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Entretien avec Salomé Dewaels, la jeune actrice belge qui a le vent en poupe

Publié le 15/01/2024 par Jean-Philippe Thiriart / Catégorie: Entrevue

Son prochain film, Sous le vent des marquises, dans lequel elle donne la réplique à François Damiens, sort ce 31 janvier. Elle est à l’affiche de la série Irrésistible de Disney+, aux côtés, entre autres, de Camélia Jordana. En tournage ces jours-ci de la série française Ça, c’est Paris, avec Alex Lutz notamment, elle retrouvera bientôt sa compatriote Cécile de France pour le tournage de Louise. Vous l’avez compris : Salomé Dewaels a le vent en poupe, c’est peu de le dire !

Cinergie : Nous connaissons votre attachement à votre ville, Bruxelles. Vous définiriez-vous d’abord comme Belge ou comme Bruxelloise ?

Salomé Dewaels : Forcément comme Bruxelloise, parce que je suis née à Bruxelles et que j’y ai grandi. Mais c'est clair que je suis attachée à ma culture belge en général, autant côté francophone que néerlandophone.

 

C. : Au niveau culturel, est-ce qu'il y a des gens qui vous inspirent en Belgique ?

S.D. : Du côté francophone, Yolande Moreau est vraiment mon artiste préférée. Et puis il y a Bouli Lanners, Joachim Lafosse… Ce sont vraiment des personnes qui m'inspirent au quotidien.

 

C. : Vous avez déjà tourné avec Bouli Lanners.

S.D. : J’avais fait un court métrage pour Salima Glamine et Dimitri Linder : Après 3 minutes. À la fin d’une projection du film, un monsieur vient me féliciter. C'était Bouli. J'étais ravie de le rencontrer. J'avais un prof de français en quatrième secondaire qui nous avait initiés à son cinéma. On étudiait le cinéma belge et il nous avait invités à regarder des films de Bouli. Et le fait de le rencontrer par la suite et puis, après, de travailler pour lui, c'était génial ! Dans Les Premiers, les Derniers, j'ai eu un petit rôle. C'était vraiment un cadeau qu’il m'a fait. Après l'avoir rencontré, Dimitri m'avait dit que si je travaillais bien à l'école, j’aurais une surprise. À l'époque, j'avais un petit peu du mal à l'école et donc j'ai beaucoup charbonné. Et puis je reçois un appel qui me dit : « Salut, c'est Bouli ! Je t'ai fait un petit cadeau : tu as un petit rôle dans mon film. » Ce n'était pas prévu à la base. J'ai participé à un ou deux jours de tournage.

 

C. : C’était un des premiers longs métrages que vous tourniez.

S.D. : Oui. J’avais fait un long avant : Une mère de Christine Carrière. Mais c’était mes tout débuts. J'avais fait pas mal de courts métrages étudiants auparavant. Mais c'était un de mes premiers tournages professionnels et c'était assez impressionnant, surtout de travailler avec Bouli. Personnellement, je n’ai pas eu la chance de jouer avec lui. Mes scènes, c'était avec Suzanne Clément et Albert Dupontel, mais c'est lui qui m'a dirigée et c'était génial de le voir non seulement me diriger moi, mais aussi les autres comédiens, et de voir comment il menait sa barque.

 

C. : Est-ce que vous pouvez nous parler de votre travail avec Albert Dupontel ?

S.D. : J'avais quelques scènes avec lui et c'est une des premières fois où j'étais assez impressionnée par la technique d’un comédien. Pour moi, un comédien, c'était d’abord quelqu'un qui reçoit un texte et qui le joue et ça s'arrêtait là. C'était un peu naïf de ma part. Mais quand j'ai vu Albert au travail, j'ai vraiment été impressionnée ! Il se positionnait d'une certaine manière. Je voyais qu'il jouait avec la lumière. Rien n'était laissé au hasard et ça, c'était quelque chose de nouveau pour moi et j'ai vraiment appris ça de lui.

 

C. : Et Yolande Moreau, qu'est-ce qui vous inspire chez elle ?

S.D. : C'est vraiment un tout. J'aime sa sincérité. Quand je regarde ses interviews, notamment, je la trouve naturelle et juste. J'ai l'impression que ce n'est pas quelqu'un qui ment. J'aime énormément sa douceur. C'est l'aura de cette femme que j'aime.

 

C. : Vous avez mentionné Joachim Lafosse…

S.D. : J'adorerais travailler pour lui ! J'ai eu l'occasion de le rencontrer dans le cadre du travail. Et j'ai adoré la manière dont il dirige ses comédiens : il va droit au but, il sait exactement là où il a envie d'aller, mais il nous laisse une grande liberté. Et c'est aussi quelqu'un qui a une grande sensibilité et, je pense, beaucoup d'empathie. Il a beaucoup d'amour pour ses personnages, ses comédiens, et c'est ça qui me fait me dire que j'ai vraiment envie de bosser avec ce mec. Je pense qu'il peut pousser des comédiens très loin.

