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Sur le tournage de Krump, premier film de Cédric Bourgeois

Publié le 30/04/2021 par David Hainaut / Catégorie: Tournage

Krump mis en boîte

En Belgique, comme partout dans le monde, réaliser un long-métrage de fiction reste une longue et vaste entreprise. Raison pour laquelle le Centre du Cinéma a mis en place, en 2017, un guichet spécifique (le Fonds d'aide aux productions légères), destiné à aider les cinéastes en herbe.

Ce dont a pleinement profité Cédric Bourgeois pour faire aboutir son premier long, intitulé Krump. Co-écrit avec Xavier Seron et Jean-Benoît Ugeux (qui interpréte aussi le rôle principal), ce film est produit par les Namurois de Roue Libre, déjà spécialisés dans ce Fonds, puisqu'ils sortiront bientôt Fils de Plouc, remarqué aux États-Unis au dernier Festival de Sundance. Prise de température sur le plateau, au nord de Bruxelles.

Avril 2021. Anderlecht, à deux pas de ses célèbres abattoirs. Tournage de nuit oblige, c'est en début de soirée que nous retrouvons l'équipe de tournage, en l'occurrence celle du film Krump. Plus exactement là où a été reconstitué le décor principal, autour duquel sont notamment présents les deux premiers rôles, Jean-Benoît Ugeux (alias Ronald Krump) et Jean-Jacques Rausin (Booby). Dans ce futur "film de potes" – "Buddy movie" pour les intimes - baignant dans le milieu du cinéma pornographique ("Le porno ne sera qu'un thème sous-jacent !", préviennent ses auteurs) qui mélange plusieurs genres, le héros doit faire face à l'enlèvement de sa fille (Elise Havelange), qu'il ne pourra retrouver qu'en réglant une importante dette. C'est alors qu'il fait appel à un ami pour se lancer à la recherche de cette pauvre Sophie kidnappée.

Lors de la pause-repas, le réalisateur Cédric Bourgeois se confie : "Je ne pensais absolument pas que mon premier film serait celui-là ! Surtout que je travaillais sur un autre long-métrage beaucoup plus noir, mais qui patinait. Mais j'ai entendu parler de cet appel du Centre du Cinéma pour tourner un film en conditions légères, et comme j'étais épuisé par mon autre projet, je me suis dit : pourquoi ne pas essayer ? C'est donc à ce moment-là, en une journée, que j'ai imaginé l'idée de Krump, au moment où Trump devenait président il y a quatre ans..."

Une liberté de tourner

Connu dans le milieu du cinéma belge depuis une dizaine d'années comme court-métragiste et co-réalisateur (avec Xavier Seron) d'un documentaire sur le milieu du catch hennuyer en 2014 (Dreamcatchers), Bourgeois, volubile car visiblement soulagé de se retrouver derrière une caméra, fait d'emblée part de son enthousiasme. "Je ne vais pas être très original, mais je rejoins tous mes premiers camarades réalisateurs passés par ce nouveau Fonds : c'est génial de pouvoir faire le film qu'on a envie, avec beaucoup de liberté, sans restrictions, sans pression, sans stress, sans des éléments qui pourraient nous parasiter, comme des histoires d'agents ou de coproductions. Tout le monde se retrouve sur le plateau avec plaisir, on s'amuse. Bien sûr, comme pour n'importe quel tournage, il y a des moments plus compliqués que d'autres et parfois des tensions, mais jamais rien de dramatique."

Jean-Benoît Ugeux : comédien principal et scénariste

Forcément éreinté par vingt jours intenses - nous étions de passage lors de l'avant-dernier jour du tournage -, l'acteur principal (Jean-Benoît Ugeux, chevelure recolorée pour l'occasion) poursuit : "C'est un tournage rude, mais c'est normal, car c'est la moitié du temps d'un long-métrage habituel et fait avec le dixième d'argent. Mais d'un autre côté, c'est une petite équipe et on se connaît tous : on est donc très soudés et on sent que tout le monde fait le même film. Et ça, ça aide énormément à tenir le coup."

