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Bérangère McNeese, marraine de la fête du court métrage

Publié le 06/03/2023 par Dimitra Bouras et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Entrevue

Bérangère McNeese, actrice et réalisatrice belgo-américaine, marraine de la Fête du Court Métrage, a remporté le Magritte du meilleur court-métrage pour son film Matriochkas en 2020 et revient avec nous sur son parcours varié et exemplaire. De ses débuts précoces dans des publicités, des courts-métrages et sur les planches à l’écriture de scénarios, elle nous partage son expérience riche d’enseignements. Depuis sa tendre enfance, c’était assez clair dans sa tête : elle voulait jouer. Elle a migré en France après les secondaires pour exaucer son rêve, avant de souvent retourner en Belgique pour y exercer son métier. Elle a également étudié le journalisme à la Sorbonne et à l’ULB.

Cinergie : Comment se fait-il que vous ayez commencé si tôt votre carrière sur les plateaux de tournage ?

Bérangère McNeese : Je suivais des cours de théâtre à Bruxelles, à la Vénerie et une directrice de casting qui s’appelle Valérie Bette est venue un jour et cherchait des petites filles pour une pub pour Barbie. J’ai donc tourné dans cette pub et s’en est suivi un parcours très classique où on entre en agence, on est appelé pour d’autres pubs. Ensuite, j’ai commencé à tourner dans des courts-métrages. En tout cas, je savais assez tôt que c’est ce que je voulais faire.

 

C. : Dans votre famille, on vous a poussé à faire du théâtre ?

B.M.: En fait, dans ma famille, on ne m’a jamais poussée à faire quoi que ce soit ou à prendre cette direction mais dans ma famille américaine, tout le monde est artiste, soit fait de la musique, soit peint, soit réalise des documentaires, et il y a pas mal de comédiens aussi. Et ma grand-mère était d’ailleurs elle-même comédienne. Je me souviens d’être allée voir une répétition de sa pièce un été où j’étais là-bas assise sur les gradins dans le noir, je trouvais ça super. C’était aussi une façon de se lier à elle, d’être un peu comme elle. Je pense que c’était aussi une espèce de modèle, ça me semblait accessible parce que plein de personnes autour de moi le faisaient à différents niveaux. Voilà d’où j’ai tiré mon inspiration.

 

C. : Et là maintenant, vous diriez que vous êtes plutôt cinéaste et comédienne ou comédienne et cinéaste ?

B. Mc N. : Franchement, ça dépend tellement des jours. Je trouve ça très riche de pouvoir faire les deux et d’ailleurs plus le temps passe, plus je me rends compte de la chance que c’est d’avoir amorcé les deux. J’ai commencé comme comédienne, ce qui m’intéressait, c’était la retransmission, ce qui se passe à l’image entre les humains qu’on y voit. Mais c’est une drôle de vie d’être comédien et on décide moins ce qu’on a envie de faire, ce qu’on fait, dans un premier temps pour le moins. D’un point de vue quotidien, en matière de qualité de vie et de « faire ce qu’on aime dans la vie », c’est une vraie chance de pouvoir faire les deux, j’aime bien mettre les deux à égalité. Mais ça dépend, il y a des jours où je tourne, des jours où j’écris, voilà, c’est bien de changer de casquette d’un jour à l’autre.

 

C. : Comment vous êtes-vous lancée dans la réalisation ?

B. Mc N. : Je tournais depuis un moment et je pense que ça me trottait depuis longtemps un peu dans la tête et puis je me souviens d'avoir commencé à écrire des ébauches. Ce qui n’est pas mal avec le court-métrage, c’est que comme c’est court, on peut avoir une ébauche d’un scénario assez rapidement, sur lequel on peut travailler plus longtemps évidemment mais en termes d’intention, ça peut aller très vite de le coucher sur papier. J’en ai fait un assez rapidement, puis je l’ai fait lire à un ami chef opérateur qui m’a dit que si je voulais qu’on le fasse ensemble, on le faisait. C’est devenu très accessible : lui a appelé d’un coup tous ses copains qui étaient tous techniciens à différents endroits et sans argent, mais avec du matériel, et on a pu faire un film, le Sommeil des Amazones. J’ai peu tergiversé, j’ai découvert que ça me plaisait en le faisant.

