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Melody de Bernard Bellefroid

Publié le 01/04/2015 par Fred Arends / Catégorie: Critique

Mère & Fille

Désespérée et précarisée, Melody ne manque cependant pas d'ambition ni de volonté. Bien décidée à ouvrir un salon de coiffure pour échapper à la pauvreté et acquérir son autonomie, elle décide de devenir mère porteuse pour une femme plus âgée. 

Melody de Bernard Bellefroid

Après son audacieux premier film, La Régate (2010), qui avait marqué par son sujet fort et troublant, Bernard Bellefroid prolonge sa réflexion sur la filiation et dresse le portrait émouvant de deux femmes, blessées mais battantes, qui vont s'apprivoiser, s'affronter et peut-être, se trouver. Présenté notamment au Festival du film francophone de Namur (prix du public) et au festival international de Rotterdam, Melody est un drame intense porté par deux comédiennes particulièrement talentueuses, Lucie Debay dans le rôle-titre et Rachael Blake dans celui d'Emily.

D'emblée, la mise en scène est sèche et nerveuse. La caméra suit Melody dans ses élans sauvages : ellipses brutales, plans furtifs ; le temps semble compter pour cette jeune femme dont on comprend vite que le peu de bagages qu'elle transporte sont les seuls de sa vie. La crise est bien là. Melody est d'aujourd'hui, et de ce que le cinéaste voit et ressent de notre société. La rudesse, le peu d'espoir et la circulation constante de l'argent, seule promesse pour permettre d'exister vraiment (ouvrir un salon de coiffure, avoir un enfant). Afin d'échapper à la misère qui fond droit sur elle, Melody, tout comme Rosetta en son temps, est prête à se battre. Elle décide de prêter son ventre à Emily, une anglaise en désir de maternité mais seule et vieillissante.

Si le thème de la GPA (gestation pour autrui) est central et rejoint des questions actuelles liées aux nouvelles formes de parentalités, Bellefroid évite d'en faire un débat de société et préfère se centrer sur le parcours, la rencontre et l'affrontement entre ces deux personnages. Car ce que raconte le film est aussi une lutte de pouvoir. Si Emilie, de par sa situation professionnelle, incarne la femme d'autorité et d'argent, son désir d'enfant la rend vulnérable et de plus en plus soumise aux volte-faces et aux indécisions de Melody. La lutte se trouve donc engagée également sur le terrain du corps, celui de Melody devenant par un troublant effet de possession, voire de vampirisme, le prolongement de celui d'Emily, de ses possibilités de survie et de transmission.

Mue par une nécessité vitale, Melody se révèle souvent peu aimable, fuyante et malhonnête. Il fallait tout le talent de Lucie Debay pour lui donner ce cœur et cette générosité qui s’épanouissent petit à petit. Ainsi, la scène centrale de la coupe de cheveux d'Emilie crée un basculement entre ces deux personnages, une révélation a lieu. La révélation des secrets, des traumatismes et des souffrances est d'ailleurs un motif qui parcourt l'ensemble du film. Il s'agit aussi de sa principale faiblesse, le scénario accumulant, au final, les ressorts dramatiques pour parfaire le thème de la filiation qui n'avait pas besoin de tant. La seconde partie perd du coup en force, même si l'on comprend la volonté de cohérence du cinéaste : une famille construite par soi-même, au-delà des douleurs engendrées, vaut mieux que l'absence, l'inconnu et l'anonymat. En se rencontrant, ces deux femmes en feront la bouleversante expérience.  

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