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La Brotaru, le rendez-vous des développeurs de jeux vidéo indépendants à Bruxelles à Anima

Publié le 03/03/2022 par Nicolas Bras et Harald Duplouis / Catégorie: Événement

Pour la troisième année consécutive, Anima, le festival du film d’animation de Bruxelles qui se déroule à Flagey, accueille une rencontre de la Brotaru, le rendez-vous des développeurs de jeux vidéo indépendants à Bruxelles. Nous avons rencontré Dominique Seutin, co-directrice du festival Anima et Guillaume Bouckaert, organisateur de la Brotaru pour discuter de leur histoire commune et des ponts entre l’univers de la conception du jeu vidéo et du cinéma d’animation.

Cinergie : Guillaume Bouckaert, pouvez-vous présenter en quelques mots la Brotaru. 

Guillaume Bouckaert : La Brotaru c’est une rencontre mensuelle pour les développeurs de jeux vidéo mais pas uniquement. C’est assez inclusif dans le sens où on accepte aussi bien des étudiants ou des hobbyistes ; toute personne en fait qui veut découvrir comment on fait un jeu vidéo ou qui a un jeu à proposer. Les premières rencontres étaient en 2014, on fait ça tous les mois et moi, j’ai repris le flambeau depuis 2018.

 

C. : Ça fait combien d’années que la Brotaru est accueillie par le festival Anima ?

Guillaume Bouckaert : Depuis deux ans. On a fait la première édition ici en 2020 puis un an plus tard, on était en confinement. L’année suivante, on l’a faite en ligne comme à peu près tous les événements.

 

C. : Dominique Seutin, racontez-nous comment est née cette envie de travailler avec la Brotaru ?

Dominique Seutin : Anima, c’est un festival de cinéma d’animation, et de plus en plus, on se rendait compte que l’esthétique des jeux vidéo influençait les courts métrages d’animation. Ce qui était plus vrai dans l’autre sens au départ. On recevait pas mal d’animatiques de jeux vidéo (ndlr les animatiques sont des courtes vidéos initialement créées pour faire évoluer la narration dans le jeu). Des sociétés de jeux vidéo nous soumettaient des animatiques comme des courts-métrages donc, on voyait vraiment qu’il y avait de plus en plus de parallèles et de plus en plus d’interpénétration entre les deux mondes. Dans l’équipe d’Anima, il n’y a personne qui est spécialiste de l’industrie du jeux vidéo. C’est une industrie qui nous dépasse totalement. Je pense qu’en termes de chiffre, c’est une industrie qui est dix fois plus importante que celle du cinéma d’animation et on avait envie de rentrer dans ce monde-là mais de façon soft et qui corresponde à l’image du festival. Et quand on a proposé de collaborer avec la Brotaru, qui est un événement convivial assez festif avec des développeurs indépendants, avec un côté artistique et beaucoup d’interactions entre les personnes, on s’est dit que c'est le format idéal qui correspond au plus près au festival.

 

C. : Quand vous dites que vous receviez des animatiques ou d’autres projets qui se rapprochaient du jeu vidéo, est-ce que ça avait déjà percolé dans le festival au niveau de l’ouverture publique avant l’accueil de la Brotaru ?

Dominique Seutin : Oui, on avait sélectionné des animatiques pour mettre dans nos programmes de courts-métrages hors compétition, parce qu’on ne peut pas mettre ça en compétition. Mais la qualité esthétique, même au niveau de la narration, était complètement dingue et on avait envie de faire une place à ce genre de nouveau média. Et puis, il y a aussi tout ce qui est développement de Unity (ndlr Unity est un programme de création de jeux vidéo qui intègre de la conception 3D) ainsi que tous les logiciels qui permettent de faire du cinéma d’animation mais qui viennent du jeu vidéo. Les deux mondes sont en fait de plus en plus liés.

 

C. : Pour se donner une idée, car cette année est encore particulière vu que la rencontre se passe en ligne, en 2020, comment se matérialisait cette rencontre à Anima ? Était-ce fort différent d’une Brotaru habituelle ? 

Guillaume Bouckaert : Pour la Brotaru, c’était relativement similaire à ce qu’on fait d’habitude. C’est à dire qu’on ouvre un espace, on met des tables à disposition pour les gens qui ont un portable et qui veulent montrer un projet et les gens se mélangent, parlent, networkent, boivent un petit verre, testent et font un feedback sur les jeux qui sont développés. Donc, on a juste investis une des salles de Flagey et on a un peu profiter du public d’Anima. Et ça c’est très bien passé. 

Dominique Seutin : Je trouvais ça hyper intéressant que des animateurs puissent découvrir le travail de développement de jeux vidéo par des gens qui sont leurs voisins, qui puissent donner leurs opinions, qui découvrent un peu l’esthétique prédominante dans les jeux vidéos à l’heure actuelle, qu'ils puissent se rencontrer.

