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La série Unseen de Geoffrey Enthoven

Publié le 22/01/2020 par Constance Pasquier et David Hainaut / Catégorie: Tournage

L'invisibilité au cœur d'une série belge

 

Dixième tournage du Fonds Séries depuis sa création en 2013 par la Fédération Wallonie-Bruxelles et la RTBF, Unseen accomplit la nouvelle chevauchée filmée du moment, à Bruxelles et (surtout) en Wallonie. Une série de genre qui promet d'être particulière, l'invisibilité étant le thème central de ce thriller. Elle innovera par ailleurs quant au nombre d'épisodes, huit épisodes de 52' étant mis en boîte, au lieu des dix habituels.

 

Confortablement installée dans une aile libre d'un spacieux hôpital à Charleroi, l'équipe nous a accueilli l'espace d'une journée, en présence de son réalisateur Geoffrey Enthoven, remarqué - notamment - en 2011 grâce à un long-métrage (Hasta la vista), pour lequel il a reçu le Prix du Public aux prestigieux European Awards. Plusieurs comédiens principaux étaient bien sûr de la partie.

 

Décembre 2019. Lodelinsart, Hôpital civil Marie-Curie. Presque cinq ans - jour pour jour - après son inauguration, ce vaste hôpital carolo accueille, dans une aile lui étant spécialement dédiée pendant plusieurs jours, l'équipe de la série Unseen (Invisible). Un tournage attendu, puisqu'après avoir été l'un des premiers projets validés par le Fond-Séries il y a de cela six ans, ce pari belge francophone est depuis passé dans plusieurs mains, pour enfin voir le jour. Car tel est parfois le destin de ce type de projets, d'autant plus quand il est axé sur du quasi-inédit à notre échelle, à savoir une série fantastique. Le pitch, entre deux prises, nous est résumé par son réalisateur, Geoffrey Enthoven : "L'histoire évoque celle d'une petite ville fictive, Creux, qui, en marge de l'installation d'une immense antenne 5G, se voit confrontée à un étrange phénomène chez ses habitants, qui commencent à disparaître voire devenir invisibles. Forcément, des liens vont être établis entre les deux et on va tenter de voir comment réagissent les gens, et quelles en sont les implications et les réactions, plus particulièrement au sein de trois familles différentes." Une invisibilité qui sera traitée sous tous les angles, avec un regard plutôt réaliste : est-ce un handicap ou un pouvoir, un outil de domination ou de vengeance, une manière de s'exiler, etc...

 

Geoffrey Enthoven, réalisateurLa cécité, un prétexte métaphorique

Trouver le remède à cette étrange invisibilité sera la principale quête de Nathan Demeyer (Fabio Zenoni) lors de cette saison. Tout en ambitionnant de devenir un médecin de renom dans la série, ce comédien y justifiera "l'aspect médical". Jusqu'ici principalement vu sur le petit écran français, d'Un village français aux Petits Meurtres d'Agatha Christie, en passant par Zone Blanche, il campe l'un des principaux rôles, à l'instar de Myriem Akheddiou (Le Jeune Ahmed, Unité 42...), jouant Laurence, une chirurgienne-ophtalmologue. "En fait, cette histoire de cécité nous ramène quelque part en enfance. C'est aussi excitant que ludique à faire", explique-t-il en veillant, on le comprend, à ne pas trop en divulguer. "Certes, tourner des scènes avec des non-présences humaines ou voir une course-poursuite avec un homme invisible au milieu d'un hôpital, cela peut sembler particulier. Mais pour nous, comédiens, ce n'est pas si absurde. Pas plus que si nous tournions avec des animaux, par exemple. Puis, au-delà du côté surnaturel de la série, il y a une métaphore intéressante avec la société actuelle et le fait d'être aujourd'hui en permanence visible sur internet et les réseaux sociaux." De quoi aussi faire écho à l'ambitieuse question mentionnée dans le synopsis de base : "Que reste-il de notre humanité quand plus personne ne peut nous voir ?"

 

Roda Fawaz"Il y a une humilité collective à travailler ensemble"

(Roda Fawaz)

