Décider de faire un enfant, ce n’est pas rien. C’est, normalement, faire confiance à son partenaire, à l’autre, le futur père ou la future mère. C’est signer à vie avec quelqu’un. Se dire que cette personne sera là pour veiller au grain, pour donner de l’amour, de la force, du soutien à l’enfant. C’est un fameux pari sur l’avenir. Pour le meilleur et pour le pire. Décider de faire un enfant, c’est croire en son partenaire comme parent. Mais, que se passe-t-il quand cet autre, en qui on croyait dur comme fer, déraille? Quand le tableau s’assombrit ? Quand les enfants pleurent et que la justice s’en mêle?
On vous croit de Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys

Alice y a cru. Mais rapidement, cette mère de deux enfants, s’est vite retrouvée seule pour élever ses enfants à côté d’un père démissionnaire et infidèle. Le film commence in media res. Alice, interprétée par Myriem Akheddiou, sa fille et son fils, interprétés par Adèle Pinckaers et Ulysse Goffin, arrivent au tribunal et s’apprêtent à être entendus par la juge des affaires familiales. Dès les premiers plans, on comprend qu’Alice est au bout du rouleau, qu’elle est désemparée face aux comportements de son fils, qu’elle n’a plus une once de patience et que c’est ingérable. Le trio a été convoqué par le père, Laurent Capelluto, qui revendique son droit de garde et remet en cause la gestion de la mère.
On se retrouve donc enfermés avec les protagonistes dans un tribunal aux couloirs aseptisés, un huis clos malaisant où une mère et deux enfants répètent inlassablement, depuis deux ans, la même horreur: le père est un violeur et il est hors de question qu’il puisse voir ses enfants. Deux ans d’angoisse, deux ans de procédure, deux ans d’attente infinie et les voilà, assis sur des chaises en plastique, à côté de l’homme qu’ils ne veulent plus voir.
Le climax est atteint dans le bureau de la juge où toutes les parties sont entendues, l’avocat des enfants, celui du père, le père, l’avocat de la mère, la mère. À la juge de trancher. D’un côté, un père qui nie toutes les accusations et de l’autre, une mère qui doit gérer au quotidien un fils détruit, qui souffre de diverses pathologies qui l’empêchent d’être un petit garçon normal.
Quand un parent sait, au plus profond de lui, que ses enfants sont en danger chez l’autre, quand les enfants souffrent, quand la vie n’est plus normale, il se lance alors dans une lutte acharnée. Et, il faut être prêt pour ce combat-là. Ce film, présenté dans la section Perspectives, consacrée aux premiers longs métrages de fiction, à la 75e Berlinale, montre les rouages d’un système défaillant. Un système où les premières victimes sont les enfants. Arnaud Dufeys (Un Invincible été, 2024) et Charlotte Devillers, infirmière de formation, forte de son expérience avec des jeunes et des familles victimes de situations d’inceste et de violences sexuelles, réalisent un film percutant avec peu de moyens, soutenu par le Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
On vous croit est un film qui va à l’essentiel, qui se concentre sur la parole et qui permet à une mère - Myriem Akheddiou est assez incroyable de justesse - de donner sa version des faits, en temps réel. Plans serrés sur les visages des protagonistes où le moindre tremblement peut être fatal, peut faire passer pour le bon ou le mauvais. Il s’agit de faire bonne impression et il s’agit d’être cru. Ce film, produit par Makintosh Films, donne la parole aux parents usés jusqu’à l’os par la violence d’un système qui manque cruellement d’empathie et qui fait fi de la souffrance des premières victimes: les enfants.