Sur le tournage de C'est vrai (en plus)
Bond, my name is Bond. James Bond
Traveling
Le cinéma est une folie. Pleine de bruit et de kilomètres de pellicule tournoyant comme une guirlande de noël ou du papier tue-mouche. C'est aussi fou que de se rappeler tous les prénoms d'À la recherche du temps perdu, de nager à contre-courant dans le Danube, ou allumer un Monte Christo, avec un zippo, vingt ans après. En 2002, trente ans après, on continue à faire des films avec des bouts de ficelle en obtenant la participation de professionnels chevronnés tout en ayant la volonté de s'exprimer et de conquérir un public. Automne 2002. Nous sommes dans la classe d'une école primaire, rue Tenbosh, à Bruxelles. Sept garçons et une fille sont assis sur des bancs. Des couples d'enfants comme on en trouve dans les "Peanuts" : Une Lucy qui fusille du regard son vis-à-vis Charlie Brown penaud, un Linus privé de couverture et un schroeder sans piano. L'instituteur étant debout ; un travelling, disposé en diagonale permet à une Arriflex SR3 arrimée à une dolly pee wee posée sur les rails, d'avancer en cadrant en plan large, les huit enfants et, en fin de parcours, Antoine (Elie Belvaux), un rouquin à l'air éveillé manipule un objet phallique qu'il croit être l'arme d'un agent secret. L'instituteur s'en empare et regarde l'objet avec une certaine perplexité. "Qu'est-ce que c'est que ça ?", semble dire l'instit, en examinant l'objet avec un regard genre Humphrey Bogart examinant l'oiseau dans Le Faucon maltais et s'exclamant : "C'est l'étoffe dont sont tirés nos rêves".
Michel Baudour, le directeur photo, cadre à l'oeilleton la scène et Dominique Laroche, la réalisatrice observe, de visu, le déroulement de la scène, la fait répéter jusqu'à ce que son tempo la satisfasse. Petit problème de micro, au sol, qui est à la limite du cadre et que Frédéric Meert essaie dans un premier temps de dissimuler derrière un cartable mais qui se règle en déplaçant légèrement le cadre. « On bloque le couloir » demande l'assistant. Silence. Le plan se tourne en trois prises.
Production
C'est vrai (en plus) est la concrétisation du premier prix du scénario obtenu lors du concours organisé en avril dernier parle festival "Oh ce court", nous confient Pascal Hologne et Céline Masset qui produisent le film. Ce concours est le premier qu'on ait lancée lors de la cinquième édition du Festival. Le projet a été choisi par un jury international. On comptait le remettre à la Commission de sélection, mais la session de juin a été annulée. Et on ne pouvait pas attendre la prochaine réunion de la Commission, en février, dans la mesure où l'on s'était engagé à présenter le film lors de l'ouverture du prochain festival, "Oh ce court", qui aura lieu en avril 2003.
Dès lors on a utilisé les moyens du bord. Ne sachant pas si le film serait accepté par la Commission on avait pris nos précautions en cherchant des formes de partenariat qui rendent le tournage du film possible. Grâce à l'aura dont commence à jouir le festival on a pu demander à différents partenaires techniques de marquer leur accord pour cofinancer le film en apportant leur matériel gratuitement : Monev, BL, Kodak, Cineberti. Tout le monde est bénévole sur le film. Reste à payer les incompressibles comme la régie, la nourriture, le carburant. Donc on s'en sort. Sans les prestataires techniques qui sont gratuits, le film coûterait environ deux millions. On va demander une aide à la finition pour pouvoir le gonfler en 35mm afin qu'il ait une vie comme n'importe quel autre court métrage en Festival. L'idée a germé au sein du Festival "Oh ce court". Le film primé étant censé fournir un tremplin pour une personne qui n'aurait pas suivi le parcours habituel d'une école de cinéma. Le concours étant ouvert à tous et c'est bien ainsi qu'on a envie de continuer : permettre à quelqu'un de mettre un pied dans le cinéma même s'il n'y connaît rien au départ. On offre à un auteur l'occasion de réaliser son premier film. Le scénario primé, réalisé étant projeté en ouverture du festival Mais il est évident que ce n'est pas la finalité du film. Après cela il va vivre sa vie dans d'autres festivals, en salles, à la télé. « Oh ce court » est seulement son démarrage et en même temps pour nous c'est une boucle : un scénario a été primé, il est réalisé dans l'année et présenté lors de l'édition qui suit.