 

C. : Vous êtes dans le cinéma depuis plus de dix ans. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’en faire ?

S.D. : Je suis rentrée dans le cinéma sans comprendre que c'était un vrai métier. C'est ma belle-mère qui m'a envoyée à un premier casting. Je crois que j'avais des envies de cinéma, mais c'est très flou. J’ai donc commencé à passer des castings et à tourner, mais sans ambition particulière. J'avais juste envie de jouer, sans avoir vraiment conscience que, après, le tournage devenait un objet qui reste dans le temps. Mais par la suite, quand j'ai découvert que c'était un vrai métier, ce qui m'a donné envie de faire du cinéma, c'est justement cet objet qui reste dans le temps, de pouvoir partager avec les gens, de pouvoir incarner un personnage, de pouvoir vivre une vie que je n'ai pas, mais tout en allant chercher des choses de ma propre vie.

 

C. : Comment est-ce que vous préparez vos différents rôles ? Est-ce que chaque rôle se prépare différemment ? Avez-vous une méthode bien à vous ?

S.D. : Au tout début, je n'avais aucune méthode. C'était limite chaotique : je n'allais qu’à l'instinct. Aller à l’instinct, je le fais encore, mais maintenant, j'ai conscience que c'est un vrai travail, qu’il y a un engagement entre moi et le réalisateur ou la réalisatrice. Donc je travaille mes rôles davantage. Je n’ai pas de méthode à proprement parler. Mais c'est vrai que différents comédiens m'ont appris certaines choses. Comme le fait d’avoir une playlist de musique, ça peut nous aider. De regarder des tableaux, de s'inspirer de films. Je demande chaque fois au réalisateur ou à la réalisatrice avec qui je vais travailler si il ou elle a des références. Et en me basant sur ces références-là, je vais essayer de travailler mon personnage. Mais tout part vraiment du texte de base.

 

C. : Quand avez-vous su que ce métier était fait pour vous et/ou que vous étiez faite pour ce métier ?

S.D. : Je pense que je n'aurai jamais cette certitude-là. Je me pose toujours des questions, notamment celle, parfois, de savoir si je vais vraiment continuer. Est-ce que c'est fait pour moi ? Mais le moment auquel je me suis dit que je ne me voyais pas faire autre chose, c'était à l’école secondaire, quand on nous a demandé de choisir des études. J'avais déjà goûté au cinéma et j'ai eu envie d’en faire mon métier.

 

C. : Quel style de directeur ou directrice d’acteur ou d’actrice préférez-vous ?

S.D. : Je n'ai vraiment aucune préférence. C'est d'abord une rencontre. Quand je fais un casting ou une rencontre, certes moi je passe le casting pour que le réalisateur ou la réalisatrice voie si je corresponds, mais moi aussi je leur fais passer un petit casting. En tout cas dans ma tête. Je me pose les questions suivantes : « Est-ce que nos énergies correspondent ? Est-ce qu’on se comprend ? Est-ce qu'on a le même langage ? » Il faut que ça passe bien de l'humain à l'humain.

 

C. : Vous faites vos débuts à la télévision en 2017 et êtes notamment remarquée dans la mini-série L’Absente. Est-ce que vous approchez le jeu au cinéma et en télévision de manière différente ?

S.D : Pour moi, c'est la même chose. Je pense que la télé a vraiment évolué. On se rapproche quand même fort du cinéma. Néanmoins, quand on tourne une série, ça va beaucoup plus vite. On a un peu moins de temps. Au cinéma, on peut faire dix-onze prises. En série, on ne va en faire que trois-quatre parce qu'on doit aller vite, qu'on doit rentrer beaucoup d'images à la journée. Mais, en soi, je vois cela de la même manière. Pour moi, ça reste du jeu. Cela dépend vraiment du projet, de l'histoire, et du réalisateur ou de la réalisatrice.

 

C. : Vous avez tourné, entre autres, avec Mathilde Seigner, Bouli Lanners, Cécile de France, Xavier Dolan et Jeanne Balibar. Quelques mots sur ces comédiens et comédiennes ? Si je vous dis Mathilde Seigner ?

S.D. : « Honnête », dans son jeu. Elle est très généreuse, aussi. Elle a la réputation d'être très rentre-dedans, mais avec moi, elle a été d'une douceur ! Elle m'a vraiment prise sous son aile parce que c'était un des premiers longs sur lesquels j’avais plusieurs jours de tournage. J'ai beaucoup appris d'elle, de sa rigueur dans le travail.

 

C. : Bouli ?

S.D. : « Enfant ». Pour moi, c'est un grand enfant et ce n'est pas du tout péjoratif. C'est quelque chose que j'essaie de garder en moi, de rester enfant un maximum. C'est-à-dire de pouvoir voir le plateau comme un grand terrain de jeu, s'en amuser et en ressortir quelque chose de beau, mais pas seulement.

 

C. : Cécile de France ?

S.D. : « Grande travailleuse ». C’est quelqu'un qui a une maîtrise de tout : du jeu, de la technique… C'est assez déconcertant parce que ça paraît si facile pour elle ! Quand elle joue, on dirait qu'elle ne joue pas. Je l'ai rencontrée dans le cadre d'un film d'époque. Les phrasés sont différents de ceux d’un film contemporain. Et tout était fluide dans sa bouche, tout était juste. C’est une énorme actrice !

