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Sur le tournage de la mini-série Chez Nadette

Publié le 08/11/2021 par David Hainaut et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Tournage

C'était bien Chez Nadette

 

En ce moment, les séries courtes semblent avoir la cote. Alors que Be TV a récemment démarré la diffusion de Match (avec Pauline Etienne, Kody et Clément Manuel), la RTBF vient d'en tourner quatre en à peine un mois : Messieurs Pipis (avec Gui-Home et Pablo Andres), Une Semaine sur Deux (S2, avec Carole Matagne et Jean-Jacques Rausin), La Théorie du Y (S3, avec Léone François) et Chez Nadette, qui nous intéresse ici, suite à un passage sur leur tournage.
Imaginée par Thierry De Coster, Chez Nadette évoque le quotidien d'un petit bistrot campagnard wallon, tenu par une mère (Christelle Delbrouck) et sa fille (Laura Fautré). Cinquante épisodes (de 3'30'') ont été mis en boîte depuis cet été, avec l'assurance d'une large visibilité. Puisque dès le 8 novembre, sa diffusion sera quotidienne, juste avant le 19h30 de la RTBF.

Beaucoup ont peut-être déjà vu ou entendu parler de cette mini-série et c'est normal, car fin septembre, dix premiers épisodes ont été dévoilés par la RTBF. Quelques semaines donc, avant la diffusion de tout l'ensemble, la chaîne publique espérant consolider par de la fiction la case d'avant-JT, soit à un horaire dépassant le demi-million de (télé)spectateurs.trices. Thierry De Coster, comédien mais seulement créateur pour l'occasion, revient avec son bagout habituel sur la genèse du projet, pour lequel il a rencontré de nombreux Wallons : "Pendant dix-huit mois, j'ai animé sur la chaîne publique l'émission Stoemp, Pèkèt, ... et des Rawettes, qui m'a permis de redécouvrir avec bonheur des dialectes et surtout, mon propre pays. Car à presque soixante ans, je me suis rendu compte que je connaissais plus l'histoire de Louis XIV et de Napoléon que celle qui concernait ma propre identité ! Si les Flamands - et même les Bruxellois - ont réussi à préserver la leur, l'identité wallonne, malgré sa profondeur et sa richesse, s'est, elle, un peu noyée. Cette expérience en télé a donc été un déclic pour me lancer dans un projet de fiction wallonne, mais destinée au plus grand nombre". Une capsule que De Coster co-réalise avec Baudouin du Bois, bien connu dans le microcosme comme assistant. "Pour les deux comédiennes, je connaissais depuis longtemps Christelle (Delbrouck), mais pas encore Laura (Fautré). Mais ça a tellement bien pris entre nous qu'on a décidé d'écrire à trois. Pour la simplicité de la production, on a d'abord pensé à filmer des confidences sur un banc, mais on s'est vite rendu compte que ça serait trop réducteur. Et puis, il y a eu une autre rencontre déterminante : le lieu..." 

Deux comédiennes convaincantes 

L'endroit où se déroule l'action principale, parlons-en. Situé à Tourinnes-Saint-Lambert (Walhain), soit au cœur de la campagne du Brabant Wallon, ce petit bar atypique jouxtant une écurie et rebaptisé Chez Nadette – le P'tit Saint Lambert, de son vrai nom - était en effet propice pour faire croiser villageois, (cyclo)touristes d'un jour, citadins égarés ou autres gens de passage. C'est là que Nadette (Christelle Delbrouck), la mère, et Pauline (Laura Fautré), la fille, incarnent les deux principaux personnages, de quoi d'ailleurs aborder la condition féminine - parfois rude - en milieu rural. "En fait", commente Delbrouck, "La série tend surtout à renouer du lien, en véhiculant des rapports d'amour, d'amitié et d'entraide. On voulait remettre un peu tout ça à l'ordre du jour, face à tout ce qu'on observe d'un peu triste autour de nous, dans un monde où on communique moins et où pas mal de gens s'insultent dans leur coin sur le net. Ce lien social fait tellement de bien ! Ce que les premiers retours nous confirment, d'ailleurs..." Fautré ne dit évidemment rien d'autre : "Je me trompe peut-être, mais j'ai l'impression qu'on offre même aux gens l'air pur qu'on respire sur le plateau. Dans un épisode par exemple, on s'est ramassé sur la tronche des châtaignes tombées d'un arbre ! Je crois que ce genre d'effets se ressent, et c'est peut-être ce qui donne cette bouffée d'air frais." 

