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Les femmes préfèrent en rire de Marie Mandy

Publié le 20/12/2021 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

En nous emportant à grande vitesse le long de fictives forêts et campagnes aux côtés de ces humoristes qui manient la blague comme un javelot, la réalisatrice et photographe belge Marie Mandy livre, avec ce nouveau documentaire, une galerie de portraits porteuse d’espoir. Des instants de rencontres intimes, drôles et terribles à la fois avec ces femmes qui ont choisi de rire plutôt que de pleurer. Elles montrent qu’aujourd’hui tout comme hier, rire n’a jamais été le propre de l’homme.

Les femmes préfèrent en rire de Marie Mandy

Elles s’appellent Nicole, Laura, Roukiata, Florence, Farah, Tania, Constance, Alexandra ou Samia. Ensemble comme en solo, elles forment une nouvelle vague d’humoristes francophones qui n’hésitent pas à ruer dans les brancards et à apporter sur scène et face au public des thématiques féministes, empouvoirantes. “Pour dénoncer des choses horribles, il faut pouvoir les pointer du doigt. Et lorsque les gens rient, ils commencent à se poser des questions”, souligne l’une de ces guerrières de l’humour.

Pour chacune d’elles, leur vie est leur principale source d’inspiration. Le meilleur, mais pas que, loin de là. Derrière leurs histoires et leurs vannes, il y a souvent des vérités qui vont du dérangeant à l’abject. Des traumatismes que seule l'auto-dérision peut peut-être guérir, ou en tout cas anesthésier le temps d’un trait d’esprit. Le rire devient alors thérapeutique, la blague provocatrice, trash, pour bousculer les lignes.

Pas de misérabilisme pour autant. Et lorsqu'on navigue dans cette galaxie de l’humour féministe avec Roukiata, Florence, Samia ou Laura, chacune arbore un sourire déterminé et manie son art comme un fouet qui claque, cinglant les stéréotypes et brisant les carcans de la bienséance. Parler de règles, d’excision, sans tabous ni limites, c'est aussi un service citoyen que ces héroïnes rendent dans leurs spectacles.

Pour mettre en scène ces témoignages, la cinéaste construit un dispositif en saynètes, miroirs des personnalités de chacune. Des tableaux finement travaillés où l'on sent le talent de la photographe derrière le profil de la réalisatrice.

Et parce que ces autrices travaillent en toutes circonstances, et que les langues se délient plus dans les situations de stases comme au fil des rails, la rencontre statique devient voyage, par la magie du trucage. Habile mise en mouvement qui crée un rythme dans les interventions, se répondant les unes les autres par la construction documentaire.

Un cheminement d'une heure, format télévisuel oblige, mais que l'on sent nourri de dizaines d'heures de captation de la cinéaste alternant entre coulisses, archives et images recueillies lors de longs entretiens.

Et un cheminement loin d'être achevé, après cette mise en bouche. "Aujourd'hui, j'apprends encore à être féministe", confie Laura Domenge. Et malgré ce lâcher d'humoristes, cette "meute" comme elles aiment à se surnommer, tout n'est pas gagné aujourd'hui. "J'arrêterai de parler de ces sujets quand je ne devrais plus regarder par-dessus mon épaule avant d'ouvrir ma porte", et quand les lynchages en règle sur les réseaux sociaux et les menaces de mort disparaîtront.

Entretemps, ces femmes continueront leur combat, avec cette arme tranchante qu'est l'humour, qu'elles aiguisent chaque jour. La clé de la réussite, c'est la résistance. Même s'il n'est pas facile d'être une super héroïne.

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