S’il prétendait venir de Saturne, Sun Ra est bel et bien né sur Terre — à Birmingham, Alabama. Le documentaire des cinéastes belges Guillaume Maupin et Pablo Guarise revisite les racines de ce prophète du free jazz et de l’afrofuturisme, révélant comment une terre marquée par la ségrégation et la musique a façonné l’un des artistes les plus visionnaires du XXᵉ siècle.
The Magic City: Birmingham according to Sun Ra, de Pablo Guarisse et Guillaume Maupin

S’il affirmait être descendu de l’espace, Sun Ra — né Herman Poole Blount en 1914 — a grandi dans le tumulte du sud profond américain. Avec Magic City – Birmingham According to Sun Ra, les réalisateurs Guillaume Maupin et Pablo Guarise signent un documentaire à la fois sensoriel et politique, un portrait en mouvement du Birmingham de son enfance, avant que le jeune homme ne devienne le maître du “space jazz”.
Le film redonne souffle à cette ville de contrastes, berceau du blues et du gospel, mais aussi témoin d’un siècle de ségrégation raciale et de luttes pour les droits civiques. Les cinéastes parcourent les rues de Démopolis, les salles de classe du professeur John “Fess” Whatley, et les paysages de l’Alabama — cette terre où la douleur et la créativité se sont toujours entremêlées. À travers témoignages, archives et envolées visuelles, Magic City montre comment cette réalité âpre a nourri l’imaginaire cosmique de Sun Ra.
Au-delà du portrait d’un artiste, Maupin et Guarise composent une véritable œuvre collective. En impliquant les habitants de Birmingham, ils font dialoguer mémoire individuelle et mémoire urbaine, reliant l’histoire du musicien à celle d’une communauté en quête de reconnaissance. Le film s’aventure dans plusieurs directions et met en lumière la lente émancipation des Afro-Américains, sortant de l’ombre de la ségrégation pour reconquérir leur récit, leur voix et leur fierté. En revisitant ce passé sombre, Magic City rappelle aussi l’héritage magique et populaire d’une région où l’on murmurait encore, dès 1914, le nom du magicien noir Black Herman — symbole d’une liberté arrachée par l’illusion, l’art et la persévérance.
Entre documentaire musical, méditation sociale et geste poétique, Magic City rend hommage à un artiste qui voulait “échapper à l’Histoire pour inventer l’avenir”.
Présenté au Film Fest Gent et au BAFF, le film s’impose comme une ode à la liberté, à la mémoire et à la puissance visionnaire du plus céleste des jazzmen.
Pour en savoir plus à propos de Pablo Guarise: https://www.cinergie.be/actualites/pablo-guarise-pour-les-rengaines









