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La boîte de sardines de Louise-Marie Colon

Publié le 15/03/2012 par Nastasja Caneve / Catégorie: Critique

Une petite sirène pour grands enfants

Le dernier court métrage de l’animatrice liégeoise de Caméra etc. n’est pas passé inaperçu au sein de la compétition nationale présentée cette année au festival Anima. Louise-Marie Colon remporte, avec La boîte de sardines, le Grand Prix de la Fédération Wallonie-Bruxelles ainsi que le prix de la RTBF/La Trois. Succès bien mérité pour cette délicieuse version du conte de Hans Christian Andersen.

La boîte de sardines de Louise-Marie Colon

Eva, une minuscule sirène aux airs d’enfant sage avec sa raie dessinée bien au milieu et ses deux pommettes rosées, cherche désespérément l’âme sœur. Elle va tenter de séduire Émile, un pêcheur de sardines bedonnant et solitaire. Pour parvenir à ses fins, elle se jette littéralement dans ses filets. Prise au piège dans une boîte de sardines, elle est sauvée de justesse par Émile. Eva chante, Eva tournoie, Eva fait les yeux doux, Eva est amoureuse, mais son jeu de séduction ne semble pas exciter la curiosité du principal intéressé.

Cet être mi-humain, mi-poisson, créé par Andersen, avait déjà conquis le cinéma d’animation avec La Petite sirène de Walt Disney en 1989 et, plus récemment, avec Ponyo sur la falaise écrit et réalisé par Hayao Miyazaki en 2008. L’animatrice belge s’inscrit donc dans cette tradition en créant le personnage d’Eva, cette petite sirène désireuse de s’aventurer vers de nouvelles contrées. Mais Louise-Marie Colon innove en avançant à contre-courant, ce qui confère à sa version une facette tout à fait originale. Alors que la belle Ariel de Walt Disney parvient à séduire et à se faire aimer d’Éric, malgré la pugnacité de la terrifiante Ursula, et que la petite Ponyo, objet de fascination pour le jeune Sôsuke, décide de renoncer à sa nature pour vivre et grandir auprès de lui, Eva, à son grand désespoir, ne bénéficie pas des mêmes attentions.

La Boîte de sardines traite bel et bien des relations entre hommes et femmes et met très clairement en évidence l’histoire d’un amour impossible entre un vieux matelot solitaire et une jeune femme dont les fantasmes demeurent inassouvis. La vie d’Émile suit rigoureusement le rythme d’un métronome : il pêche, il mange les mêmes tartines carrées rehaussées de petites sardines en regardant son émission favorite sur son poste de télévision, il boit son café, il prend son bain, il va se coucher et se met à ronfler. Il n’y a pas de place pour la gent féminine dans ce quotidien de vieux loup de mer.

Certes, l’arrivée d’Eva l’amuse un temps : il la nourrit, il la regarde, il la garde près de lui dans un bocal tel un poisson rouge. Mais, Émile ne la considère jamais comme un objet de désir. Quelques passages oniriques imbriqués dans la narration reflètent bien les fantasmes de la jeune femme qui s’imagine tourbillonner avec son prince charmant au creux des vagues.

Même si La boîte de sardines reflète une relation sentimentale plutôt pessimiste, le style enfantin du film vient contrecarrer le triste sort de la belle Eva. Le visage rond et l’air hagard du petit Émile n’annoncent en rien ses desseins à venir. Louise-Marie Colon surprend ses spectateurs et n’hésite pas à parsemer son film de touches d’humour en l’agrémentant d’une chute exquise...

 

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