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Beau comme un tracteur de Clara Beaudoux

Publié le 30/09/2025 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Un coin tranquille à la campagne

Le beau, dans l’Antiquité, était une affaire de proportions parfaites, une harmonie régie par les mathématiques. C’est ainsi, par exemple, que sont construits le Parthénon d’Athènes et les pyramides d’Égypte. Pour Platon également, le beau, c’est la forme géométrique : l’art et la reproduction représentaient le faux, alors que la géométrie, c’était le vrai, donc le beau. Mais une poignée d’années plus tard, à Moisy, commune de 350 habitants de la Beauce, qu’est-ce que le beau exactement ? 

Beau comme un tracteur de Clara Beaudoux

Une jeune citadine interroge le concept auprès de son oncle Michel, agriculteur retraité qui vit paisiblement avec son épouse, Danielle, dans la ferme familiale. Clara a été habituée dès son plus jeune âge à partir « à la découverte du beau » dans les musées parisiens, avec son père, qui trouvait qu’il s’agissait là d’une des meilleures choses à faire pour encourager ses enfants à ouvrir leur esprit au monde. Quarante ans plus tard, Clara visite toujours des musées, mais ne peut s’empêcher de se demander ce que sa famille, restée à la campagne, penserait de certaines œuvres modernes. Pour la Parisienne, Moisy est devenu un autre monde, un ancien petit coin de paradis oublié, laissé à l’abandon, où personne ne demande plus jamais à personne ce qu’il trouve beau. « Les gars de la Beauce ne sont pas très causants », lui explique Michel, qui s’insurge quand on lui dit que « la Beauce, c’est moche ». Il propose donc à sa nièce d’aller « glaner le beau ». 

L’art, pour Michel, suivi partout par la caméra de Clara, ne se trouve pas forcément dans les musées, mais dans les petites choses anodines du quotidien. Éleveur de poules, il a reçu durant toute sa vie des cadeaux à l’effigie de gallinacés, qui égaient la maison. Lorsqu’il s’agit de faire découvrir à Clara sa conception du beau, il lui montre des jonquilles, des tournesols, s’extasie devant des champs de colza, de lavande, des parterres de fenouil. Ou encore devant un coucher de soleil sur son village… Le duo fait le tour des maisons pour demander aux amis de Michel de leur montrer leurs « beaux » objets. Immanquablement, ce sont toujours les plus anciens qu’ils possèdent. 

Cette rencontre amusée et touchante de deux visions parfois diamétralement opposées de l’art et du monde, cette quête du beau en rase campagne sont peut-être avant tout un prétexte pour la réalisatrice de renouer avec ses racines et sa famille. Posant la question « Est-ce que tout peut devenir de l’art ? », Clara arrive à la conclusion que l’on confond sans doute trop souvent beauté et sophistication. Son oncle, personnage fantasque portant un regard malicieux sur la vie, lui apprend durant ces quelques jours à trouver « des petits bouts de beau » là où elle peut, que ce soit dans un arc-en-ciel ou un tas de vieilles ferrailles.

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