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Le Cours de la vie de Frédéric Sojcher

Publié le 10/05/2023 par Basile Pernet / Catégorie: Critique

Sollicitée par le directeur d’une école de cinéma (Jonathan Zaccaï), Noémie (Agnès Jaoui) se rend à Toulouse pour diriger une masterclass sur l’écriture scénaristique. Cependant, l’invitation cause de part et d’autre un certain malaise puisque Noémie et Vincent (le directeur en question) entretenaient, dans leur jeunesse, une véritable relation amoureuse. C’est ainsi leur première rencontre après trente années de silence, marquées par une soudaine lettre d’adieu.

 

Le Cours de la vie sort ce 10 mai en salle sur près de 150 copies en France et 7 copies en Wallonie et à Bruxelles, mais pas (encore?) à Liège ni à Namur.

Le Cours de la vie de Frédéric Sojcher

Une journée ordinaire, dans une école paisible, au cours de laquelle une scénariste enseigne son métier. Cette structure narrative sobre et rigoureuse, qui n’est pas sans rappeler celle du théâtre classique, induit une histoire épisodique. Néanmoins, bien qu’elle soit étroitement liée au passé et à l’avenir des personnages principaux, cette histoire semble, à mesure qu’elle progresse, complètement détachée du temps et des réalités formelles de la vie, telle une enclave. Frédéric Sojcher nous fait entrer dans un espace restreint mis en lumière par une photographie discrète, attachée aux détails, établissant une proximité intime avec les personnages. Toutefois, la finesse de la mise en scène invite à regarder ce qui se passe hors-champ, et à écouter ce que les paroles effleurent mais ne disent pas.

Noémie enseigne aux élèves, par un langage humble et sincère, à tout connaître de la vie des personnages qu’ils créent ; plus encore à partager leurs passions. Elle acquiert peu à peu l’approbation générale, mais ce faisant, sous le regard éperdu de Vincent et ceux plus mitigés des élèves, elle évoque ses scénarios, qui la conduisent naturellement à dévoiler des épisodes de sa propre vie. Dès lors, les interactions oscillent entre la sphère professionnelle et la sphère privée, et les histoires personnelles de chacun.e en arrivent à s’entrecouper. Par leurs questionnements sur la façon d’écrire un film, les élèves laissent supposer qu’ils ont davantage besoin de réponses aux problématiques de leur vie personnelle. Noémie y attache un intérêt sensible, peut-être plus grand parfois que celui avec lequel elle leur enseigne l’art d’écrire la vie.

Ses retrouvailles avec Vincent sont caractérisées par l’indécision, la gêne, mais aussi la complicité et la tendresse retrouvées. Tout d’abord piégés par un certain déficit de parole, que viennent combler les interventions des élèves, la maladresse s’épuise finalement devant les désirs d’authenticité. Les élèves vont alors jouer, à leur insu, un rôle décisif dans l’articulation du climat de leurs retrouvailles.

N’oublions pas d’évoquer le personnage de Louison (Géraldine Nakache), belle-sœur de Vincent et régisseuse générale de l’école. Du haut de la cabine de projection et entre les différentes étapes du programme de la journée, elle observe et entend les échanges. Femme prompte et affectueuse, proche de ses élèves et proche de Vincent, elle semble deviner les difficultés et les tourments des un.es et des autres.

En fin de compte, et c’est ce qui retient particulièrement l’attention, tous les personnages, qu’il s’agisse de Louison ou du serveur du restaurant, tous ont un besoin de raconter leur(s) histoire(s), peut-être dans l’espoir de mieux embrasser leur propre vie.

Le cinquième long-métrage de Frédéric Sojcher s’intéresse de près aux relations intergénérationnelles et aux questions de transmission de l’une à une autre. Le procédé de mise en abyme de l’écriture scénaristique accentue la dimension intime du récit et dessine une analogie intéressante entre les personnages du film et ceux invoqués à titre d’exemple au cours de la masterclass.

L’œuvre dans sa globalité s’apparente à un long poème romantique dont les strophes s’enchaînent suavement, par lents degrés, et dans lequel circule tacitement la mélancolie anxieuse des retrouvailles provoquées. 

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