été beaucoup diffusé, notamment à cause de ce format hybride entre série et court-métrage d’atelier, mais ce n’était pas le but. C’est le processus qui nous intéressait, et les rencontres.

 

Cinergie : Des projets pour la suite ?
V.D. : De mon côté, un dessin animé est en cours de production, plutôt en lien avec mon film de fin d’études. Un huis clos avec peu de personnages. Vous en saurez plus bientôt.

C.A. : Et pour ma part, je crois que je vais troquer les interrupteurs… pour des ampoules ! Et je n’en dirai pas plus.

 

Les Liaisons foireuses à découvrir sur Arte dès le 26 mars, via ce lien.

 

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