Le deuxième, Des corps purs, c’était une coréalisation, une coécriture, j’ai aussi joué dedans. Le problème, c’est que ce n’est pas viable, surtout pour les gens à qui on demande de collaborer avec nous, qu’on ne peut pas toujours rémunérer. Donc, j’en ai fait deux comme ça, puis le dernier, le troisième, Matriochkas, est rentré dans une structure un peu plus classique de production. J’ai demandé de l’aide aux différents guichets qui existent.

 

C. : Le court est un format qui vous plaît ?

B. Mc N. : Pour l’instant, ça a été une façon de me faire la main et c’est ça la richesse du court-métrage : on apprend en faisant, on est sur un plateau pour une période relativement courte grâce au format et on teste les choses qu’on aime, à l’image, sur le plateau, en direction d’acteur. C’est une forme d’art en soi de faire du format court. Après, j’ai réalisé quelques épisodes pour la télévision et je suis en écriture d’un format plus long.

 

C. : Votre carrière de comédienne facilite t-elle le fait de diriger les acteurs ?

B. Mc N. : Je pense qu’il y a plein de cinéastes différents mais moi, je sais que ce qui m’intéresse le plus, c’est vraiment ce qui se passe entre les comédiens. Le jeu a toujours fait partie de ma vie, c’est ce qui m’émeut. Forcément, le fait d’avoir été longtemps de l’autre côté de la caméra et d’avoir été filmée et de devoir aller chercher des choses, ça aide quand on est chargé des plateaux ou en train de diriger des acteurs, d’imaginer ce qui est nécessaire pour pouvoir trouver ces choses-là, le contexte à mettre en place. C’est une expérience que l’on connaît. De la même manière, le fait d’avoir réalisé m’aide beaucoup à être comédienne. On comprend les enjeux de l’autre côté de la caméra et des postes de chaque personne. On réalise qu’on n’est pas seule au monde quand on est filmée, qu’on est entourée de gens qui essaient de faire leur travail qui importe tout autant que le nôtre. On apprend énormément en faisant les deux, en même temps surtout.

 

C. : Dans Le Sommeil des Amazones, il y avait plusieurs comédiennes. Ce sont des gens que vous connaissiez ou vous avez fait un casting ? Comment ça s’est passé ?

B. Mc N. :  En fait, comme je suis partie en France juste après les secondaires, je n’ai pas fait les écoles de théâtre ici. Je connaissais donc assez mal les comédiennes de mon âge. À l’époque, c’étaient des comédiennes de mon âge qui jouaient dans le film. J’ai fait passer énormément de casting à des filles de mon âge et c’est comme ça que j’ai rencontré mes collègues. C’est rigolo, car plus tard j’ai recroisé beaucoup de filles qui ont joué dans ce film et d’autres qui étaient supers que j’ai rencontrées à ce casting-là. Voilà comment j’ai rencontré les comédiennes de ma génération en Belgique, souvent grâce aux castings et en plusieurs étapes. C’était assez long mais je passe beaucoup de temps en général au casting.

 

C. : Parce que ça vous plait ?

B. Mc N. : Parce que c’est une étape que j’aime bien, ça dessine un peu les personnages et j’ai aussi l’impression qu’il y a tellement de personnes différentes, on est tous tellement différents. C’est super d’avoir un espèce de calque d’un personnage, de faire glisser des personnes derrière, de se dire là c’est un peu différent mais ça marche aussi et de chercher comme ça. 
Le casting de Matriochkas a été aussi super long. J’ai vu énormément de jeunes filles pour ce rôle. Éloïse, qui joue dans le film, je l’ai rencontrée alors qu’elle n’avait jamais passé de casting auparavant et elle venait d’un petit village près de Bordeaux. Je me rappelle l’avoir vue arriver au casting à Paris, il se déroulait aussi là-bas, et c’était assez évident qu’elle correspondait vraiment au rôle. On a joué ensemble et selon moi, elle n’était pas si intimidée. C’est souvent ça qui est flippant quand on passe des essais : si on est intimidé, c’est un peu bloquant. C’est l’expérience qui permet de ne pas être intimidé et de se dire que ça ne sert à rien de se stresser, parce qu’on ne pourra qu’être moins bon. Elle ne stressait pas et c’était impressionnant, car c’était son premier tournage. Cette expérience a été super riche, c’était vraiment une chance : en jouant avec une totale débutante, on redécouvre plein de choses et on apprend ensemble. Comme il n’y a pas encore de technique, c’est vraiment une question d’instinct, tout s’imprègne du vécu et de la personne en tant que personne, pas en tant que comédien. Il faut toujours garder une distance pour maintenir des rapports sains. J’avais envie de la diriger pour qu’elle puisse utiliser son vécu pour retransmettre ce qu’elle vit dans le film. Mais ce qui lui appartient lui appartient et je ne veux pas chercher des choses qui ne m’appartiennent pas. Je ne pense pas que ça soit nécessaire. 