 

C. : Xavier Dolan ?

S.D. : C'était, pour moi, assez fou de travailler avec lui parce que j'aime énormément son travail en tant que réalisateur et c'était, je crois, une des premières fois qu'il jouait pour quelqu'un d'autre, pas dans un de ses films. Et c'était très agréable de voir le réalisateur dans le comédien. C'est-à-dire que quand il jouait, ça se voyait qu’il y avait l'œil du réalisateur. Il était très impressionnant !

 

C. : Jeanne Balibar ?

S.D. : « Grandeur ». C'est une grande dame, c'est vraiment la classe.

 

C. : Est-ce qu'il y a des comédiens ou comédiennes avec lesquel·le·s vous aimeriez tourner ?

S.D. : Il y a de grands rêves. Je pense à Wes Anderson. Je crois que c'est un des premiers réalisateurs qui m’a subjuguée par son esthétique et avec lequel j'ai vraiment pu plonger dans une histoire. Il a quelque chose de très fédérateur. Ses films, c’est comme un câlin. Sinon, Joachim Lafosse, je ne lâche pas l'affaire là-dessus : je veux vraiment travailler avec lui !

Quant aux comédiennes, je pense à Mara Taquin. C'est ma meilleure amie et on s'est retrouvées sur un court métrage étudiant. J'ai vraiment envie de pouvoir jouer avec elle parce qu'elle est comme une sœur pour moi et je n'ai jamais eu l'occasion de jouer avec quelqu'un que je connais personnellement. Je crois qu'on pourrait aller très loin.

 

C. : Vous avez été dirigée par Xavier Giannoli dans Illusions perdues, qui vous a valu une nomination aux Magritte du Cinéma puis aux César. Quels souvenirs gardez-vous des Magritte ?

S.D. : C'était assez plaisant de se retrouver là parce que les Magritte, c'est la maison. J'étais très fière de représenter le film de Xavier en Belgique. J'étais très contente aussi parce que j'avais plein de copains qui étaient nominés dans d'autres catégories.

 

C. : Et il y a eu les César, juste après…

S.D. : Les César, pour moi, c'était assez stressant comme expérience. Quand j'ai appris ma nomination, je dormais et c'est Félix, mon amoureux, qui m’a réveillée en me disant que j’étais nommée. Et le premier truc que j'ai dit, c’est qu’ils étaient fous. Je crois que je ne réalise que maintenant ce qui m'est arrivé et que c'est assez fou. Sur le moment même, je ne comprenais pas. J'avais l'impression de ne pas être à ma place. Mais j'étais avec Benjamin et Vincent, qui ont réussi à vraiment me prendre par la main. Et puis j'étais enceinte pendant les César, je n'étais pas vraiment toute seule. Ça m'a vraiment rassurée de l'avoir avec moi. (rires)

 

C. : Vous avez aussi accompagné le film à Venise.

S.D. : C’était fou. En arrivant là-bas, Xavier Giannoli nous a dit que c’était une grande chance de voir le film projeté sur cet écran-là, qui a vu les plus grands films. Ça mettait donc déjà une petite pression. Et même si j'étais très stressée parce que c’était mon premier tapis rouge, une fois que je me suis installée dans la salle et que j'ai vu le film, j'ai pu profiter et c'était agréable de redécouvrir le film en sentant l'énergie de la salle. Et puis, pour moi, c'était très impressionnant à la fin du générique : tout le monde se lève et applaudit. Et on ne va pas se mentir, je crois qu'on fait aussi ce métier pour avoir ce retour des gens. Ça reste des encouragements pour dire « Allez, vas-y, continue ! » C'est un souvenir que je garderai en moi toute ma vie.

 

C. : Est-ce que l’actrice que vous êtes a changé depuis qu’elle est maman ?

S.D. : Oui, il y a clairement eu un changement. La maternité a vraiment exacerbé ma sensibilité. J'ai effectué quelques castings en étant enceinte et je sais que ça m'a aidée, de l'avoir avec moi et de pouvoir avoir cette sensibilité-là. Maintenant, je me rends compte aussi que quand je travaille, l'objet reste, chose que je n'avais pas avant. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que ma fille va voir les films que je fais. Mes choix, maintenant, changent par conséquent.

 

C. : Est-ce qu'il y a un rôle, un personnage, que vous n'avez pas encore joué et que vous aimeriez beaucoup interpréter un jour ?

S.D. : Il y a tellement de choses que j'ai envie de faire ! J'ai envie d'expérimenter encore plus la comédie. J'ai envie de pouvoir porter des films parce que je n'ai pas eu énormément de premiers rôles. Jouer un premier rôle, ce n’est pas du tout le même travail, celui de porter un film de A à Z. Je crois que j'ai envie de me voir avec des cheveux gris à l'écran. J'ai envie de me voir avec des rides. J'ai envie de raconter des histoires de femmes qui ont du vécu.

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