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Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand 2017

Publié le 13/03/2017 par Thierry Zamparutti / Catégorie: Événement

Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand (03/02 au 11/02/2016) : (40 moins unième) édition ou les tribulations d'un journaliste en plein délire public concernant le court-métrage en provenance de tous les continents.

Avec cette année le #tropdexiguite, le festival montre que Clermont-Ferrand devient victime de son succès étant à la limite de ses capacités en salles, et surtout, en bureaux pour l'équipe organisatrice. Créé en 1979, et maintenant à la veille d'un fameux anniversaire, le Festival a dû gérer une progression exponentielle de son public et un développement des actions liées à celui-ci. La Jetée, nom donné au siège des organisateurs, en hommage à Chris Marker, en est réduit à son cadre. Si le hors-champ fonctionne bien au cinéma, dans la réalité pratico-pratique d'une gestion aussi responsable que possible, il en est tout autrement.

Les 162.000 entrées de l'année dernière étant dépassées, il faut répondre de toute urgence à l'impact positif sur le public et les professionnels de cet événement autour du court-métrage. Aussi, la solution réside dans un programme ambitieux de création d'un espace culturel innovant, ouvert à tous. Les projets sont donc sur la table, et le bateau tiendra le cap vers son 40e anniversaire envers et contre tout. C'est Jean-Claude Saurel, son Président, qui le dit et qui salue à nouveau au passage la grande équipe qui le met en oeuvre et les centaines de bénévoles qui l'accompagnent, autant de galériens passionnés qui voguent au gré des émotions que les films donnent au public avec cette année une grande et belle part d'humanité.

C'est probablement cela qu'a ressenti le Jury National (entendez par-là « français ») présidé par le franco-grolandais Benoît Delépine en donnant le Grand Prix à la production belgo-française Le Film de l'Eté d'Emmanuel Marre. Comment en est-on arrivé là ? Tout d'abord partant d'un projet de voyage, le réalisateur demande à son producteur belge Sébastien Andres (Michigan Films) un peu d'argent contre... rien. Ni scénario, ni dossier. Et le fada y va, donne, fait confiance, croit à la spontanéité et au regard cinématographique permanent du réalisateur. Et le temps du trajet, avec quelques amis (à ce stade-là, un autre terme ne conviendrait pas), Emmanuel Marre filme une histoire de vacances, de solitude, d'amour... de choses que le Jury unanime a fait sien. Plus tard, un coproducteur français, Kidam, décrocha une aide à la post-production en Seine-Saint- Denis et les trente minutes du film ont pu ainsi éclairer, durant une semaine à Clermont, quelques 20.000 yeux. Lors de la remise de son prix, Emmanuel Marre eut les mots qu'il faut pour encourager le cinéma intuitif, fonceur au-delà des circuits classiques de production, là où l'acte de naissance d'un film peut devenir jouissif.

Et il n'y en eut que pour les Belges (j'exagère évidemment, mais disons que le rapport Prix par film sélectionné est particulièrement intéressant cette année).

Avec le Prix National du meilleur film d'animation francophone, Arnaud Demuynck (La Boîte,... Productions/Les Films du Nord) démontre une fois de plus l'efficacité de son écurie franco-belge. Il faut reconnaître que Paul Jadoul réalise un petit bijou de 8'. Totems illustre comment un bûcheron, pris au piège par un arbre qui s'est abattu sur lui, va libérer l'animal en lui. Face à sa détresse, on ne peut que ressentir une certaine empathie malgré notre aversion pour le métier qu'il pratique. La danse des couleurs et des formes que nous propose le réalisateur avait de quoi séduire largement l'entièreté de la Salle Cocteau bourrée à craquer par près de 1.500 aficionados. Lu Jury fut charmé par la chorégraphie graphique et colorée du film.

En catégorie Labo, celle où tout est permis ou presque tant dans la forme que dans l'expérimentation, Vincent Lynen, représentant l'école KASK de Gand, gagne le trophée Canal+. Son film Play Boys met en scène des gangsters, des ballons, des filles en bikini, une piscine, des bouteilles vides et pleines... bref, un drôle de bazar rythmé par des coups de klaxons et de fusils. L'histoire est à chercher sur différents plans de narration jouant avec le hors-champ, l'arrière-plan et les déplacements latéraux passant d'un « quartier » à un autre. Tout ce petit monde interagit jusqu'à tuer un pauvre piaf qui passait par là.

Côté belge, nous avons également remarqué la présence de Pauline David, responsable du célèbre P'tit Ciné bruxellois, qui donne de la voix aux documentaires, membre d'un nouveau Jury consacré au Meilleur documentaire sur grand écran. Cette première édition du prix dotée de 1.000 € a consacré Estilhaços (Fragments) du Portugais José Miguel Ribeiro. Le documentaire est bien représenté au Festival de Clermont-Ferrand sous diverses formes et formats souvent éloignés des classiques. C'est cette richesse que ce prix permettra assurément de promouvoir. Pour le coup, il s'agit d'un documentaire animé, un genre hybride de plus en plus en vogue depuis quelques années. Le réalisateur a voulu souligner ici la manière dont la guerre imprègne les individus et leur fait porter celle-ci comme un virus à travers les distances et le temps jusqu'à l'insinuer au sein de leurs proches, de leurs enfants. La guerre devient partie prenante de notre mémoire transgénérationnelle et peut poursuivre insidieusement ses dégâts collatéraux. Mais point de glauque dans cette histoire. Au contraire, on y trouve une part d'humanité partagée entre un père et son fils. Cette humanité dont le terme me semble bien résumer une grande partie de la programmation de cette édition.

Le palmarès complet sur www.clermont-filmfest.com

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