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Ça m'est égal si demain n'arrive pas de Guillaume Malandrin

Publié le 13/07/2006 par Anne Feuillère et Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Critique

Le film de Guillaume Malandrin programmé au Flagey en ce début d’août poursuit une pratique de la Cinémathèque Royale de Belgique initiée avec Nuit Noire d’Olivier Smolders ou Vendredi ou un autre jour d’Yvan Lemoine.

Une initiative qui permet à un public curieux ou cinéphilique de découvrir des films belges créatifs. www.cinergie.be s’associe pleinement à ce projet et soutiendra, lors de leur sortie, ces films en les présentant accompagnés d’un entretien avec le réalisateur (filmé et textuel).

Coup d’envoi avec Ca m’est égal si demain n’arrive pas qui a été sélectionné à l’ACID lors du Festival de Cannes 2006 et dans de nombreux autres festivals (entre autres Montréal, Angers et Rotterdam).

Ça m'est égal si demain n'arrive pas de Guillaume Malandrin

Ça m’est égal si demain n’arrive pas est un film étrange, au sens littéral du terme. Une ballade, une chronique ? En tous les cas, l'histoire d'une trajectoire, énigmatique et déterminée. Guillaume Malandrin suit Jacques, incarné par le grand corps un peu dégingandé de Jacky Lambert,  un homme récemment sorti de prison qui essaye de recomposer une unité familiale idéale que ses dix ans de prison ont brisé. Mutique, exigeant, farouche, Jacques retrouve son fils, tombe sur la mère de son enfant et conçoit le projet de partir en vacances avec eux afin de renouer ou de (re)créer des liens. Trois personnes liées par une histoire mais qui ne se connaissent pas, qui cherchent à se connaître et qui n'y arrivent pas. On pourrait pressentir le drame – Lambert en joue et le film aussi, à chaque pas, de ce possible éclatement de la violence contre un réel qui ne répondrait pas au désir. Et dans un film obéissant à une narration classique, on se dirigerait droit vers la violence cathartique (ciel, mon enfer !). L’amour ou la mort ! Ben, non : dans Ça m’est égal si demain n’arrive pas, chacun reste une énigme, étranger à l’autre et sans drame pour autant. Chacun tel qu'en lui-même. L’enfant retourne dans sa famille d’accueil, la mère à ses occupations et le père digère son idéal, ses fantasmes familiaux. Donc pas de coup de pouce scénaristique, de chevilles narratives pour réveiller un spectateur habitué à ses trois plans à la seconde. Pas de coïncidence qui tombe à pic au moment où tout est censé  se jouer dans un chute imprévue. Pourtant le processus va à son terme, tout se joue mais rien ne se dit (le langage parlé fait-il s’entendre ou se mal entendre ?). Le point culminant du récit : la relation père-fils a lieu. Ils se disent ce qu’ils ont à dire sans se parler en se laissant envahir par la durée, s’apaiser au rythme d’une nature cyclique. Peu de choses, mais qui en disent beaucoup.

Guillaume Malandrin use tout au long de son film d’un non-dit qui exacerbe les sentiments du spectateur pour cette famille qui ressemble à tout sauf à une cellule. Trois individus ayant  des affects différents. Trois personnages opaques qui résistent à l'interprétation. Du coté d’Ozu. Printemps tardif, début d’été ? Un film deleuzien qui refuse la triangulation familialiste afin de lui préférer la bifurcation ? Un film singulier, en tout cas.

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