Nous pourrions aisément, en regard de la production massive de littérature au sujet de l’écriture scénaristique, se poser la question de la nécessité d’un tel ouvrage. Cependant, il n’en est rien. Écrire un film. Scénaristes et cinéastes au travail n’est pas une variation sur l’immobilisme du sujet. Les coordinateurs de l’ouvrage collectif ont pensé le livre comme un essai, comme une pensée en mouvement composée d’échanges et de dialogues désaccordés entre des intervenants de renoms et des élèves du master 1 à l’Université Paris 1 (Panthéon Sorbonne). Car écrire un film, ce n’est pas uniquement rédiger un scénario bien ficelé répondant à des formules savantes. Ecrire un scénario, c’est, en dernière instance, penser à ses autres formes d’écritures comme le montage, la mise en scène, le cadrage. Que l’écriture soit vive ou sèche, cérébrale ou spontanée, fugace, tangible ou sanguine, elle est profondément travaillée par une diversité et des paradoxes. Qu’elle tâtonne fébrilement, qu’elle recule encore devant ses contradictions, qu’elle se fasse aveu de souffrance, toutes ses formes d’écritures jaillissent soudainement et questionnent le film. C’est cela qui forge la singularité de ce présent ouvrage. Aux confins des rencontres, à l’issu de débats, émergent une nouvelle vision sur ce qu’est et doit être le scénario sans l’enfermer dans un genre, sans même négliger la pluralité des influences cinématographiques et les différences de générations des intervenants.
Écrire un film. Scénaristes et cinéastes au travail
Dans ce volume dirigé par le cinéaste auteur et professeur Frédéric Sojcher et le critique de cinéma à la revue Positif N.T. Binh, le scénario est éprouvé dans ses caractéristiques constitutives et nécessaires. Il est envisagé sous une forme de contre-histoire cinématographique remettant en cause les schémas éculés du cinéma classique et l’intériorisation de son héritage, mais aussi le peu d’intérêt que lui portaient la nouvelle vague et le cinéma moderne. Ainsi, les auteurs retracent la trajectoire du scénario, de son avènement à sa chute et sa réhabilitation. Les auteurs questionnent, au travers d’entretiens privilégiés et d’échanges avec les cinéastes et scénaristes tels que Emmanuel Carrère, Francois Ozon, mais aussi Bertrand Blier, Jean-Claude Carrière et bien d’autres, l’historicité de l’écriture scénaristique mais aussi son avenir, sa capacité à devenir, ses enjeux formels et artistiques.
En effet, si la dialectique de l’ouvrage se focalise sur la question essentielle du scénario, les diverses réflexions engendrent une multiplicité de regards sur la fonction du scénario, sa conception et plus globalement, sur les spécificités du langage cinématographique et des rapports entre le scénario et les autres données et facteurs d’un film tels que la mise en scène ou la production. En ce sens, l’ouvrage propose un véritable dialogue et une vision transversale : qu’est-ce qu’un scénario et comment doit-il être pensé et repensé à mesure de son propre devenir ?
Tout au long de l’ouvrage, nous sommes confrontés aux apories de la technique d’écriture scénaristique, la volonté de certains de relever les écueils, des positions divergentes quant aux enjeux de réalisation d’un film. Tous tentent d’apporter leurs expériences d’écriture et de tournage, renversent les règles ou réinventent une manière de travailler, accordent la primauté au scénario ou le font évoluer in vivo et font advenir les possibles, l’imprévu, au tournage ou au montage, comme pour Bertrand Blier, pour qui scénario final consiste à penser le film comme tel dans la salle de montage.
Écrire un film. Scénaristes et cinéastes au travail coordonné par N. T. Binh et Frédéric Sojcher. Editions Les Impressions nouvelles, 2018, 392 p.
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