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Entrevue avec Marie-Hélène Massin

Publié le 01/04/2002 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

Cinéma quand tu nous tiens, tu nous habites et nous habilles. Le style Amélie Poulain et la nonchalance hippy façon année septante se portent bien en ce printemps 2002. Ça tombe bien, ce folklore mixé Occident-Orient n'a jamais quitté Marie-Hélène Massin (rien à voir avec l'ethno chic bobo), adepte du noir ou de l'ébène mais avec des gilets afghans fushia mêlé de bleu cobalt que soulignent davantage encore des cheveux rouges à la Nina Hagen. Le portable Nokia à la main est son seul luxe avec ses bagues aux couleurs émeraude et argentées. Si on la voit mal porter des sandales-marguerite, on la voit bien dans l'ère du post-logo qui s'annonce. Bref, elle passe d'autant moins inaperçue que, toujours en quête de rencontres imprévisibles, sociable et curieuse de tout, elle tisse un brin de causette avec nos collègues du CBA, du CFA, du Fonds Henri Storck, avant de s'arrêter au quatrième étage à Cinergie.be.

Marie-Hélène Massin ©JMV/Cinergie

 

Née entre la Meuse et le Canal Albert, près de la Hollande, Marie-Hélène Massin s'intéresse dés son plus jeune âge au théâtre.

"C'était le plaisir de lire des textes, le rapport avec les gens à travers l'émotion que l'on peut faire passer. J'ai le souvenir d'avoir dit des textes devant un public que l'on touche. C'est magnifique ! Étant échevin de l'enseignement, mon père a pris l'initiative de créer une Académie à Visé. À huit ans, ma mère nous y emmenait pour suivre des cours de solfège, de flûte traversière, de chant et de déclamation. Je passais mes week-ends à l'Académie. Ce qui aide à grandir sans trop de problèmes puisque a travers des textes tu peux exprimer toutes tes difficultés, tes émotions et surtout être pris en considération par les adultes."

 

À l'adolescence, en dehors de son parcours scolaire et de l'Académie, MHM s'abandonne aux délices de la flânerie (ce qu'elle résume par « je ne foutais rien »). Sa vocation : devenir comédienne. C'est ce désir qui la mène à l'INSAS où elle passe ses deux premières années à faire de la mise en scène de théâtre. Curieuse et mue par le désir d'être ailleurs que là où on l'attend, elle se lie avec des étudiants d'autres sections comme Ricardo Castro, Thierry Odeyn, Michel Mees, Jean-François Jauniau et Hadelin Trinon, professeur d'analyse cinématographique. C'est aussi l'époque où Salvador Allende offre une alternative aux dictatures sud-américaines asservies à l'ultralibéralisme nord-américain. MHM devient militante. Si l'on ajoute la révolution des oeillets au Portugal, on comprendra qu'elle file à Lisbonne avec Joao Brehm, un ami portugais, pour y monter une semaine consacrée au cinéma belge.

 

En terminant ses études, elle rencontre Monique Quintart qui l'embarque dans un projet de film tourné avec les ouvrières d'une usine textile. Ce sera Et si on se passait de patron (1978), son premier film en co-réalisation. Elle entre au Ministère de la Communauté française, tombe amoureuse, puis enceinte. Heureuse de devenir mère d'un petit Elie, MHM file la métaphore en s'intéressant aux personnes rondes. Elle réalise, seule cette fois, un gros coup (un film réussi qui n'a pas pris une ride) : Grosso Modo (1982). Mais qui est gros, et comment est-on gros ?

 

Le temps que vole aux humains la tyrannie du profit l'enquiquine avec son cortège de codage irrespirable pour ceux qui en font les frais. L'énergie, le désir qui l'animent sont d'explorer les marges de cette société duale : les gros, les immigrés, les enfants, l'homme derrière le rituel politique, les femmes d'aujourd'hui partagées entre l'idéal social d'une réussite professionnelle et leur vie privée avec leurs proches. L'autre lui importe davantage que les cases dans lesquels il s'inscrit.

 

Partagée entre son travail au ministère et ses activités à l'AJC (elle y entre sur les conseils éclairés de Christiane Dano), elle côtoie dans ce qui, à l'époque, ressemble davantage à un club qu'à un atelier, Boris Lehmann, Hubert Toint et Raphaël Nidzinsky. « C'était le plaisir de travailler en équipe ; à l'époque ils étaient tous un peu débutants ».

 

Après l'éclat de Grosso Modo, MHM veut se frotter à la fiction. Elle réalise Voyage (1987), n'en est pas contente pour des raisons qui échappent à votre serviteur et retourne au documentaire avec Rue de l'Abondance (1995), un film de 54'. Prenant conscience que sa famille et elle-même sont les dernière anciens Belges de son quartier, elle part à la rencontre de ses voisins ex-immigrés devenus nouveaux Belges. « Tous les sujets se sont fait autour de la maison, de ma vie personnelle, de mon boulot, » précise-t-elle. En un mot autour du vécu de MHM dont la curiosité pour ce qui l'entoure n'a pas de limite.

 

Surtout pour un personnage haut en couleurs comme Guy Cudell, le bourgmestre socialiste qui a régné pendant cinquante ans sur Saint-Josse, la plus petite commune de Bruxelles, et y a défendu vigoureusement le droit à la différence. Le Bourgmestre a dit dévoile la formidable capacité d'écoute de Cudell vis-à-vis des habitants de sa commune, n'épargne pas le ridicule des rituels politiques, des ratages institutionnels (la scène du mariage). Suit Petites Filles en 1999 et, en 2001, Petits Désordres, une fiction qui résume toutes les difficultés de l'adulte (son formatage socio-économique) confronté à l'enjeu de l'enfance (l'infini des possibilités) mais aussi à la transmission (que transmet-on encore à nos enfants ?), un petit bijou de 8' qui aurait pu faire un long métrage, si grande est sa réussite. En ce moment elle termine C'est notre pays pour toujours, un documentaire de 52'.

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