Réalisatrice
À la base, je ne suis pas cinéaste, j'ai fait une licence en sociologie, à l'ULB, nous confie Dominique Laroche. J'ai bien tenté de rentrer à l'INSAS mais j'ai raté l'examen d'entrée. J'aime bien observer le comportement des gens, j'hésitais entre la sociologie et le cinéma. J'ai pensé que la socio serait un bon substitut et cela a été le cas. J'avais donc abandonné l'idée de faire du cinéma et il y a eu ce concours de scénario où j'ai participé un peu par hasard parce que j'ai toujours aimé écrire et que c'était une manière de revenir au cinéma. Il y avait un thème imposé : Qui aurait cru ça de mes parents ? J'ai tout de suite pensé aux demi-mensonges que font les parents à leurs enfants pour éviter de leur révéler une vérité qui pourrait être choquante pour eux. Du coup, les enfants grandissent avec une série de non-dits, de vérités cachées. Ils finissent par imaginer ce qu'on ne leur dit pas. Ils développent leur imagination dans cet espace que les parents laissent vide. Tout le monde a vécu cela. Il y a des choses que je n'ai découvertes que vers l'âge de quinze-seize ans. D'où l'idée de faire des parents d'Elie des agents secrets. Ce qui se prêtait bien à un récit de court métrage puisque l'action doit être rapide et non moins rapidement résolue.
Dans C'est vrai (en plus), Elie Belvaux joue Antoine, un enfant de six ans. En faisant passer des auditions je me suis rendue compte qu'il y a très peu de gamins qui arrivent à retenir un texte tout en restant naturel devant la caméra. Lui arrive à concilier tout ça : la concentration, la motivation, la gentillesse, la curiosité. Ces qualités étaient d'autant plus importantes qu'étant le personnage principal, il tournait toute la semaine. Dans le film, Antoine observe ses parents qui sont en train de divorcer. Sa mère reçoit des coups de fils d'un homme qu'il ne connaît pas, il ressent les tensions. Son père part de plus en plus souvent soi-disant pour son travail. Il commence à soupçonner ses parents d'être des agents secrets, à fouiller dans leurs affaires et il tombe sur le vibromasseur de sa mère. Il pense que c'est une arme secrète. Il le reproduit à l'école au cours de bricolage. Dans la scène auquel vous avez assisté, son professeur s'interroge sur l'objet reproduit par Antoine. Ce qui confirme celui-ci dans la conviction qu'il y a quelque chose de dangereux à posséder cette arme. Le défi était de faire jouer Elie Belvaux avec ce truc sans qu'il se rende compte de ce que c'était. Ses parents préférant être les premiers à lui dévoiler les arcanes de la sexualité. On a appelé l'objet "arme secrète" et il n'a jamais su ce que c'était.
Le film a été un conte de fées mais je n'ai pas l'intention que cela soit un one shot J'aime écrire, j'aime l'image, le travail d'équipe, monter des projets et les mener à terme. Le cinéma regroupe tout cela. En plus, j'ai eu la chance ayant déposé, un autre scénario, à la Commission de sélection de la Communauté française de le voir accepté. Je vais donc tourner mon prochain film assez vite. Il s'appelle Welcome et raconte une tranche de vie d'une réfugiée tchétchène vivant en Belgique. C'est un thème qui m'a toujours touchée, en tant que sociologue, journaliste. J'ai eu l'occasion de rencontrer une femme tchétchène vivant des conditions de vie assez misérables alors qu'elle était ingénieur. Ce sera donc tout à fait différent bien que ce soit aussi une fiction.