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Fly me to the moon de Ben Stassen

Publié le 01/02/2008 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

The Fun Side of the Moon


1969. Trois jeunes mouches américaines avides d’aventures s’embarquent clandestinement à bord de la mission Apollo 11, la première à avoir conduit des humains sur la Lune, à savoir les légendaires Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins. Mais dans ce contexte de guerre froide, de fourbes mouches soviétiques vont chercher à contrecarrer leurs rêves d’aventures... 

Fly me to the moon de Ben Stassen

Projet belge à partir d'un scénario 100% américain, Fly Me To the Moon, qui nous est offert par nWave Pictures est le premier film d’animation à combiner images de synthèse et projection en 3D.
Depuis une quinzaine d’années déjà, les films d’animation en images de synthèses pullulent sur nos écrans, pour le meilleur (tout ce qui sort de chez les génies de Pixar, une boite qui n’oublie jamais de faire passer l’écriture et l’émotion avant une technique irréprochable et qui n’a jamais commis le moindre faux pas) et assez souvent pour le pire (Shrek, son cynisme vain, son graphisme immonde, sa morale douteuse et son humour pipi-caca de plus en plus désolant au fil des épisodes…) Devenu un gimmick commercial bien plus qu’une nécessité narrative dès lors qu’il s’agit de produire un film d’animation, le procédé démontre déjà depuis quelques années ses limites et son essoufflement. Avant d’être repris en main par le fondateur de Pixar John Lasseter, les studios Disney avaient même décidé d’abandonner définitivement l’animation traditionnelle en 2D au profit de la 3D ! Une décision qu’ils regrettèrent amèrement tant leurs deux premières incursions dans le monde du CGI se sont avérées deux échecs, relatif (Chicken Little) ou cuisant (The Wild).


Ben Stassen ne pourra donc nous en vouloir de douter de la nécessité d’un nouveau dessin animé en images de synthèses, qui plus est agrémenté d’un procédé 3D, procédé qui depuis les années 50 a connu beaucoup plus d’avaries que de succès et a souvent été utilisé pour de mauvaises raisons.
Dès les premières images de Fly Me To the Moon, le spectateur peut légitimement être rassuré. Car Ben Stassen et son équipe de magiciens de l’image ont concocté le scénario idéal, qui convient parfaitement à ces deux procédés combinés. Imaginez Fly Me to the Moon en 2D et en animation traditionnelle et le film perd directement de sa richesse ! Le relief du film est indispensable à l’histoire et s’avère d’une beauté inégalée grâce à la marque de fabrique du studio nWave, à savoir « le relief immersif ». Dans Fly Me To the Moon, il existe un vrai rapport physique entre le spectateur et le film. On a ainsi l’impression de pouvoir toucher chaque brin d’herbe, chaque objet vu à l’écran, on a l’impression de s’envoler vers la Lune. Le spectateur est DANS le film. La prouesse technique est donc ici poussée au maximum de ses possibilités, mais plus important, n’est jamais jetée à la face du spectateur de manière gratuite. L’expérience est intense !


Une fois l’époustouflante prouesse technique digérée, qu’en est-il du film en lui-même ? Si le point de départ et le scénario s’avèrent excellents, le principal reproche que l’on pourra faire à Fly Me To the Moon est d’avoir été pensé AVANT TOUT aux touts petits. En effet, nous ne sommes pas ici dans un film Pixar destiné aussi bien aux adultes qu’aux bambins. Outre l’importance de réaliser ses rêves et le droit à l’aventure, pas de grand message humaniste délivré ici. Les trois héros, des enfants mouches prénommées Nat, I.Q. et Scooter semblent sortir tout droit d’une aventure d’Alvin et les Chipmunks tant les traits de caractère de ces petits héros sont similaires en tout points à ceux des gentils écureuils : le héros rêveur, le gourmand gaffeur et l’intello timide. Les personnages sont donc ici avant tout des archétypes. C’est le principal défaut à adresser au film : les américains sont très gentils, les soviétiques très méchants, le grand-père est digne et facétieux... Chaque personnage semble avoir son rôle immuable à jouer sans pour autant avoir la liberté de sortir des clichés et les dialogues des trois enfants sont loin de toujours… faire mouche, certains gags tombant un peu à plat. C’est ce qui destine Fly Me To the Moon en priorité à un très jeune public. Heureusement, de telles simplifications ne nuisent pas au réel plaisir que l’on peut prendre au film.
Ben Stassen n’est donc pas Walt Disney, Hayao Miyazaki, Brad Bird ou John Lasseter, les quatre génies ultimes de l’animation mais ce serait injuste de lui en faire le reproche car les qualités de son film sont innombrables. Ne boudons pas notre plaisir ! Fly Me To the Moon regorge malgré ces petites réserves de nombreux atouts et s’avère en fin de compte une réussite. Le premier de ces atouts est la création d’un microcosme insectoïde d’une grande beauté, regorgeant de détails humoristiques et bien plus réussi que la bouillie visuelle offerte par le gros Besson dans son désespérant Arthur et les Minimoys. Ici, l’univers est classique et inoffensif, riche et coloré, amusant et agréable à l’oeil.


Ensuite, la bande-son ! Très rock’n roll, très sixties, extrêmement entraînante et en phase avec l’époque à laquelle se déroule le film. Il est assez rare de le souligner en ces temps où l’art de la musique de film dépérit dangereusement, mais ici les chansons sélectionnées (« Groovin’ », « Going up the Country ») donnent au film une véritable identité. 
On pourra juste chipoter à propos de la version de la chanson-titre, fameux tube écrit en 1954 par Bart Howard et popularisé dans les années 60 par Frank Sinatra. Ici, c’est Engelbert Humperdinck qui entonne « Fly Me To the Moon » alors qu’historiquement, c’est un fait avéré, les astronautes des missions Apollo 10 et 11 écoutaient la version, moins pêchue mais plus classe enregistrée par Ol’ Blue Eyes. (Mais alors vraiment là, on chipote…)Un autre plaisir coupable est de retrouver, outre le facétieux Christopher Lloyd (le Doc Brown de Back To the Future) qui prète ici sa voix au grand-père de Nat. Une performance comme seul ce grand acteur un peu méconnu en a le secret : entre loufoquerie assumée et une réelle dignité, de celle que l’on retrouve dans les yeux émus de nos propres grands-pères lorsqu’ils nous racontent leur enfance avec mille anecdotes. Il faut l’entendre raconter ses aventures de jeunesse auprès d’Amelia Earhart lors d’un flashback vraiment savoureux.
C’est donc par petites touches éparses que Fly Me to the Moon, entreprise monumentale et ambitieuse finit par emporter notre enthousiasme. Malgré quelques réserves exprimées plus haut, le film de Ben Stassen vaut bien mieux que la plupart des films du genre sortis récemment. En plus de marquer une pierre blanche sur le calendrier des avancées technologiques, Fly Me to the Moon, par sa modestie et son synopsis accrocheur est un film qui ne manque pas… de relief.
 

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