Les fées de la télé se sont penchées sur le berceau de Gilles de Voghel qui nous avoue, avec un large sourire, qu'il est né avec une télécommande en main. Il ajoute que ses parents se sont offerts une télé lors de sa naissance. Né à Bruxelles de parents qui allaient rarement s'offrir une toile en salles. Il va découvrir le cinéma, en vacances, chez son grand-père à Stavelot.
Entrevue avec Gilles de Voghel
"Je me souviens de Taram et le chaudron magique de Ted Berman et Richard Rich. J'étais très petit. Sinon il y avait les Disney. Mes parents n'ont jamais été de grands amateurs de cinéma." D'où une téléphagie galopante. On imagine bien le jeune Gilles scotché aux images du flux télévisuel cablé. Plus tard, avec un ami, il fait, de petits films qu'ils tournaient le week-end sur support vidéo. "J'aimais bien mettre en scène de petits sketches, de petites histoires. Dès que j'avais une caméra en main, je m'amusais", précise-t-il. Vers l'âge de 14-15 ans, au moment où l'on commence à se demander ce qu'on va devenir, Gilles lit des bouquins, se renseigne sur les filières qui mènent à l'audiovisuel. "Je fréquentais davantage les salles de cinéma ce qui m'a poussé à suivre un stage au Centre Multimedia. On a réalisé un petit film, en 16mm, : A livre ouvert. Puis je suis tombé sur Tournage à Manathan de Tom di Cillo et je me suis dit c'est amusant le cinéma, c'est ça que j'ai envie de faire ! Un film m'a marqué, que j'ai été voir parce que j'avais bien aimé l'Armée des douze singes de Terry Gilliam, c'est Brazil que j'ai vu au Musée du Cinéma.
Cela a été un choc."
Sinon, Gilles reste fidèle à la télé, a ses diverses émissions et surtout aux vidéo-clips qui seront le sujet de son mémoire de fin d'études. D'ailleurs il fait de la musique, jouant du saxophone dans un groupe de rock-ska et aimerait bien réaliser des clips "À la télé j'aime bien ça, j'aime bien les talk shows, les sketches, dit-il d'un air gourmand, avec un ami on est en train de réaliser des sketches télévisés de 2'. Contrairement à certains, la télé ne m'endort pas, elle me stimule. Je me suis inscrit à l'IAD, en même temps que dans une école de communication au cas où je raterais l'examen d'entrée. Mais j'ai été accepté et ait suivi le cursus habituel : vidéo, exercice de remake en seconde et en troisième année un film sur support pellicule. J'ai réalisé Saleté de grenouille (2000). L'histoire d'un garçon victime d'un accident à cause d'une grenouille. Se retrouvant paralysé quelques semaines, il imagine que sa femme le trompe. Il s'agit d'enfiler une série de quiproquos basés sur les ressorts de la comédie américaine. J'avais envie de me moquer de façon un peu burlesque de ce qui était fait les années précédentes : des films principalement basés sur la jalousie ou les difficultés du couple. Je trouvais ça plan plan.
La conception de X-Film est plus étrange. Un jour j'ai vu un documentaire belge racontant l'histoire véridique d'un type qui trouve un vieux film dans une caméra Super 8 mise en vente dans une brocante. Il développe la pellicule et part à la recherche de ces gens qui ont filmé des moments de leurs vacances. Le réalisateur se met à la recherche des différents protagonistes. Il enquête, rencontre une famille irlandaise et se rend compte que le père qui a filmé ses enfants est mort depuis lors. J'ai beaucoup aimé et cela m'a donné l'idée de faire un faux film. En partant du principe que trouvant un vieux film et découvrant sur la pellicule quelque chose que je ne suis pas censé voir. Pour la suite, pour le côté enquête, je me suis inspiré de celles qu'on voit en télé genre "Au nom de la loi", "Envoyé spécial", etc. Je m'en suis inspiré au niveau du langage. Par ailleurs, je voulais obtenir le ton personnel du documentaire d'auteur, c'est-à-dire parler à la première personne, donner ses états d'âme, je trouvais que ça crédibilisait le film et lui donnait une sorte de coloration plus subjective en donnant plus de véracité à un film qui était une fiction se regardant comme un vrai documentaire. J'ai donc fait une enquête : on me voit aller chez les gens, poser des questions, un peu comme Michaël Moore quand il enquête dans Bowling for Columbine. Il s'agissait de jouer la carte du réalisateur un peu culotté qui met son nez là où il ne faut pas. Comme j'étais jeune ça donnait à la chose un aspect candide, naïf et crédible. Il s'agissait de faire croire aux gens le plus longtemps possible que ce documentaire était vrai tout en mélangeant le vrai et le faux tout le temps. C'est pourquoi, on a utilisé différents supports la pellicule, la vidéo, etc.
Le film est tourné en Beta SP, on a voulu travailler avec les acteurs puisqu'il y a de faux interviews et de vraix interviews avec des personnes. J'essaie de le présenter, la plupart du temps, comme un vrai documentaire. Mon pari étant qu'on peut faire croire n'importe quoi à l'aide d'images, de faire un vrai faux film ou un faux vrai film. J'ai eu un bol fou. L'idée était de partir d'un film fait par un étudiant ayant disparu dans les années 90-91. J'ai remis mon dossier à l'atelier de production en disant qu'on allait tourner quelques images dont celles de films d'étudiants n'ayant pas existés réellement et je me suis dit : pourquoi ne pas partir d'un vrai film d'étudiant ? J'ai été voir les archives de l'école et je suis tombé sur un documentaire tourné sur support pellicule et qui datait de 1991 et qui se passait dans le milieu des colombophiles. Je me suis dit : c'est parfait, il suffit d'aller retrouver les gens, ils seront tellement vrais. Je leur ai téléphoné, ils étaient encore en vie et tout s'est enchaîné. C'est encore mieux que ce que j'avais imaginé. Il y a eu des coïncidences heureuses. Qui font que c'est un vrai film. Pas seulement un canular.
C'est tellement vrai que X-Film a obtenu le prix du meilleur film francophone au Festival "Het grote Ongeduld ! 2002 organisé par la VUB". Il sera diffusé le mercredi 26 février sur la deux/RTBF dans l'émission "Tout Court" de Renaud Gilles.