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Aude Fauconnier

Publié le 07/04/2022 par Kevin Giraud / Catégorie: Entrevue

Miru Miru, Petit Poilu, les Schtroumpfs. Derrière ces héros de littérature jeunesse et de bandes dessinées devenus stars du petit écran, il y a des animatrices et animateurs de talent.
Aude Fauconnier en fait partie, et nous avons eu la chance de la rencontrer au détour de son intervention au Festival Anima.
Elle y partageait son expérience avec les étudiants et futurs artistes de demain, revenant sur une carrière qu’elle a elle-même construite avec opiniâtreté et détermination, entre la Belgique et le Portugal.

Aude Fauconnier

Cinergie : Vous avez eu un parcours impressionnant. Pouvez-vous nous parler de votre formation ?

Aude Fauconnier : J’ai commencé mes études aux Beaux-Arts de Tournai, en dessin. Petit à petit, j’ai eu l’occasion de prendre des cours à option, notamment en arts numériques, et c’est là que j’ai pu me familiariser avec l’animation. Malgré tout, je revenais systématiquement au papier et au crayon. À l’époque, je n’avais pas spécialement envie de travailler à longueur de journée derrière un écran. Par ailleurs, je prenais également des cours en section textile pour apprendre à crocheter des petites poupées, avec l’idée de les animer ensuite. À la fin de ma formation, ma cheffe d’atelier m’a proposé de me rendre au Portugal pour suivre les cours d’un professeur d’animation qu’elle connaissait bien, et qui était réputé pour pousser les élèves à s’investir dans le milieu. C'est ainsi que je suis partie en Erasmus pendant environ sept mois, et que j'y ai fait de très belles rencontres.

 

C. : Et de là, vous avez débuté votre carrière dans l’animation avec une série.

A.F. : Après mes études, j’avais envie de trouver un stage pour pouvoir faire une première expérience dans une maison de production. Après avoir contacté différents studios, j’ai décroché un stage au studio La ménagerie à Toulouse, pour la conception de décors sur la série Les Kiwis. Leur vision de l’animation, très créative et avec une approche centrée sur les auteurs ainsi que les petits projets m’a beaucoup plu. Un premier pas dans ce milieu très intéressant.

 

C. : Vous avez ensuite travaillé en 2d principalement ?

A.F. : Même si je n’avais pas d’expérience directe dans le secteur et que mon profil était atypique, j’avais vraiment envie de travailler dans cette branche. Après plusieurs contacts, j’ai reçu un retour de la part de Dreamwall, et une première entrevue - assez impressionnante - dans leurs locaux. Olivier Auquier, le directeur artistique du studio, m’a prêté un ouvrage de l’animateur Richard Williams pour me familiariser aux bases et techniques de la 2D. En parallèle, je savais que Dreamwall travaillait avec le logiciel Toon Boom, j’ai donc commencé à explorer celui-ci par moi-même. Pendant trois mois, je me suis auto-formée tout en envoyant des séquences à Olivier pour m’entraîner et perfectionner ma technique. Après quelque temps, j’ai pu décrocher un stage Mediarte au sein du studio. J’ai eu la chance d’être encadrée par deux chefs animateurs qui ont été très pédagogues, ce qui m’a permis de faire des pas de géant en quelques mois, et de développer une méthode de travail que j’applique toujours aujourd’hui. Je leur en suis très reconnaissante, ainsi qu’à toutes celles et tous ceux qui m’ont soutenu et me soutiennent encore aujourd’hui.

 

C. : En quoi consiste votre travail au quotidien ?

A.F. : En tant qu’animatrice, je sers aux projets qui arrivent à Dreamwall. Ce sont essentiellement des séries, sur lesquelles je travaille aux côtés d’une équipe d’animation variée avec des compétences et des expériences différentes. Certains sont spécialisés en cartoon, d’autres plus réalistes, et d’autres encore apportent un bagage technique très enrichissant. L’aspect créatif et le travail personnel que je réalisais pendant mes études est moins présent, mais il y a un vrai travail d’équipe et une dynamique inspirante sur l’ensemble des projets auxquels je participe.

 

C. : Vous avez des chouchous ?

A.F. : Deux. Le premier projet où j’ai travaillé en tant qu’animatrice professionnelle, à savoir Miru Miru. C’était une expérience inoubliable, et cela restera jusqu’à la fin de ma carrière. Le second qui me tient beaucoup à cœur, c’est la nouvelle série Les Schtroumpfs en 3D. Les histoires, l’animation, les décors, il y a vraiment un côté ludique sur ce projet qui donne envie de s’investir et de se dépasser.

 

C. : Comment êtes-vous passée de la 2D à la 3D ?

A.F. : À la fin du projet Petit Poilu, il y a eu un creux. Cela m’a donné l’occasion d’apprendre un logiciel 3D. Être polyvalente et pouvoir jongler entre les techniques me semblait intéressant, et si j’avais réussi à le faire pour la 2D, je devais pouvoir y arriver pour la 3D également. Cela dit, ce n’est pas pour autant facile. Cela m’a demandé beaucoup de courage, d’investissement et de motivation. Comme pour la 2D, j’ai envoyé mes premiers tests à Olivier pour avoir des retours, tout en échangeant avec mes collègues des retours et des conseils.

 

C. : Avez-vous une préférence entre l’une ou l’autre technique ?

A.F. : Pas vraiment. En ayant travaillé les deux, j’ai l’impression qu’il y a vraiment des échanges entre les deux techniques. L’une apporte à l’autre, et inversement. Il y a des avantages et des inconvénients dans chaque technique, mais cela dépend vraiment du projet.

 

C. : Avez-vous des envies pour la suite ?

A.F. : Travailler sur un projet personnel, retrouver une créativité pour pouvoir le soumettre en festival. Je suis contente d’avoir pu toucher à toutes ces techniques, découvrir la 2D, la 3D, travailler en équipe. Ce sont de belles expériences, mais j’aimerais bien pouvoir aussi revenir à une autre approche, plus similaire à ce que je faisais durant mes études.

 

C. : Pour terminer, avez-vous des conseils à donner aux jeunes qui souhaitent se lancer dans l’animation aujourd’hui ?

A.F. : Je dirais aux jeunes d'oser se lancer, de repérer les studios qui les intéressent en s'informant sur leurs précédents projets, en cours et à venir. Et de ne pas hésiter à postuler s'ils perçoivent qu'il y a déjà une affinité possible avec le studio.

Ce qui me semble également important à souligner, c’est que les étudiants peuvent également compter sur les personnes de leur promotion. Échanger et discuter, tout en se soutenant les uns les autres, cela peut être d’une grande aide. Chacun peut avoir un regard critique constructif à prendre en compte.

Il n'y a pas forcément besoin d'être pistonné pour commencer à travailler dans l'animation. La motivation compte et peut ouvrir des voies. Il y a des professionnels qui sont toujours réceptifs à ce genre de valeurs. La lettre de motivation est peut-être laborieuse à réaliser en plus de la bande démo mais elle n'est pas à dénigrer car elle permet à l'employeur de se faire une première idée de la personne que l'on est. Il sera peut-être nécessaire de faire des formations ou continuer à se former soi-même avant de rejoindre un projet d'animation, mais il existe de nombreuses possibilités. Quel que soit le choix d'apprentissage, chaque petit pas compte.

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