Également scénariste donc, il détaille cette double-casquette : "Comme le tournage a été reporté suite à la crise sanitaire, on a pu retravailler davantage le scénario. En bout de course, Xavier Seron est aussi venu nous aider à peaufiner les dialogues et repositionner quelques questions de structure. Il est arrivé tard, mais c'était très important." Bourgeois complète : "À l'origine, j'avais juste envie d'une comédie noire. Et puis, au fil de l'écriture et après une vingtaine de versions, c'est devenu plus un film noir mais avec un humour spécial, un peu de violence et un mix de genres. Mais ce qui a surtout changé depuis le début, c'est le ton, le fait qu'il y a moins de blagues, de moments plus tendus. Aussi, on a opté avec le directeur photo (Samuel Esselinckx) pour une image en basse lumière, car ce sera un film nocturne."

Une petite touche d'Ennemi Public

Plus loin, nous apercevons au maquillage Jean-Jacques Rausin, tout sourire, comme à son habitude. Identifié depuis quelques années par une bonne part du public grâce aux deux premières saisons de la série Ennemi Public, ce comédien rôdé semble presque méconnaissable, le crâne rasé pour l'occasion : "Je suis ravi de pouvoir retravailler", dit-il. "J'avoue avoir assez mal vécu le début du confinement car comme pas mal de gens seuls, l'isolement n'a pas été évident à gérer. Donc le fait de bosser et de voir des gens, ça me donne l'impression de revivre un peu." Rausin, par ailleurs enseignant à l'ESRA à Bruxelles, reste néanmoins un artiste plutôt occupé : le Liégeois cumule en ce moment-même le tournage d'un autre film (Les Gentils, d'Olivier Ringer) tout en patientant pour les nouvelles saisons d'Ennmi Public et d'Une semaine sur Deux, cette pastille familiale de la RTBF. Dans Krump, il partagera l'affiche avec une vingtaine de comédiens, de Babetida Sadjo à Jo Deseure, en passant par Philippe Grand'Henry, Ingrid Heiderscheidt ou Alain Eloy.

"Ce nouveau Fonds apporte une fraîcheur" (Cédric Bourgeois)

"Travailler avec des comédiens qu'on aime, c'est génial", ajoute Cédric Bourgeois. "Évidemment, si on avait plus que nos 300 000 euros, on serait heureux. Mais même les plus grands réalisateurs le disent, c'est aussi une économie restreinte qui dope parfois la créativité, car cela nous pousse à trouver des solutions. Sans me comparer du tout à eux, les premiers films de Scorsese, Coppola, Nolan ou même des Dardenne comportent des fragilités. Mais voilà, c'est important d'essayer, de peut-être louper des choses. Or, dans le cinéma actuel, sans doute parce qu'on est beaucoup à en faire, c'est compliqué", constate ce jeune réalisateur qui a souvent lui-même produit ses œuvres, sous-entendant à nouveau l'utilité d'un tel Fonds. "J'ai déjà eu l'occasion de voir certains films tournés dans le même cadre, comme Une vie démente que j'ai adoré - Totem, Fils de Plouc ou Losers Revolution. Ce n'est que mon avis mais pour moi, ils ne sont pas plus mauvais que les films fabriqués dans les conditions classiques. Il y a là-dedans une fraîcheur. Disons qu'ici, on peut réaliser en deux-trois ans, plutôt qu'en sept-huit comme ça arrive parfois. Moi, j'ai vu des copains tellement fatigués d'attendre, qui, au moment de tourner, ont des cheveux blancs !" Natif d'Auvergne, Cédric Bourgeois rappelle avoir eu le coup de foudre pour notre pays, il y a longtemps. "J'aime autant les films d'Eric Rohmer que les films d'horreur de Rob Zombie. Mais en France, j'ai toujours eu cette impression qu'il fallait choisir un camp. Alors qu'ici, aimer les deux, ça semble jouable", dit-il avec le sourire. "En tout cas, j'espère que ce film me permettra d'en faire un deuxième assez rapidement, si possible avec la même liberté !"

Bientôt proposé dans les festivals, Krump, qui s'apprête donc à rejoindre la (longue) liste des films "en attente" suite à la crise sanitaire, s'est aussi tourné à Braine-Le-Château et Koekelberg. D'ores et déjà été acheté par VOO-Be TV et Proximus, les deux chaînes co-produisant le film avec le tandem David Borgeaud-Erika Media de Roue Libre. En plus donc, du Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel, mais aussi de Shelter Prod, de screen.brussels, de taxshelter.be et du Tax Shelter du Gouvernement Fédéral de Belgique.

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