Le Désordre alphabétique de Claude François
Le surréalisme à la belge est digne de ce petit pays où la cartographie de l'ensemble domine par rapport à la centralisation des grands pays. On y circule autour d'arpenteurs dans des sentiers très différents, au point qu'à Bruxelles, Charles Baudelaire ne savait plus sur quel pied jouer au dandy. En réalisant « Le désordre alphabétique », son huitième film, Claude François nous conte ces trajectoires, ces liens, ces boucles. La structure du film ressemble aux variations de la musique baroque (« Le clavier bien tempéré » de Bach) ou au jazz (on part toujours d'un « standard », c'est-à-dire une chanson populaire connue, pour la détourner). L'amusant est que Claude François prend pour cadre le dictionnaire Larousse et ouvre des fenêtres qui mènent ailleurs, mais il aime aussi utiliser une citation en la détournant selon la technique poétique inaugurée par Lautréamont (Poésies 2 in folio/poche). Dans « Une journée ordinaire », son précédent film réalisé à partir du triptyque d'une peinture de Léon Frédéric (« Les marchands de craie »), le réalisateur se demandait déjà quel était le rôle du spectateur devant ce cadre ouvrant sur son imaginaire ou ses rêves. Tandis que son regard est attiré par la peinture et son éventuelle intrigue fictionnelle, la réalité se déroule à l'extérieur du Palais des Beaux-Arts, dans l'orage et la pluie. Ce n'est pas l'éternel présent du passé, c'est notre temps à nous. Ici et maintenant... et un ailleurs. De ce jeu-là, « Le désordre alphabétique » s'empare en boucles pour nous offrir les fragments de ce puzzle qu'est le surréalisme belge. Autour d'une exposition réalisée par Xavier Canonne à Mons, on découvre des personnages qui défilent comme des sentences de La Rochefoucauld, une flopée de femmes et d'hommes (Paul Nougé, Louis Scutenaire, René Magritte, Irène Hamoir, Tom Gutt, Marcel Marien, Jean Wallenborn, et bien d'autres). Leur diversité s'est formée et transformée autour de l'usage et d'échange, autour d'une certaine manière de vivre.