Métier : Réalisateur, Scénariste , Producteur
Ville : 1050 Bruxelles
Province : Bruxelles-Capitale
Pays : Belgique
Email : Cliquez ici
Site web : Cliquez ici
Petits arrangements avec la réalité
L’envie de vraiment faire du cinéma, pas de le regarder ou d’en parler, m’est venue assez tard. Très exactement à vingt ans, quand j’ai recommencé ma première année à l'INSAS.
Petit, passé le stade policier-pompier-médecin, je voulais être dessinateur de B.D. Un peu plus grand, je me suis passionné pour la photographie. J’avais reçu un appareil et je passais mes journées à mitrailler. Bien souvent, il n’y avait même pas de film dans l’appareil. J’aimais cadrer, encadrer l’espace, fixer l’instant. Le résultat (développer, tirer) m’intéressait assez peu.
Aux alentours de dix, douze ans, ma soeur a été choisie pour une apparition dans le film de fin d’études de Marc-Henri Wajnberg à l'INSAS. C’était un tournage de nuit. J’ai vu pour la première fois une équipe de tournage en action. Ils voulaient faire de la fumée, il n’y avait jamais la bonne dose. Tout le monde courait dans tous les sens. La routine, quoi. Mais ça n’a pas provoqué en moi la révélation.
Cependant, je ne sais pas trop pourquoi, quand à l’école on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais : “l'INSAS, cinéma”. Ma mère pensait que c’était logique. Un psychologue de ses amis lui avait dit, quelques années plus tôt : “il se fait un cinéma dans sa tête, lui !” Elle a pris cela comme une prémonition. Je crois plutôt qu’il voulait dire que j’avais du talent pour les petits arrangements avec la réalité.
Vers six, sept ans, avec un camarade de classe, je m’inventais un domaine en Afrique où nous partions en famille le week-end. Je pouvais y piloter un avion (le même que je dessinais à longueur de journée partout où je pouvais). Mon copain aussi avait son domaine. On se promettait avec le plus grand sérieux de s’inviter mutuellement. On se faisait notre cinéma, sans caméra, sans pellicule, sans équipe technique. Sans savoir que ça s’appelait du cinéma.
A quinze ans, j’ai découvert le Musée du cinéma. Devenu cinéphile, je n’avais toujours aucune intention de devenir cinéaste. J’aimais m’immerger dans l’écran. Mon cerveau devenait un ordinateur qui listait films, cinéastes, acteurs. J’aimais Godard, mais aussi Melville, Loulou, Peter Lorre, Michael Snow et les westerns spaghettis. Je passais des nuits entières avec d’autres fêlés à disserter inlassablement sur les mérites comparés des uns et des autres.
Mais le processus de fabrication en soi me paraissait compliqué, inaccessible. A tel point que, vivant dans la même rue qu’un machiniste célèbre, je ne lui ai jamais demandé de venir voir un tournage. A l’époque, je jouais de la guitare dans un groupe et je ne me voyais pas d’avenir ailleurs.
Puis, un jour, j’ai passé le concours d’entrée de l'INSAS. A force d’en parler, les choses arrivent. Mais à la fin de l’année, j’ai été recalé. Sans cet échec, peut-être n’aurais-je jamais compris que la relation étrange, à la fois distante et proche, que j’entretenais avec le cinéma depuis plusieurs années, m’était indispensable. Qu’on ne pouvait pas répéter “Je ferai l'INSAS” pendant tant de temps sans que cela ne traduise un désir profond. Quand on aime réinventer, voire corriger la réalité, quel autre métier peut-on pratiquer ? J’ai réussi l’examen d’entrée une deuxième fois. Et me voilà en train de raconter tout ça dans un livre...