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BIFFF 2007 : Entretien avec Dominique Pinon

Publié le 07/05/2007 par Grégory Cavinato et Katia Bayer / Catégorie: Entrevue

Bougon, rock, de mauvaise foi, jaloux pathologique, nerveux, roll : Dominique Pinon, l’éclectique souvent étiqueté « tronche », s’est imposé progressivement à partir des années 80 comme un incontournable second rôle du cinéma français, mais également belge, allemand, américain, espagnol. À son C.V. bien touffu (courts, longs, théâtre, télé), vient s’ajouter une énième ligne : juré du festival du film fantastique.

Cinergie : C’est la première fois que vous venez au BIFFF. Vous connaissiez déjà un peu le travail des autres jurés ?
Dominique Pinon : Pas vraiment, non. Je suis ravi de les découvrir; ils ont l’air d’être très spécialisés dans le milieu. J’avais déjà entendu parler de la plupart d’entre eux, mais je ne suis pas un grand cinéphile. J’aime aller au cinéma de temps en temps, comme tout le monde, mais je ne me souviens pas toujours qui a fait quoi. Je suis assez content de découvrir ce milieu un peu particulier du cinéma fantastique. On m’a gentiment invité, donc c’est assez agréable. Et puis, c’est l’occasion de rencontrer des gens ou d’en recroiser d’autres que je connaissais comme Lloyd Kaufman par exemple.

C : Quels sont vos premiers souvenirs de cinéma ? Ou du fantastique en général ?
D.P. : Je me souviens d’un film avec Charlton Heston sur un radeau, et puis tous les films de Belmondo que j'ai vu quand j’étais ado. La science-fiction pour moi, c’est Alien en 79... Je suis allé le voir quand je suis arrivé à Paris. Un autre grand choc, c’était Eraserhead. En première partie, ils passaient Le Bunker de la Dernière Rafale de Jean-Pierre Jeunet. La salle était remplie de punks : c’était leur grande époque, et le mec à côté de moi avait une espèce de rat ou de mulot sur l’épaule ! Je me suis donc tapé Le Bunker et Eraserhead, tout en faisant gaffe au rat ! Je suis sorti de là à 3h du mat’ et j’étais dans un état épouvantable !
Par contre, je ne lis pas de littérature fantastique. Même Le Seigneur des Anneaux, je n’y suis pas arrivé ! J’accepte facilement le fantastique au cinéma mais en littérature, j’ai beaucoup plus de mal, je ne sais pas pourquoi. Faudrait peut-être que je fasse un effort...

C : Pourquoi, d’après vous, autant de réalisateurs de films fantastiques font appel à vous ? Notamment des réalisateurs de court métrage.
D.P. : Pour moi, l’intérêt ce n’est pas forcément le fantastique, c’est surtout les rencontres qui se font. Alors, parois, vous dites oui, d’autres fois, vous dites non. Moi, j’ai fait beaucoup de courts, c’est vrai, dans les périodes où je suis libre, si l’histoire me plaît, … : il y a beaucoup de raisons pour lesquelles vous acceptez de faire les choses.

C : Une de ces raisons serait d’aider de jeunes réalisateurs à démarrer ?
D.P. : Oui, tout à fait !

C : Vous avez démarré notamment dans les courts de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro que vous avez suivis par la suite dans leurs longs métrages...
D.P. : Oui, il y a longtemps déjà... Avec Jeunet, nous débarquions tous les deux à Paris au début des années 80, et il a voulu me rencontrer parce qu’il m’avait vu dans Diva de Jean-Jacques Beineix, mon premier long métrage. Il voulait faire un truc avec moi mais on a attendu 10 ans avant de travailler ensemble, d’abord avec le court métrage Foutaises puis avec Delicatessen.

C : Pourriez-vous nous parler de leurs univers respectifs et communs ?
D.P. : Jean-Pierre est assez tourné vers la comédie et les acteurs. Marc, lui, est plus dans le détail artistique, avec un univers beaucoup plus sombre, plus gore... Le mélange des deux donnait un truc particulier qui fonctionnait très bien. Et forcément, à un moment donné, ils ont voulu développer leurs projets respectifs. Là, le printemps dernier, j’ai tourné Dante 01 avec Caro. Le film se passe dans une station spatiale « poubelle » située au fin fond de l’univers, et qui tourne autour d’une planète de feu. La station s’appelle « Dante 01 » qui a été transformée en prison où on a relégué tous les rebuts de l’humanité, dont je fais partie ! Parmi ces prisonniers, il y a notamment Lambert Wilson, Bruno Lochet, François Hadji-Lazaro, Yann Collette... Moi, je suis un peu leur chef…

C : Dit comme ça, le film rappelle un peu l’univers et votre rôle dans Alien : Resurrection [de Jeunet]…
D.P. : Oui forcément. Déjà, ça se déroule dans l’espace ! Mais ce qui est quand même particulier, c’est que c’est un film de science-fiction tourné entièrement en France, à Brie-sur-Marne et évidemment, ce ne sont pas les mêmes moyens. Mais c’est vrai que ça entretient des points communs : tourner dans un espace confiné, apporte toujours un certain nombre de problèmes de mise en scène. Lorsque vous faites tourner un certain nombre d’individus tous les jours dans un espace aussi exigu, il faut se creuser la cervelle pour rester inventif.

