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Vincent Bierrewaerts, réalisateur du Pont

Publié le 01/05/2009 par Dimitra Bouras / Catégorie: Entrevue

Dessiner, modeler, peindre, ou fabriquer des marionnettes de chiffon, de pâte, de terre ou de ficelle ne sont pas des activités réservées aux travaux manuels de l'école fondamentale ou des stages de loisirs. Que du contraire. C'est avec beaucoup de sérieux que les écoles d'animation (La Cambre était citée avec beaucoup d'admiration) enseignaient ces techniques classiques de l'animation, aujourd'hui désuètes et remplacées presque exclusivement par l'image de synthèse. Mais d'avoir fait partie du wagon de transition où le passé cohabitait avec le futur, d'avoir plongé les mains jusqu'aux coudes dans les boîtes de matériaux, d'avoir manipulé crayons, aquarelles, cordes et cordelettes, tout en étant un connaisseur chevronné des nouveautés informatiques, a fait de Vincent Bierrewaerts un animateur particulièrement singulier. Il puise autant de plaisir dans la narration que dans la création et aime se lancer des défis de maîtrise technique. Sa dernière œuvre, Le Pont, est un exploit où l'aluminium, le latex et autres résines chimiques ou naturelles se juxtaposent pour former un père et un fils entremêlés dans un conflit intergénérationnel des plus courants. Les quelques mois de travail de Vincent Bierrewaerts et d'une équipe de marionnettistes impressionneront par la recherche de la précision jusque dans les moindres détails.

Cinergie : Chacun de vos films est réalisé avec une technique différente. Pourquoi cet acharnement à la diversité ?
V.B. : Généralement, je choisis la technique en fonction du scénario, c'est une espèce de fusion qui arrive pratiquement chaque fois de façon conjointe. C'est cet aspect que j'aime dans l'animation, avoir cette liberté de narration. Tantôt on fait des dessins animés, tantôt de la marionnette ou encore de la pâte à modeler, du sable, de la peinture sur vitre, ou encore de la pixilation (des acteurs réels ou des objets filmés image par image)... C'est pour cela qu'il est important de bien choisir la technique en fonction de ce qu'on veut raconter. Si on choisit bien son procédé, il y a un enrichissement mutuel.

C. : Comment se déroule la conception d'un film à venir ? Vous écrivez le scénario ou vous le dessinez ?
V.B. : Au grand regret de mes amis producteurs, je dessine peu et j'écris peu. Généralement, je garde tout en tête, je n'ai jamais aucun document, et le jour où je dois me mettre à écrire et à dessiner, c'est un véritable supplice pour moi !

C. : Est ce qu'un long métrage est dans vos projets ?
V.B. : Non, pas tout de suite. Le domaine du court métrage me permet une liberté artistique et expérimentale que le long n'a pas ou ne peut pas me donner... En tant que réalisateur, j'apprécie le changement de techniques, même si c'est plus risqué et qualitativement moins intéressant, dans le sens où quand je dois apprendre des nouvelles techniques : je suis moins compétent que d'autres qui les maîtrisent. Pour le Pont, c'était la première fois que j'animais des marionnettes. Comme je ne connaissais pas ce domaine, je me suis planté au début. J'ai commis un tas d'erreurs qui m'ont rendu la tâche difficile. Le problème, c'est qu'il y avait d'énormes faiblesses dans la fabrication des décors. Nous avons commencé le tournage avec un décor incomplet, l'arrière de la maison n'était pas encore fini. J'ai dû continuer à la construire tout en ayant débuté le tournage. Le budget pour le décor étant dépassé, je me suis attelé à la tâche et j'ai fabriqué des choses que je n'aurais pas dû fabriquer. Mon erreur pour ce film, c'est d'avoir voulu être animateur et réalisateur de mon projet. Même si économiquement cela semble plus simple, mener les deux rôles de front est impossible. Mais ça, je l'ai compris après.

C. : Cela prend combien de temps pour faire un court métrage de 13 minutes avec des marionnettes ?
V. B. : Plusieurs mois, c'est l'immense désavantage de l'animation ! En moyenne, un animateur crée 5 secondes par jour. Dans le cas du Pont, on était 2 animateurs, donc on faisait en moyenne 10 secondes de film par jour. Il faut un ou deux mois pour construire les décors, peut être 4 mois pour l'animation, 1 mois pour la bande son et le montage... c'est très long, très fastidieux.

C. : Dans votre prochain film, vous utiliserez une technique plus individuelle ou collective ?
V.B. : La prochaine sera plus individuelle car elle sera faite avec un budget très réduit contrairement au Pont. Je vais m'atteler à une approche musicale du cinéma d'animation, je suis en contact avec un compositeur et on essaye de concevoir un film qui mélangerait habilement les deux. Ce sera soit de l'animation traditionnelle (dessin sur papier), soit avec un programme informatique que j'ai déjà utilisé.

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