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Ma vie en rose

Publié le 01/05/1997 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Tournage

Pour le tournage de Ma vie en rose, Alain Berliner, qui réalise son premier long métrage, s'est enfermé avec son équipe dans un studio. Grimpée au sommet d'une echelle double, une décoratrice, en salopette blanche, peint un ciel et ses nuages sur une gigantesque toile. Juste à côté, les pièces d'une maison ont été reconstituées à l'aide de panneaux mobiles pour permettre à la caméra de changer d'axe. Le premier plan de la journée se met en place dans une chambre d'enfants peuplée de peluches et de techniciens de cinéma. La caméra une Arriflex 35, blimpée , cadre la porte qui est entrebaillée. A côté de la caméra, hors du champ de l'image, Ludovic, un jeune garçon coiffé d'une perruque et Jérôme son copain se chuchotent des secrets, tout en essayant les vêtements de la petite soeur de ce dernier. La porte s'ouvre et l'on comprend que Lisette, la maman de Jérôme vient de surprendre le jeu des enfants tout en écoutant leur babil. Lorsqu'elle entend, "la morte", elle s'évanouit. Raccord dans l'axe, en plan plus serré. Lorsque Ludovic perçoit le bruit de la chute il se précipite ainsi que sa mère, Hanna. Tous deux essaient de ranimer Lisette, gisant sur le sol. Alain Berliner fait recommencer le plan à plusieurs reprises, expliquant patiemment à Hanna (Michèle Laroque), Ludovic (Georges Du Fresne) et Lisette (Laurence Bibot) quel est le bon timing pour que la scène soit juste.

Ma vie en rose

Naissance d'une différence


Ma vie en rose raconte l'histoire de Ludovic, un petit garçon rêveur de sept ans qui croit qu'il va devenir une petite fille. Hanna et Pierre, ses parents, ne le prennent pas au sérieux, mais Ludovic est un petit garçon qui croit à la magie, qui est nourri de contes de fées tout en étant fasciné par Pam, la poupée Barbie.

C'est une histoire sur la naissance d'une différence, nous confie Alain Berliner. Comment dans un monde où l'idée du bonheur est de ressembler à son voisin, où chacun se veut le miroir de l'autre, peut-on vivre son altérité? Et que se passe-t-il lorsque le miroir se casse? Dès notre naissance, nous nous posons, à un moment ou l'autre, des questions sur notre identité, sur notre sexe. La plupart du temps nous répondons de façon favorable à l'exigeance sociale, mais il arrive que des individus y répondent de manière différente. L'idée du film est de montrer quelqu'un qui se sent différent et qui s'obstine dans sa démarche. Jusqu'à faire plein de bêtises parce qu'il croit que c'est naturel. Ludovic a le sentiment de n'être pas né dans le bon corps.On avait envie de montrer la naissance de ce sentiment à un âge où le caractére sexuel n'est pas encore bien défini mais on n'avait aucune envie d'aborder l'aspect sexuel du problème ni d'axer le film sur ça. Chris Vander Stappen, la scénariste, a eu l'idée de ne pas prendre une petite fille qui veut devenir un garçon car c'est un fantasme typiquement masculin. Un garçon manqué on n'y fait pas attention, c'est mieux accepté et à la limite c'est amusant. Par contre l'inverse est vraiment terrible. En général, les problèmes d'identité se posent avant l'adolescence, ensuite, on les résoud ou non. Il y a beaucoup de filles, par exemple, qui pensent être des garçons durant leur jeune âge, ça ne les empêchent pas de devenir des femmes par la suite. Douter de ne pas être à sa place dans son sexe, c'est effrayant. Mais cela fait surtout peur aux parents qui, au début, trouvent une telle situation inacceptable. Dans le film, le regard du quartier à son importance parce qu'il a un poids déterminant sur le comportement des parents. Ce qui leur est insupportable, en réalité, c'est la différence qui existe entre eux et leurs voisins. Le qu'en dira-t-on est intolérable.

Un rôle exigeant

Le casting, quant à lui, a été long car il fallait que l'interprète soit crédible et comprenne la complexité de son personnage. Georges Du Fresne (Ludovic) a la chance d'avoir une mère comédienne et un père musicien, nous avons donc pu parler du rôle sans a priori. Cependant, lorsqu'on tient le rôle principal dans un film on est le centre de l'attention et dès lors un enfant doit être au départ suffisamment équilibré pour que sa vie ne bascule pas.
Le tournage s'est déroulé en trois étapes. Nous avons d'abord tourné toutes les séquences en live, que ce soit en décor naturel ou en studio, puis on a filmé la maquette et les décors. Pour terminer, tous les personnages ont été suspendus sur un fond vert à l'aide d'une grue. Ces plans seront ensuite incrustés dans la maquette et les décors à l'aide d'un ordinateur (le Flame) permettant de recréer des images en haute définition. Ces effets spéciaux ont été intégrés pour recréer le monde intérieur de Ludovic, de ses rêves et de ses envies.
Le plateau se vide. La déco installe le fond qui évoque un ciel bleu saturé, troué de nuages blanc et traversé d'une lumière intense, derrière la fenêtre de la chambre d'enfants. En contre-jour, Pam, poupée vivante aux longs cheveux blonds ressemble à une fée sur le rebord de la fenêtre. Yves Cape, le directeur photo et cadreur, à l'aide de son spotmètre, calcule la lumière réfléchie sur le visage de l'actrice tandis qu'avec sa cellule MinoltaIIF il évalue la lumière ambiante. Alain Berliner installe Ludovic en face de Pam, lui explique et lui fait répéter ce qu'il attend de lui. Pam joint ses mains près de ses lèvres, souffle, envoyant à Ludovic une myriade d'étoiles qui s'emparent de lui.

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