L'importance du local

" Un OVNI ", " Du Pagnol à la Wallonne " ou encore, " Une bulle d'air hors du temps ": assez parlants, les premiers retours de Chez Nadette ont rapidement confirmé l'envie d'un large public à (re)trouver ce type de programmes, pittoresques, simples et authentiques. " Et humains ! ", rajoute De Coster. " C'est bête à dire, mais ces petites choses-là se perdent de nos jours, et je suis loin d'être le seul à le penser. La pandémie, la mondialisation, la perte de contrôle de nos dirigeants, la dépendance à l'économie (...) : tout ça nous vide de nos sens et de l'essentiel. Pendant plus d'un an, tout le monde a été bouleversé par l'isolement. Chacun s'est interrogé sur cette société où on court et où on est débordé, où on n'a plus de recul sur ce qui se passe ou ce qu'on fait. Pareil dans la fiction où, en plus d'une actualité déjà insupportable, on voit majoritairement des choses d'une violence inouïe, et toujours des meurtres, des enquêtes policières, etc... Le local nous permet d'échapper un peu à nos peurs, à nos angoisses. Ce qu'on fait ici, c'est juste se poser un peu, quoi..." Avec des dialogues en partie en wallon donc, celui-ci venant se mêler au français sans trop perturber la compréhension des épisodes. " Le wallon passe surtout dans les émotions ", détaille De Coster. " La chaîne l'a très bien compris en acceptant de ne pas sous-titrer. Car même s'il y a quelque chose qu'on ne comprend pas en regardant, on prend du plaisir. Mais si l'urgence a ses vertus, j'aurais quand même préféré une course un peu moins folle pour le tournage. On filme quand même l'équivalent d'un long métrage et demi en un temps-record. Croyez-moi qu'ici, pas mal de gens ont donné bien plus qu'il ne le faut..." 

L'alchimie créative, insufflée par Thierry De Coster 

Repérée par De Coster alors qu'elle interprétait son seul en scène évoquant le folklore wallon ("Ma Pucelette"), Laura Fautré s'est rapidement laissée convaincre par l'aventure. " Étant tous les trois Wallons, on a senti dès l'écriture que quelque chose de spécial se passait dans ce projet", dit la benjamine de la troupe. " Une sorte de symbiose géniale, en fait. Car on s'est connecté tout de suite, avec les mêmes idées, la même écriture et sans jamais être bloqués par de gros désaccords ". Sa comparse acquiesce : " Parfois dans ce métier, vous fréquentez quelqu'un vingt-cinq ans sans ressentir grand-chose. Et là, après deux rencontres, ça a marché tout de suite ! Qu'on soit dans la même pièce ou chacun chez soi, plein d'idées se brassent. On se creuse même souvent la tête au même endroit au même moment, en corrigeant les mêmes choses. C'est assez fou ! " Cette série du terroir offre par ailleurs une vitrine non-négligeable à de nombreux comédiens du cru, d'Éric Godon à Stéphanie Van Vyve, en passant par Emmanuel De Candido, Philippe Vauchel (le curé du village), Muriel Bersy, Bruno Georis ou Shérine Seyad. Entre bien d'autres, encore à venir. Et Delbrouck tient elle aussi à souligner l'investissement de toute l'équipe. " Comme par exemple Olivier Craeymeersch à l'image, qui amène une poésie insoupçonnable, en embellissant encore un peu plus la ruralité dont il est question ". On pourrait par ailleurs épinglée la musique, signée Nicolas Vandooren. 

«C'est audacieux de la part de la RTBF» (David Mathy) 

Produite par la RTBF ainsi que les sociétés 10.80 (du tandem Benoît Roland/Nabil Ben Yadir) et Koko Arrose la Culture (David Mathy), soit exactement le même trio à l'origine de la récente série Baraki, Chez Nadette innove aussi en étant partenaire du Green Film Wallonia, nom d'un système qui encourage le développement durable sur les tournages, avec l'objectif louable de sensibiliser le secteur à l'éco-responsabilisation. Mathy (Koko Arrose la Culture) conclut : "De la part de la RTBF, c'est audacieux de lancer ce genre de programmes, qui plus est à cette heure de grande écoute. Moi qui suis Wallon, ça m'est cher de réintégrer la langue en Fédération Wallonie-Bruxelles. Car les patois, qu'ils soient bruxellois ou wallons, sont toujours parlés. C'est même une façon de communiquer qui sort des carcans. Puis, il y a tellement de gens qui vivent à la campagne dont on parle si peu à l'écran. Je ne pourrais d'ailleurs même pas vous citer un exemple de fiction comparable, c'est dire..."

 

Lien (10 premiers épisodes)

https://www.rtbf.be/auvio/emissions/detail_chez-nadette?id=19905

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