Un divan sur la colline de François Ducat et Salahaldeen Abunima

C’est l’existence d’un chemin de fer qui coupe la municipalité en deux depuis le début du siècle dernier qui a conféré à Battir un statut unique et spécial. En effet, depuis 1949, un accord permet aux agriculteurs palestiniens de traverser la frontière israélienne afin de cultiver leurs terres. Fait exceptionnel, cette localité a su résister à la colonisation d’Israël et ne pas perdre des portions de son territoire malgré les diverses pressions locales et politiques. 

Fasciné par les rencontres et la nature humaine, François Ducat s’est spécialisé dans le cinéma documentaire depuis longtemps. Ce réalisateur belge d’origine stéphanoise est diplômé de l’INSAS sous la houlette d’illustres professeurs tels que André Delvaux, Jaco Van Dormal ou encore Michel Khleifi.  Ce dernier, avec qui il a gardé un contact privilégié, apparaît d’ailleurs dans les remerciements de ce film.

Plus que la dénonciation d’injustices ou un appel à la révolte, les discussions avec les protagonistes du film révèlent les aspirations personnelles de jeunes palestiniens pacifiques. Ce documentaire ne consiste pas à compiler des témoignages de protestation d’un camp envers un autre, mais il met en lumière sans filtre les conséquences de la colonisation sur le rêve de jeunes habitants de Battir. C’est plus particulièrement l’histoire de deux adolescents que François Ducat capte avec sa caméra. Leurs envies, leurs ambitions, leurs réussites et leurs échecs recueillis entre 2015 et 2022 permettent de se rappeler que derrière les termes Palestiniens et Israéliens se cachent des individus à part entière. 

Intelligents, pertinents dans leurs réponses, ces jeunes et leurs familles dévoilent une facette de la Palestine qui n'est peu, voire jamais, diffusée par les médias classiques. En ce sens, le documentaire Un divan sur la colline fait office de véritable mémoire collective pour l’Humanité. Le documentaire n’en reste pas moins captivant grâce à une narration bien ficelée et dynamique.

Un autre angle d’approche original est celui qui met en lumière l’existence d’un conflit générationnel parmi les résidents de ce village situé à proximité de Jérusalem.  Alors que les anciens n’ont pas connu les sirènes de l’étranger et cultivent les terres en respectant la tradition, les nouvelles générations beaucoup plus connectées par le biais de leurs smartphones et influencées par la globalisation rêvent désormais d’un ailleurs plus doux, loin de la Palestine. Il s’agit peut-être là du plus grand défi auquel va faire face cette communauté dans les années à venir.

Si un seul mot devait décrire ce documentaire passionnant, c’est authenticité. Ayant personnellement eu l’occasion de me rendre en Israël et en Palestine durant plusieurs semaines il y a un peu plus d’une dizaine d’années, rarement un film ou documentaire n’avait capté avec autant de justesse le vécu et la réalité quotidienne de la jeunesse palestinienne. 

Le réalisateur a su éviter habilement l’écueil du sempiternel jugement de l’autre qui divise plus qu’il ne réconcilie. Et c’est bien en ça que ce documentaire constitue un précieux sésame dans le contexte actuel.

Si tous les jeunes de Battir rêvent de pouvoir quitter la Palestine pour faire des études en Allemagne ou à l’étranger, la réalité les rattrapera plus vite qu’ils ne l’imaginent et donnera lieu à des remises en question personnelles ainsi que des séquences particulièrement émouvantes au cours des 7 années d’investigation nécessaires à la réalisation de ce récit unique en son genre.

Doté d’une réalisation de qualité, d’une écriture sérieuse ainsi que d’un choix minutieux des protagonistes, Un divan sur la colline est un film éclairant et instructif. L’angle choisi permet de mieux appréhender cette réalité complexe et opaque au plus grand nombre, malgré sa surmédiatisation dans les médias du monde entier.