 

C. : Au niveau de l’industrie locale, quelle est l’ampleur de la production de jeux vidéo en Belgique et plus particulièrement en Belgique francophone ? 

Guillaume Bouckaert : La Belgique est un cas un peu particulier par rapport à ses voisins parce qu’on est un des rares pays qui n’a pas un studio de référence. On a un écosystème qui est principalement constitué de petites entreprises, entre 5, 10 voire 15 personnes, là où en France ou même aux Pays-Bas, ils peuvent se baser sur un studio de référence qui fait des produits triple A (ndlr des grosses productions) comme Assassin’s Creed ou Horizon Zero Dawn qui vient de sortir. Ce sont des studios qui emploient des centaines et des centaines de personnes. Et avoir des studios de cette ampleur permet d’avoir un écosystème de petites entreprises indépendantes qui peuvent graviter autour. On n’a pas ça en Belgique. On a plutôt une scène complètement indépendante avec quelques exceptions comme Larian en Flandre ou Appeal qui est en train de monter en Wallonie. Appeal a encore quelques années avant d’y arriver et chez Larian, ils ont pris une politique un peu différente depuis leur succès, à savoir qu’ils ont grandi mais à l’étranger ; en Irlande, au Québec ou en Europe de l’Est. La Brotaru est dans la mouvance de ce qui se fait en Belgique, on est entre indépendants à un niveau local.

 

C. : Est-ce que suite à la rencontre d’il y a deux ans, des animateurs se sont rapprochés de studio de création de jeux ? 

Guillaume Bouckaert : Je n’en connais pas personnellement, mais je sais par ma casquette de professeur à l’école Albert Jacquart de Namur où il y a une formation en animation et une formation en jeux vidéo, que ce n’est pas rare qu’il y ait des étudiants en animation qui arrivent à travailler dans le jeu vidéo. C’est pour cela qu’on fait ces rencontres aussi, pour fructifier les échanges entre les domaines et voir si on ne peut pas collaborer sur des projets. Souvent, c’est en faisant des collaborations dans des milieux artistiques assez opposés qu’on a de très beaux projets qui aboutissent. 

Dominique Seutin : Et l’inverse est beaucoup plus vrai à mon avis parce qu’il y a pas mal de sociétés de production de films, principalement du côté flamand, qui utilisent des logiciels qui génèrent des images en direct pour faire des longs-métrages d’animation. C’est beaucoup plus économique et plus rapide pour créer les décors. On a fait des conférences là-dessus et tous les animateurs dans la salle étaient impressionnés! Ça permet aussi de décliner un film d’animation en film en réalité augmentée ou d’utiliser d’autres supports car c‘est plus facile de générer du contenu rapidement. 

 

C. : Est-ce que vous imaginez à l’avenir des projections sur grand écran de projets de jeux vidéo à venir dans le cadre d’Anima ? 

Dominique Seutin : C’est tout à fait possible, d’ailleurs la conférence qu’on organise ce jeudi 03 mars va dans ce sens. 

Guillaume Bouckaert : En effet, dans le cadre de la Brotaru on fait aussi une conférence sur l’animation 2D dans le jeu vidéo. Souvent, quand on parle d’utiliser des moteurs de création de jeux c’est pour faire de la 3D. Mais inversement, on a aussi beaucoup de jeux qui utilisent de l’animation 2D classique, ce qui nécessite de la travailler d’une certaine manière.
Le sujet de la conférence est quel workflow mettre en place, quelles sont les techniques à utiliser, quelles sont les spécificités que l’on rencontre quand on travaille sur un jeu vidéo dans l’animation 2D? On ne travaille pas de la même manière, on n’a pas les mêmes attentes de résultat.

 

C. : Une conférence accompagnée de projections de ce que ça peut donner.

Guillaume Bouckaert : C’est ça, on aura trois jeux développés ici à Bruxelles qui ne font que de la 2D et qui vont montrer leur travail et la manière dont ils bossent.

 

C. : quels sont ces jeux ?

Guillaume Bouckaert : Il y a NeJ qui est un jeu développé ici à Bruxelles ; il y a Reditum, qui est à la base un projet d’étudiants de Saint-Luc et qui a eu énormément de vues sur YouTube et 30 Birds qui a gagné un Belgian Game Awards – parce qu’on fait des Awards pour les jeux vidéo maintenant aussi en Belgique – en 2020 du jeu le plus prometteur.

 

Work in Progress : 2D Animated video Games : 03/03 à 17h - flagey, Studio 1

Rencontre de la Brotaru : 03/03 à 19h - online

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