C : Un point commun entre ces deux films, c’est la présence d’une troupe d’acteurs. Il n’y a pas vraiment un rôle principal.
D.P. : Moi, je préfère quand même qu’on me file le rôle principal ! (rires) Mais je trouve que c’est aussi un plaisir de tourner avec une bande d’acteurs pour autant qu’on s’entende bien !

C : Vous avez reçu beaucoup de propositions aux États Unis après Alien : Resurrection ?
D.P. : Quelques-unes. Mais le problème des  États Unis, c’est qu’il faut rester là-bas ! Moi, c’est pas ma langue, pas ma culture... Mais pourquoi pas tant que le projet me plaît ? Et puis, s'il y a du pognon aussi ! (rires)

C : Que pouvez-vous nous dire de votre collaboration avec Harry Cleven sur l’épisode « En attendant le bonheur » lié à la série TV fantastique Sable Noir [anthologie de courts métrages fantastiques dans la veine « Twin Peaks » réalisés par Eric Valette, Samuel Le Bihan, Xavier Gens et quelques autres] ? 

D.P. : Harry est quelqu’un de très bien. C’est un compatriote à vous et à moi également, parce qu’il vit à Montmartre. Je le connais depuis longtemps par un groupe d’amis. On a tourné il y a deux ans à Cognac, et on s’est bien amusé....

 

C : Vous continuez à faire du court métrage ?
D.P. : De moins en moins, parce que je fais beaucoup de théâtre et j’ai moins de temps. Quand on fait beaucoup de courts métrages, c’est regrettable, mais on est catalogué : « Ah oui, c’est une vedette de courts métrages ! ». Là, on me propose de belles choses au théâtre et on commence à me proposer de belles choses au cinéma. Si je fais un court, c’est en général parce que j’ai envie de défendre un jeune réalisateur avec de chouettes idées. J’en ai effectivement fait pas mal. Il y a une poignée de réalisateurs que j’ai suivis par la suite, mais il y avait quand même quelques films qui n’étaient pas terribles !

 

C : En même temps, ce qui est amusant dans votre filmographie, c’est qu’on va vous retrouver dans Amélie Poulain et juste après dans Le Bon, la Brute et les Zombies ! 

D.P. : Je suis assez éclectique comme garçon, oui ! (rires) J’ai eu envie de faire ce métier pour pouvoir faire des choses différentes. J’ai découvert le théâtre grâce à End Game (Fin de Partie), une pièce de Beckett qui m’avait totalement scotché. Je m’étais dit : on peut vivre de l’autre côté du miroir ! Et puis, j’ai découvert le cinéma avec les films de Belmondo, Philippe De Broca et j’adorais ça ! J’aime alterner les genres pour ne pas être étiqueté.

 

C : Vous avez le sentiment d’avoir été étiqueté ? 

D.P. : Comme tronche, oui ! Plus que comme acteur...

 

C : Mais ça va mieux quand même ? 

D.P. : Oui, ça va mieux…

 

C : Vous venez de terminer le nouveau film d’Alex de la Iglesia, The Oxford Murders [avec Elijah Wood et John Hurt]. Vous pouvez nous en parler ? 

D.P. : J’étais super content de tourner avec lui parce que j’avais vu Crimen Ferpecto et la Comunidad. J’adore ce mec, il filme bien, c’est drôle... Je joue un rôle important, mais ce n’est pas le rôle principal. Je n’ai eu que 8 jours de tournage mais c’était génial. Je crois qu’Alex me connaissait parce que j’ai tourné pas mal en Espagne, notamment dans la Luna en botella, une comédie qui va sortir bientôt. The Oxford murders est le premier film qu’Alex tourne en anglais, et on sentait, au début du tournage, qu’il avait un peu peur.

 

C : Pouvez-vous nous livrer vos impressions sur ce que vous avez déjà vu, ici, au BIFFF ? Est-ce que vous sentez une originalité dans les films vus jusqu’ici ? 

D.P. : J’ai le droit de rien dire ! Je ne connais pas très bien le genre, mais je constate qu’il y a souvent des trucs récurrents de film en film. J’attends d’être surpris…

 

 

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