 

C. : Et dans vos prochains projets, vous voulez continuer à jouer ?

B. Mc N. : J’ai beaucoup aimé l’expérience de tourner dans mon film mais j’ai quand même trouvé ça super difficile. Heureusement, c’était une coréalisation avec Guillaume de Ginestel et lui aussi jouait dans le film. On pouvait se diriger l’un l’autre. En fait, ce que j’ai trouvé dur, ce n’était pas tellement de jouer et de diriger mais c’était cette espèce de changement de casquette et le rapport à l’équipe. C’est bizarre de se lever de derrière la caméra et de dire « bon maintenant, tout le monde me regarde. » C’est finalement le métier de comédien mais j’ai trouvé ce passage entre les deux étranges et ça ne m’a pas trop plu. Quand je réalise, j’aime bien rester vraiment dans cet aspect-là et dans l’observation. J’aurai peut-être ce double rôle à nouveau un jour, il faudrait la bonne histoire et le bon contexte.

 

C. : Dans vos films, le corps a une importance primordiale ? C’est toujours très dynamique et très physique.

B. Mc N. : En fait, je crois qu’il y a un sujet qui m’a beaucoup intéressé jusqu’à présent, c’est le coming-of-age de jeunes filles à femmes, c’est un sujet qui revient pas mal et la violence qui peut avoir lieu à cette période-là : entre soi et soi, entre soi et le regard des autres. Cela concerne le fait d’être encore une fille et de projeter des aspects de femme dans sa vie. Ça m’intéresse beaucoup, donc évidemment, là il y a une dimension très corporelle avec ce corps-là qui change et dont il faut prendre possession.

 

C. : Vous avez été élue marraine du court-métrage pour cette édition.

B. Mc N. : Oui, et j'en suis très flattée car c’est un événement important qui met en lumière ce format si particulier qui a une place si importante dans ma vie, mais qui est parfois très méconnu. Je trouve ça super de faire connaître cette forme, cet art-là. C’est aussi un format génial pour découvrir plein d’univers en même temps, plein de cinéastes, plein de comédiens. Ça me fait plaisir en tant que réalisatrice mais aussi en tant que spectatrice. Et ça permet aussi aux comédiens moins connus de prendre possession de rôles plus importants. Le court-métrage n’assume pas d’énormes responsabilités économiques, il peut voyager en festival, et si tout va bien, il passe à la télévision, il n’y a pas d’exigence, il ne faut pas que des salles se remplissent ou que ça cartonne. On ne doit pas spécialement prendre des têtes d’affiche qui vont faire venir les foules. Ça permet donc à des comédiens, qui ont moins la chance de jouer de le faire. C’est ce que j’ai souvent vécu dans ma vie, j’ai pas mal joué dans des courts-métrages, alors que j’obtenais des rôles plus petits dans des longs. Les courts m’ont permis de chercher de nouvelles choses, c’est en effet un terrain d’expérimentation.

 

C. : On va bientôt vous voir sur grand écran. 

B. Mc N. : Il y a pas mal de trucs qui sortent. Il va y avoir le film d’Olivier Van Hoofstadt qui s’appelle Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée, il y a plusieurs séries aussi, la saison 3 de HPI sur TF1, la saison 2 de Braqueurs sur Netflix, la série Des gens bien, des créateurs de La Trêve qui va sortir sur Arte au printemps. Plusieurs longs-métrages comme le film de François Pirot, Ailleurs si j’y suis qui va sortir ce 15 mars.

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