Cinergie.be

Bad boys for life de Adil et Bilall

Publié le 20/01/2020 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Trop vieux pour ces conneries ?

A l’été 2003, nous quittions nos deux Bad Boys doublement triomphants (du box office et du bon goût). 17 ans plus tard, ils ont pris des rides et du ventre, mais leurs vannes sont toujours aussi mauvaises. Depuis leur dernière aventure, le projet d’un Bad Boys 3 (que personne ne réclamait vraiment) commençait à faire figure d’arlésienne tant il a multiplié les faux départs.

 

Bad boys for life de Adil et Bilall

 

Trop occupé à faire mumuse avec ses robots transformistes, Michael Bay (cinq laborieux Transformers au compteur depuis 2007), papa de nos deux flics ami-ami, décide de confier ce troisième volet à un remplaçant. Joe Carnahan, un cinéaste passionnant (son fabuleux Narc est l’un des meilleurs polars américains de ces 20 dernières années) est longtemps au sommet de la liste. Il rédige une énième mouture du scénario (en fait, il écrit Bad Boys 3 ET 4), mais celle-ci, trop sombre, est rejetée. Entretemps, les deux stars de la saga, réticentes à rempiler, ne cessent, tour à tour, d’annoncer puis de démentir leur participation à ce troisième opus. Qui plus est, Martin Lawrence est plus ou moins en retraite anticipée depuis 2011. Quand à la cote de Will Smith, elle ne cesse de dégringoler après trop de blockbusters embarrassants (de After Earth à Gemini Man en passant par Suicide Squad)…

C’est finalement l’abandon d’un épisode 4 qui va faire la bonne fortune de cet épisode 3 : en 2017, le producteur Jerry Bruckheimer voit une autre de ses arlésiennes s’effondrer : Le Flic de Beverly Hills 4, sur lequel il venait d’engager deux jeunes cinéastes belges, Adil El Arbi et Bilall Fallah, dont le style flashy, affiché dans Black et Patser semblait tout entier dédié à rendre hommage à l’imagerie frénétique sur fonds de coucher de soleil imposée dans les années 80-90 par le système Bruckheimer et ses cinéastes maison : le regretté Tony Scott (pour le meilleur) et Michael Bay (pour le pire). Le flic incarné par Eddie Murphy attendant un scénario digne de ce nom, les planètes s’alignent pour les Mauvais Garçons. Sur le carreau, Adil et Billal ne le restent donc pas très longtemps puisque Bruckheimer leur offre Bad Boys 3 sur un plateau d’argent.

« 17 ans après les derniers évènements de la saga, le duo de fics autrefois inséparable Marcus Burnett (Martin 

Lawrence) et Mike Lowrey (Will Smith) se désagrège : Burnett est récemment devenu grand-père, tandis que Lowrey, souffrant d'une crise de la quarantaine, est affecté à la tête d’une élite de jeunes flics milléniaux avec lesquels il n'a rien en commun. Les deux sont forcés de refaire équipe lorsque le boss d’un cartel, dont ils ont autrefois abattu le père, décide de se lancer dans une vendetta personnelle ».

 

 

Que Bad Boys For Life n’apporte rien d’essentiel à la saga (à l’instar d’autres suites tardives comme Les Bronzés 3 ou Les Trois Frères : Le Retour) est finalement le cadet de ses soucis : souffrant de la comparaison écrasante avec le deuxième volet, sorte de mètre-étalon du grand n’importe quoi régressif, le film de Adil & Billal (comme ils sont crédités au générique) n’avait que très peu de chances d’être porté aux nues. Bad Boys 2, en effet, imposait une bonne fois pour toutes le style dont Michael Bay n’allait jamais revenir : gras et vulgaire à outrance, le film filait à 300 à l’heure pour nous proposer une succession de scènes d’action aussi inédites et folles que joyeusement ridicules, à l’instar de cette poursuite sur un tronçon d’autoroute où un méchant à l’arrière d’un camion balançait des cercueils occupés (et donc des cadavres frais) sur la voiture des héros pour leur barrer la route. Exemple parfait d’une mise en scène inventive mise au service d’une crétinerie totale, faite de gags scatologiques et d’un sexisme d’un autre âge, Bad Boys 2 ressemblait finalement plus à une série Z hongkongaise qu’à un blockbuster américain. C’est ce qui faisait son charme et sa limite : ceux qui aiment ce second volet l’aiment à la folie, mais en secret.

