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50/50 - Surveiller les tortues d'Inès Rabadan

Publié le 01/04/2021 / Catégorie: Dossier

En juin 2017,  la Fédération Wallonie-Bruxelles organisait l'Opération "50/50, Cinquante ans de cinéma belge, Cinquante ans de découvertes" qui mettait à l’honneur 50 films marquants de l’histoire du cinéma belge francophone. Ces films sont ressortis en salle pendant toute une année et de nombreux entretiens ont été réalisés avec leurs auteurs. Le site internet qui se consacrait à cette grande opération n'étant plus en activité, Cinergie.be a la joie de pouvoir aujourd'hui proposer et conserver tous ces entretiens passionnants où une grande partie de la mémoire du cinéma belge se donne à lire.

 

Diplômée en Philo & Lettres et en réalisation, Inès Rabadán est scénariste et réalisatrice. Ses films – courts métrages, documentaires, films expérimentaux et un long métrage de fiction – ont été montrés dans une centaine de festivals internationaux et primés à Clermont-Ferrand, Vendôme, Chicago, Aix, Grenoble, Brest, Namur, Les étoiles de la Scam, Lyon... Ils ont été achetés par la RTBf, la RAI, Canal+F, Arte, la TSR.
Elle réalise aussi des films pour des institutions (En Lutte / 5 films, expo permanente, Cité Miroir Liège), des musiciens (Every Morning, clip pour Moxie), des spectacles (En douceur et profondeur, film et mise en scène avec Lionel Lesire, Festival XS).
Inès Rabadán collabore aux scénarios d’autres réalisateurs, comme co-scénariste ou tutrice. Elle enseigne le cinéma à l’ERG (Ecole de Recherche Graphique, Bruxelles). Actuellement, elle écrit, en collaboration avec Laurent Brandenbourger, un projet de série télévisée (Rush), elle tourne un film financé par le FilmLab du Centre du cinéma (Les Vivants) et développe, avec Lionel Lesire, un documentaire soutenu par le CCA, le CBA et Brouillon d’un Rêve (Wandering Spirits).

50/50 - Surveiller les tortues d'Inès Rabadan

Didier Stiers : A propos du parcours réalisé par votre film, peut-on considérer que le prix reçu au festival de Clermont-Ferrand a été un tournant pour vous ?

Inès Rabadán : C'est là que le film a été sélectionné pour la première fois en festival, et donc directement à l’international. Cela aide énormément le court-métrage quant à sa visibilité. Il reçoit une bonne presse, il est, du coup, vu par quantité de sélectionneurs et retenu dans d’autres festivals. Ça a aussi dû jouer pour sa sélection au Bac Cinéma, ce qui fait qu’il a été largement diffusé dans les lycées français. Et puis, 20 ans après, on m’en parle encore ! Quand un film est terminé, c’est au spectateur qu’il sert, plus qu’au réalisateur qui, lui, passe à autre chose. Mais là, oui, il a une chouette longévité.

 

D.S. : S’il y avait un fil rouge pour relier vos films, vous diriez que c’est votre intérêt pour le rapport entre les classes sociales ?

I.R. : La place qu'on occupe dans la société m’intéresse effectivement. En même temps, je pense qu’il y a toujours, dans mes films, une dimension de drôlerie, quelque chose de l’ordre de la fable, de l’invention et de l'intérêt pour l'humain. Je dirais plutôt que je mets l’accent sur la grandeur des gens qu’on considère comme petits.

 

D.S. : Dans une interview de l’époque, Denis Delcampe, le producteur (Need Productions), estime que les réalisatrices travaillent mieux et sont plus rigoureuses que les réalisateurs. Elles manquent de visibilité et de reconnaissance, de votre point de vue ?

I.R. : Il y a trop peu de femmes qui réalisent ! Jane Campion dit que ce sont la moitié des histoires qui ne sont pas racontées ! Il faudrait que ça change. Il y a beaucoup de filles dans les écoles de cinéma, à peu près la moitié de filles dans les classes de réalisation, mais elles ont ensuite tendance à disparaître pour diverses raisons qu’on ne va pas analyser ici. Je crois que les filles pensent que, pour réussir, elles doivent exceller. Le résultat, c’est que travailler avec elles est peut-être très chouette, mais voilà, on a trop peu de films de femmes. Alors qu’elles ne sont pas particulièrement en minorité dans la population… Je suis curieuse de voir ce que les jeunes réalisatrices auront à nous montrer !

 

D.S. : Sans l’aide à la production accordée à Surveiller les Tortues, votre parcours aurait été le même ?

I.R. : Si la Fédération retient ce film-là pour célébrer les 50 ans de ces aides, c’est une forme de considération. On est dans un pays où il est très difficile pour les cinéastes de faire carrière. Ils sont d’ailleurs peu nombreux à vraiment faire carrière. Après, chacun a ses raisons et ses priorités dans la vie… Pour ma part, je pense que ça m'a donné une certaine confiance dans le milieu cinématographique, quant à la voie dans laquelle je me suis engagée, quant à mon identité artistique. Aujourd'hui, je travaille à la fois sur un documentaire et un film expérimental : tous deux sont financés par la Fédération. Documentaire, film expérimental : je suis, à nouveau, à l’endroit où on peut travailler peut-être plus librement.

 

Didier Stiers

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