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Rencontre avec Jean-Benoît Ugeux, Magritte du Meilleur Acteur dans un second rôle, pour Le Fidèle

Publié le 21/02/2018 par David Hainaut / Catégorie: Entrevue

"Un Magritte, ça permet quand même de sentir qu'on compte un peu..."

Fraîchement lauréat de son premier Magritte, pour sa prestation dans le dernier film de Michaël R.Roskam, Jean-Benoît Ugeux est cette semaine l'un des invités du 4è Festival Brussels In Love, dédié aux films tournés dans notre capitale.

Si, pour les cinéphiles belges, son visage reste encore plus connu que son nom, ce comédien de 42 ans se balade depuis de nombreuses années entre le cinéma (Les Rayures du Zèbre, Je me tue à le dire...), les séries (Engrenages, La Trêve) et le théâtre contemporain.

Par ailleurs primé au récent Festival de Clermont-Ferrand (le «Cannes» du court-métrage) grâce à Vihta (François Bierry), il coécrit, en ce moment, une nouvelle série belge (Prince Albert). Rencontre, à son domicile saint-gillois.

Cinergie: Quelle a été votre réaction, à la réception de ce premier Magritte?
Jean-Benoît Ugeux: C'était particulier, car ce soir-là, je jouais au théâtre et c'est mon amie qui me l'a appris en sortant de scène, en me disant "Super, tu l'as eu!". Mais cela m'a évité le stress, les caméras et l'attente de la Cérémonie. Après, on sait qu'un Magritte, surtout chez les seconds rôles ou les espoirs, cela va au-delà d'un seul projet comme Le Fidèle: c'est plutôt la récompense d'années de travail. Mais ça permet de sentir qu'on compte un peu dans la petite famille du cinéma belge. J'étais donc honoré, évidemment...

C: ...et à peine quinze jours plus tard, c'est le Festival de Clermont-Ferrand qui vous récompensait, avec le Prix spécial du Jury décerné à Vihta, un court-métrage belge atypique!
J-B.U.: C'était déjà une chance énorme d'être sélectionné, car ça reste le plus gros festival du court-métrage du monde, ou à peu près. Là, c'était un super prix, d'autant que j'adore ce film fait entre potes (NDLR: avec Olivier Bonjour, Jérémie Pétrus, Wim Willaert...). Mais je dirais que c'est surtout le réalisateur, François Bierry, qu'il faudrait saluer!

C: Et en ce moment, vous écrivez donc une série pour la RTBF...
J-B.U.: Oui. C'est un projet avec Xavier Seron et Méryl Fortunat-Rossi pour Hélicotronc (La Trêve), qui s'appelle Prince Albert et qui s'inspire de la Station Princesse Élisabeth en Antarctique. C'est le fruit de l'appel à projets pour les séries humoristiques courtes et « non-feuilletonnantes » de 26 minutes, soit les conditions les plus difficiles à mes yeux! Notre idée, c'est de raconter sous forme d'humour la vie d'une station polaire, gérée à la belge: avec des soucis communautaires entre flamands et francophones, Internet qui ne fonctionne pas, une porte d'entrée défectueuse, des problèmes de ravitaillement, etc... On va essayer de reconstituer ce microcosme en un huis-clos, bien qu'on ne compte pas tourner tout en intérieur, le but n'étant pas de faire un Friends. C'est un sacré boulot, qui équivaut à écrire 4 ou 5 long-métrages en un an et demi, car il y a vingt épisodes. Mais c'est grisant à mettre en place...

C: Vous vous dirigez donc vers un genre attendu: la comédie pure!
J-B.U.: ...et un genre compliqué! Il suffit de regarder la pauvreté actuelle des comédies françaises. En Belgique, il y a des films drôles dans le court-métrage, mais pas vraiment au-delà, car il y a ce réflexe d'orgueil des réalisateurs quand ils passent au long, avec l'envie de faire du sérieux à tout prix. Or, la comédie n'est pas un genre mineur: c'est juste complexe à écrire, à réaliser et à monter, car pour arriver à un bon résultat, ça nécessite des découpages et des codes de jeu particuliers. Mais je pense qu'on y arrivera avec la relève, et des gens comme Xavier Seron, François Bierry ou Valéry Rosier. On peut tout à fait faire autre chose que des comédies avec des accents, des frites et des fricadelles! Une comédie raffinée peut même faire passer des choses intéressantes. Puis, niveau séries, on ne pourra pas se limiter à des enquêtes policières tout le temps...

C: Que ce vaste processus de séries ait été mis en place, qu'est-ce que cela vous inspire?
J-B.U.: Que des gens comme Matthieu Donck (La Trêve) ou ceux d'Ennemi Public aient décidé de prendre leurs responsabilités par rapport à ces séries, ça a été déterminant. Ce mouvement mis en place par la Fédération Wallonie-Bruxelles et la RTBF est positif, vu le soin apporté et ce vrai système autour pour parvenir à créer des produits de qualité et avoir un fond de roulement permanent pour acteurs, réalisateurs et techniciens. On se doit de continuer à rester vigilant quant à la qualité des projets. Surtout qu'une série nécessite énormément de temps et d'investissement.

C: Le cinéma, le théâtre, l'écriture, la vente de ...badges, aussi: ce serait donc dans la diversité qu'un comédien s'en sort, en Belgique francophone?
J-B.U.: Oui, et j'avoue que pour moi, ça se passe assez bien, aussi parce que j'écris mes propres projets. J'ai longtemps travaillé au théâtre en Flandres, en Espagne et en Suisse. Là, je me stabilise un peu ici. J'ai commencé au Théâtre National à jouer Tristesses, un spectacle créé par Anne-Cécile Van Dalem, que je reprendrai bientôt en alternance avec un autre (Arctique) qu'elle a imaginé . Et puis, je viens de réaliser cet hiver La Musique, un moyen-métrage avec le jeune Balthazar Monfé (Le Film de l'été). Théâtre et cinéma se mélangent parfois, peut-être devrais-je un jour faire un choix. Mais l'avantage des planches, c'est que je connais mon planning jusqu'à début ...2020! Alors qu'au cinéma, on peut vous appeler demain pour un casting, en vue d'un film qui se ferait éventuellement dans deux ou trois mois. Et ça, ce n'est pas toujours simple à gérer...

C: En 2018, on vous verra néanmoins dans plusieurs films: dont I feel good, de Benoît Delépine et Gustave Kervern, et Troisièmes Noces, de David Lambert...
J-B.U.: Oui, le premier (avec Jean Dujardin et Yolande Moreau) a été un tournage mémorable et est prévu pour la rentrée prochaine. Quant au deuxième (avec Bouli Lanners), la date est encore inconnue. J'ai peut-être aussi un gros tournage prévu cet été, et un autre en octobre. Là encore, le tout sera de jongler avec l'agenda des créations théâtrales. Mais ça devrait aller (sourire)...

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