Rien de tout ça dans ce troisième volet trop sage et sans grande personnalité, qui rentre dans le rang et troque la folie du n°2 pour un récit truffé de gags éculés sur l’arthrose de ses héros. Si la photographie de Robrecht Heyvaert convainc et que les scènes d’action sont chorégraphiées et montées avec talent, on ne peut que constater le manque flagrant d’originalité de celles-ci. Alors qu’en 2003, Bay faisait tournoyer sa caméra dans des conduits d’aération pour épater la galerie, Adil & Billal ne nous proposent qu’une poignée de fusillades et d’échauffourées à la banalité confondante, déjà vues mille fois. A l’exception notable d’une séquence brutale d’évasion de prison, les amateurs d’action risquent de faire la fine bouche. Comble de la supercherie, Martin Lawrence, l’une des deux têtes d’affiche, ne participe tout simplement pas aux scènes d’action. Son personnage étant désormais grand-père, il passe la majorité du film à torcher un bébé. Quand on sait que l’acteur a touché le cachet exorbitant de 6 millions de dollars, on se dit qu’on détient l’exemple ultime d’arnaque sur le rapport qualité-prix ! Le flagrant manque d’implication de Lawrence n’est cependant pas étonnant : terriblement bouffi, l’acteur semble essoufflé dès qu’il ouvre une porte. Quant à Will Smith, blasé et sans doute vexé de n’avoir touché « que » 17 millions de dollars pour reprendre son rôle, il livre le simple minimum syndical, sans doute conscient de la médiocrité du scénario. Résultat des courses, les Bad Boys passent la majorité du film épaulés par une brigade de jeunes flics qui leur volent la vedette.

 

Will Smith et Martin Lawrence dans Bad boys for life

 

Rien de tout ça dans ce troisième volet trop sage et sans grande personnalité, qui rentre dans le rang et troque la folie du n°2 pour un récit truffé de gags éculés sur le vieillissement de ses héros. Si la photographie de Robrecht Heyvaert convainc et que les scènes d’action sont chorégraphiées et montées avec talent, on ne peut que constater le manque flagrant d’originalité de celles-ci. Alors qu’en 2003, Bay faisait tournoyer sa caméra dans des conduits d’aération pour épater la galerie, Adil & Billal ne nous proposent qu’une poignée de fusillades et d’échauffourées à la banalité confondante, déjà vues mille fois dans des productions du style The Expendables. À l’exception notable d’une séquence brutale d’évasion de prison, les amateurs d’action risquent de faire la fine bouche. Comble de la supercherie : Martin Lawrence, l’une des deux têtes d’affiche, ne participe tout simplement pas à ces scènes d’action. Son personnage étant maintenant grand-père, il passe la majorité du film à torcher un bébé. Quand on sait que l’acteur a touché le cachet exorbitant de 6 millions de dollars, on se dit qu’on détient l’exemple ultime de tricherie sur le rapport qualité-prix ! Le flagrant manque d’implication de Lawrence n’est cependant pas étonnant : terriblement bouffi, l’acteur semble essoufflé dès qu’il ouvre une porte. Quant à Will Smith, blasé et sans doute vexé de n’avoir touché « que » 17 millions de dollars pour reprendre son rôle, il livre le simple minimum syndical, sans doute conscient de la médiocrité du scénario. Résultat des courses, les Bad Boys passent la majorité du film épaulés par une brigade de jeunes flics qui leur volent la vedette.

 

Bad boys for life de Adil et Bilall

 

Alors, aveu de faiblesse d’un duo en panne d’inspiration ou manque de liberté imposé par des exécutifs frileux ayant engagé deux « yes-men » pour faire le job sans moufter ? Le duo belge, en mode mercenaire, semble paralysé, broyé par la machine hollywoodienne, imposant certes sa patte visuelle en bons héritiers du cinéma hollywoodien des années 80-90, mais n’amenant pas la moindre idée originale à un scénario sur lequel ils n’ont probablement pas eu leur mot à dire. Si l’on devine aisément qu’il ne reste pas grand-chose du script de Joe Carnahan, les rares bonnes idées du film (un duo de méchants mère – fils avec complexe d’Œdipe non-résolu) portent sa signature. Malheureusement, cette tendance très actuelle à transformer n’importe quel enjeu dramatique en tentative de sitcom familiale mâtinée de gags et répliques pénibles, sans se soucier un tant soit peu des montagnes d’incohérences qui plombent les arcs narratifs des personnages (SPOILER : le méchant terroriste est en fait le fils caché du héros – FIN DU SPOILER), est devenue le triste sort du film d’action hollywoodien, comme le ridicule Hobbs & Shaw l’a encore prouvé l’été dernier. Sacrifier la cohérence du récit sur l’autel du gros gag qui tâche et d’une célébration rance des valeurs familiales, voilà le triste héritage de l’humour américain des années 2000 sur le film d’action grand public…

Finalement, ce Bad Boys 3 faisandé (qui garde néanmoins toutes ses chances de faire un gros carton sur nos écrans, nostalgie oblige), à l’instar du Colt 45 de Fabrice Du Welz, n’est pas tant l’œuvre d’un duo sympathique (qui reviendra vite, nous l’espérons, à des films plus personnels) qu’un énième témoin de la capacité maléfique de la machinerie hollywoodienne à vampiriser, gaspiller et neutraliser les talents venus d’ailleurs.

 

Tout à propos de: