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Tournage de "Ennemi Public" 2. Rencontre avec Angelo Bison

Publié le 07/02/2018 par David Hainaut / Catégorie: Tournage

"Ce que nous faisons, c'est encore le début d'une nouvelle ère !"

C'est en mars que le tournage de la deuxième saison d'Ennemi Public s'achèvera, quelques dernières scènes étant encore à mettre en boîte. Après La Trêve, il s'agit de la deuxième série mise en place par le Fonds Fédération Wallonie-Bruxelles/RTBF qui boucle un second «marathon» de plusieurs mois.
L'espace d'une journée, à l'Abbaye du Val-Dieu à Aubel, en région liégeoise, soit dans l'un des décors principaux de la série, nous avons pu observer le tournage et plusieurs scènes, avec entre autres Angelo Bison et Clément Manuel.
Entretien avec le premier, alias l'ex criminel Guy Béranger, qui a marqué les esprits tant du public que des professionnels, lui qui a obtenu en 2016, le Prix de la Meilleure Interprétation dans une série francophone, lors de l'important Festival Séries Mania Paris.

Cinergie : Puisque le phénomène est presque inédit en Belgique francophone, en quoi tourner une deuxième saison d'une série est-il différent ?
Angelo Bison :
Le plus intéressant en fait, c'est d'explorer ce qu'on a esquissé au niveau des personnages lors de la saison 1. Cela permet à chacun d'aller plus loin. Là, Guy Béranger vit des situations nouvelles, et montre une toute autre facette de son personnage.

 

C. : Au terme de la première saison, vous disiez que cette première difficile et longue expérience avait soudé l'équipe...
A.B. :
C'est évident qu'à beaucoup de niveaux, vu la nouveauté de l'entreprise, la première saison a été rude, avec beaucoup d'heures supplémentaires et des conditions complexes avec le froid, la pluie, et même la gadoue dans les bois. Quand on vit ça, il y a deux solutions : soit l'équipe commence à se détester et ça explose de partout, ou alors cela soude les personnes. C'est ce qui s'est passé : les difficultés ont en fait créé une ambiance ...magnifique, car les gens avaient envie d'accomplir quelque chose. Mais nous étions loin d'imaginer la suite et ce fabuleux destin, avec les récompenses, le succès, les reventes...

 

C. : Non seulement vous ne l'envisagiez pas et pire, vu la nature de votre personnage, vous aviez dit craindre des réactions autour de vous. Or, vous n'avez finalement pas eu besoin d'engager de garde du corps pour vous promener dans la rue…
A.B. :
C'est vrai ! (sourire) Finalement, dans la rue, les gens étaient surtout perturbés par l'ambivalence de Béranger. Cela a créé pas mal de questionnements mais moi, ça m'a fait plaisir d'avoir su provoquer cet espèce de conflit intérieur chez le spectateur. Là, on se dit qu'on a réussi notre coup. Il y a eu beaucoup de psychopathes dans la fiction, mais le personnage de Béranger est particulier : entre savoir si on peut lui pardonner ou bien, lui donner une seconde chance.

 

C. : Une série est un tournage au long cours et donc, propice à de nombreux changements. On vous sait impliqué au théâtre : comment se passe votre organisation de travail, comme comédien ?
A.B. :
Difficilement, car nous avons encore pas mal d'heures supplémentaires, avec les changements liés à la météo : de l'humidité à la pluie, en passant encore par le froid. J'espère que ces difficultés vous à nouveau créer un climat intéressant au niveau de l'image. Pour ça, on a une météo formidable ! Même si quand nous tournons, on se dit toujours qu'on aurait tellement eu envie que ça se fasse en juillet (sourire)...

 

C. : Après plusieurs décennies de théâtre et avec cette série, vous confirmez avoir des envie d'aller davantage vers le cinéma, vers d'autres réalisateurs ?
A.B. :
Oui, même si ce n'est pas simple. Pour moi, grâce à Ennemi Public, il y a eu ce prix de meilleur acteur à Séries Mania ce qui, pour un comédien, est formidable. Mais se faire une place n'est pas si facile. Déjà, au niveau des autres séries, c'est fichu, tant Béranger est catalogué, ce que je peux comprendre. Mais au-delà, je regrette qu'au niveau des engagements, cela ne se bouscule pas plus, pour le moment. Sans doute cela doit-il se faire progressivement, car je suis novice dans ce milieu, étant issu du milieu théâtral. Où là, les metteurs en scène me connaissent et savent de quoi je suis capable. Au cinéma, peut-être que les réalisateurs n'en sont pas encore persuadés, mais je peux faire autre chose qu'un psychopathe ! Une fois qu'on m'aura vu dans autre chose, peut-être se dira-t-on « Tiens, ce comédien-là, il peut faire autre chose qu'un personnage qui fait peur »!

 

C. : Vous avez la réputation d'aimer être dirigé. C'est le cas ici ?
A.B. : Absolument. Si je suis parvenu à ce degré de jeu chez Béranger, c'est grâce aux deux jeunes réalisateurs, Matthieu Frances et Gary Seghers, qui ont un talent fou. Ils sont d'une précision extrême avec les personnages, ils savent ce qu'ils veulent et en même temps, ils laissent les comédiens s'épanouir. On est très bien dirigés !

 

C. : Concernant l'impact de ces séries dans le paysage, quel est votre sentiment ?
A.B. :
C'est magnifique. Cela fait quarante ans que je joue au théâtre, où je le concède, je ne suis connu que par une minorité de quelques centaines de personnes, mais Ennemi Public m'a apporté une visibilité incroyable, grâce à la RTBF, TF1 et tout le reste. Du jour au lendemain, vous devenez extrêmement populaire, les gens vous arrêtent partout. Cette reconnaissance des artistes, cela fait plaisir, et c'est valable pour les Yohann Blanc, Clément Manuel, Stéphanie Blanchoud et les autres. Cela commence à rejaillir sur le théâtre, où jouent tous ces comédiens. Les séries ont amené ça en Flandre il y a des années, mais je pense qu'on y viendra aussi en Wallonie. Il faut laisser du temps. Ce qu'on est en train de faire, c'est encore le début d'une nouvelle ère et je suis heureux d'être un des artisans qui ouvrent la voie. Après, plein d'autres jeunes, bourrés de talents, arrivent. Nous, on est là pour servir de passeurs et leur dire «Voilà, le chemin est ouvert : maintenant, allez-y, foncez !» 

 

C. : Mieux vaut donc tard que jamais...
A.B. :
Voilà ! Mais tout doucement, on y arrive aussi grâce à Unité 42, eLegal, Champions et les autres. La reconnaissance va jusqu’à avoir des articles en Angleterre ou Espagne. Ce « Belgian noir » commence à exister, et il ne faudra pas beaucoup pour que cela s'installe. Et de la bonne manière, en amenant quelque chose de plus avec nos propre acteurs et réalisateurs. Cela peut nous donner une nouvelle image.

 

C. : Dernière chose, quid de la suite pour vous, en cette année 2018 ?
A.B. :
La suite, c'est du théâtre, avec L'Avenir dure longtemps que nous avons joué à Avignon et que nous reprenons à Bruxelles du 8 au 18 mars au Théâtre Poème, puis à Paris du 20 au 25 mars. Ensuite, une tournée est prévue mais ce théâtre devant fermer ses portes, l'avenir reste hélas incertain. Je n'ai pas toujours l'impression que chacun se rende compte de l'impact et du bien que peuvent apporter l'art de manière générale. Qu'il s'agisse d'acteurs, de danseurs, de photographes, de romanciers... On aimerait parfois devoir moins se «battre» et se sentir parfois un peu plus soutenus !

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