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Fuga de Bénédicte Liénard et Mary Jiménez

Publié le 27/01/2025 par Max Meunier / Catégorie: Critique

Une évasion poétique au cœur de l’intime

Présenté dans le cadre du Festival En Ville !, Fuga (2024) marque le retour inspiré des réalisatrices Bénédicte Liénard et Mary Jiménez. Ce drame à la fois poignant et visuellement envoûtant explore les profondeurs de l’âme humaine à travers l’histoire d’une quête de liberté, dans un monde où les blessures du passé et les liens familiaux s’entrelacent.

Fuga de Bénédicte Liénard et Mary Jiménez

En effet, le film joue avec la forme documentaire, comme le faisait très bien Abbas Kiarostami, en faisant rejouer des événements réels avec les personnes réelles. On nous plonge dans le voyage d’un deuil sensoriel, d’un deuil amoureux, où le fait d’être homosexuel peut être fatal. Pol, ou Valentina, a été victime d’une agression homophobe qui lui a fait perdre la vie. Assez vite, nous comprenons que la mort de Valentina n’est pas un cas isolé, mais un phénomène généralisé dans la région, et qu’il prend des formes assez violentes : lapidation, mutilation, noyade, etc.

C’est ainsi que nous suivons Saor, un des amants proches de Valentina. Il vit le deuil et l’angoisse de ne pas pouvoir être librement homosexuel avec énormément de sensibilité, dans une forme assez poétique avec les éléments autour de lui. L’élément du fleuve ramène les traumatismes des corps sans vie, les combats de poulets : la lutte pour survivre, mais aussi d’une certaine manière évoque la métaphore du combat de coqs au sens masculiniste du terme, la pluie, les arbres, les chansons, la peau, le lit, etc. À la manière d’un chaman, les éléments lui parlent, comme il le dit : « Les vivants me parlent ». Le travail de l’image accompagne à merveille tout le rapport sensoriel.

Le choix de remettre en scène avec les réelles personnes est très audacieux surtout au vu du sujet qui est traité. C'est un hommage, d’un cri, d’un mouvement tant pour le changement et l’ouverture qu’un vœu pour l’amour. Le traitement poétique de cette voix off accentue encore plus en offrant une dimension presque surréaliste, magique à la tragédie qu’on nous raconte. Tout en nous sensibilisant aux situations méconnues, bien loin de notre réalité.

Au-delà de son apparente mélancolie, Fuga est traversé par un souffle d’espoir. Les réalisatrices insufflent à leur récit une quête de résilience collective, où les survivant·es cherchent à redonner sens à leurs existences dans un monde marqué par l’intolérance et la violence. À travers des scènes d’une beauté troublante et des symboles puissants, le film résonne comme un appel à la solidarité, à l’amour et à la reconnaissance des identités marginalisées.

Avec une narration subtile et une mise en scène délicate, Fuga nous entraîne dans un voyage où l’introspection et l’émancipation se confondent. Oscillant entre ombre et lumière, porté par une sensibilité rare et une esthétique saisissante, le film transcende le simple récit dramatique pour se poser comme un acte militant et profondément humain. En combinant audace formelle, poésie visuelle et engagement social, Bénédicte Liénard et Mary Jiménez  signent une œuvre marquante, qui interpelle autant qu’elle émeut. Plus qu’un film, Fuga est une expérience sensorielle et émotionnelle, un cri d’amour et de justice à ne pas manquer.

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