Les scènes du jour, filmées pour la plupart dans une salle d'opération, impliquent également d'autres acteurs. Comme Roda Fawaz (Ayoub, autre rôle majeur), arborant un look radicalement distinct du Nassim l'ayant fait connaître dans Unité 42. "Passer d'une série à l'autre est quelque chose qui devient normal, comme partout ailleurs, finalement. Comme celle-ci nécessite d'importants effets spéciaux, on tourne le double du temps, ce qui rend le tournage intensif et épuisant émotionnellement". Comme tous les intervenants du jour, Fawaz avoue avoir été "très touché" par le scénario, en concédant qu'il tenait particulièrement à ce rôle "riche, bien écrit et doté de beaux enjeux". "Alors oui, on a tous conscience que cette série est un pari, mais c'est aussi ça qui est génial, bien qu'attention, on ne joue pas aux supers-héros ou à imiter Harry Potter (sourire). Puis, cette invisibilité sert surtout de prétexte pour montrer aux spectateurs des histoires, des émotions et des vécus de personnages, tout en évoquant des thèmes sociétaux, à une époque où on peut parfois se demander si on se regarde réellement dans la vie. Fatalement, on tourne des scènes dont on ignore à quoi elles vont ressembler, mais ça, c'est la magie du cinéma ! (sourire) Ce qu'il y a aussi de plaisant sur le plateau, c'est que personne ne s'accapare le projet. On est dans une construction collective, avec un réalisateur et des scénaristes à l'écoute, et où chacun y met du sien en fonction de sa spécialité. Il y a une humilité collective à travailler tous ensemble." Zenoni, qui a vécu vingt ans à Paris, ne dit rien d'autre : "Cela fait plaisir de voir ce genre de projets se mettre en place ici. Après, Belges ou Français, nous restons tous pareils. Du talent, il y en a. Le tout, c'est que le système puisse continuer à nous donner les outils nécessaires pour créer de la qualité."

 

Gilles Vanderweerd sur le tournage de UnseenPari belge inédit

Parmi les quelques comédiens castés par Michael Bier, Gilles Vanderweerd, alias Xavier, campe lui un vigile chargé de la sécurité de l'hôpital. Son personnage sera l'un des premiers à être confrontés aux "invisibles". Diplômé de la première promotion du cours Florent bruxellois, ce Liégeois volubile, qui vient de connaître un début de carrière prometteur en France (Zone Blanche, La Forêt...), aspire aussi à tisser sa toile en Belgique. "Et surtout dans une période où on sent que quelque chose se crée, où des risques sont pris, comme on l'a vu avec La Trêve et Ennemi Public pour les séries, mais comme notre cinéma est aussi en train d'en prendre. Avec Unseen, je crois qu'on franchit encore une étape. La lecture des épisodes m'a scotché. Même si c'est osé, c'est positif de tester des choses qu'on n'a jamais vues chez nous jusqu'ici." Ses collègues abondent dans le même sens. Fawaz lui, y allant d'un "Je pense que ça va être percutant, touchant et que cela risque de surprendre les gens, car on sort d'un cadre classique. Je ne m'inquiète vraiment pas pour le résultat final", et Enthoven d'un "On se balade peut-être sur un fil tendu, mais cette série est écrite si intelligemment et parle de tellement de choses, que le jeu en vaut la chandelle." Ironie du sort, le réalisateur d'Hasta la Vista, couramment impliqué dans des séries flamandes (Dag & Nacht, Tegen de strerren Op, Auwch...) s'est retrouvé sur ce projet sur conseil de la star flamande Veerle Baetens (The Broken Circle Breakdown, Au nom de la terre...), qui avait joué dans le pilote réalisé par Mathieu Mortelmans. "C'est elle qui m'a conseillé de lire absolument ce scénario. J'ai en effet eu d'emblée un coup de coeur et j'ai alors téléphoné à l'auteure qui n'était autre qu'une cousine, en la félicitant". Un réalisateur qui, dans sa note d'intention, cite comme référence comparable à Unseen la série américaine Sharp Objects. "Avec des plans d'ouverture larges et lents, des flashbacks ou des séquences de rêve en général tournées au ralenti, des coupes sèches, un montage nerveux et dynamique, des mouvements de caméra maîtrisés. Et aussi, l'utilisation de la caméra à l'épaule pour certains scènes. Le tout, dans des couleurs chaudes et sensuelles".

 

Tournage UnseenUn auteur césarisé de la partie

Tournée en grande partie en Wallonie (54 jours sur 64 de Braine L'Alleud à Rixensart, en passant par Boulez, Charleroi et Jodoigne) et dans une moindre mesure à Bruxelles, cette série (re)créée et écrite par Marie Enthoven (co-autrice sur les séries E-Legal et Unité 42) bénéficie en outre d'expériences de Nicolas Peufaillit (César du meilleur scénario original pour Un Prophète, de Jacques Audiard) et de Bruno Roche. Le projet permettra de retrouver à nouveau une galerie de comédiens belges, de Luc Van Grunderbeeck (La Trêve) à Bérénice Baoo (Tueurs), en passant par Stéphanie Van Vyve (Septième Ciel Belgique), Jacqueline Bollen, Jérémie Gillet et bien d'autres. Première série chapeautée par une boîte belge montante, Kwassa Films (Annabella Nezri) en l'occurrence, celle-ci œuvre donc en partenariat avec le Fonds-Séries RTBF-FWB, mais aussi BE Films, Casa Kafka et Proximus. Tournée jusqu'en mars, Invisible (Unseen) sera visible sur le petit écran à la fin de cette année 2020.

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