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Cages d’Olivier Masset-Depasse

Publié le 01/01/2008 par Katia Bayer / Catégorie: Sortie DVD

Après avoir tourné dans différents festivals et en salle, le premier long métrage d’Olivier Masset-Depasse, Cages, sort aujourd'hui en DVD. Cinéart et Twin Pics sont les artisans de cette reconversion accompagnée de bonus divers : deux courts métrages du réalisateur, une interview des comédiens, et un commentaire audio réunissant une partie de l’équipe du film.

 

Cages d'Olivier Masset-Depasse

 

« Jusqu’où iriez-vous par amour ? » : telle est la question formulée dans la bande-annonce de Cages et reprise en en-tête du DVD. Il y a Eve (Anne Coesens), il y a Damien (Sagamore Stevenin). Il y a aussi Léa (Micheline Goethals). Les deux premiers ont traversé ensemble les années en construisant leur histoire d’amour. Mais depuis quelque temps, si Eve est présente physiquement, elle est absente dans les mots. Suite à un accident de la route, elle est atteinte d’un bégaiement d’origine psychologique. Son œil vert est en détresse. Elle sent qu’elle perd son homme à cause de sa difficulté de communiquer et du regard bleu de Léa. Et elle, jusqu’où ira-t-elle par amour ?


Au-delà de cette histoire de lutte, de dépossession et d’enfermement, Olivier Masset-Depasse, offre à son spectateur du cinéma sensoriel et humain abouti, dans la lignée de ses deux courts métrages, Chambre froide et Dans l’Ombre.

L’émotion de Cages s’offre grâce aux compositions de ses comédiens mais aussi à l’assemblage de la texture de l’image, de l’agencement du cadre et de l’intériorité du son et de la musique. En particulier, l’alternance de plans flous et nets, de longues focales et de plans serrés, de ralentis et d’accélérés permet de s’approcher pertinemment de l’intériorité des choses. Pourtant, si le travail sur la lumière est très détaillé, il est bien moins verbalisé que pour les courts métrages.

 

Le réalisateur le confirme dans le commentaire audio du DVD mené conjointement avec son producteur (Jacques-Henri Bronckart), son directeur photo (Tommaso Fiorilli) et son concepteur sonore (Marc Bastien) : « Avec Dans l’Ombre, on a essayé beaucoup de choses qui ont nourri Cages.
Le court métrage, c’est le lieu de recherches et de tentatives. Il y a une vraie continuité entre les deux, mais on a cherché, pour le film, à être plus accessible, lumineux et solaire que pour les courts. »

Mais si les courts - surtout le deuxième - expérimentaient déjà les possibilités techniques et les effets visuels tout en assumant une certaine noirceur, Cages est plutôt du côté clair. Si les scènes d’intérieur sont tendues par les huis clos et les gros plans sur les visages crispés, celles de l’extérieur, sur les falaises du Cap Blanc-Nez, offrent une respiration. « J’aime mélanger le côté rugueux et organique de l’image mais embelli par la douceur. Tout le film a été travaillé dans le contrepoint. Les situations sont loin d’être drôles, mais l’environnement extérieur est chaleureux. La lumière douce permet d’entrer plus facilement dans une scène a priori dure. » explique le réalisateur.

 
Pour l’anecdote, à l’origine, ce contraste n’était pas total. Dans la première version du scénario, le tournage devait s’enraciner en partie dans un terril, mais avec la logique de la coproduction avec la France, via le CCRAV (Fond d’aide régionale du Nord-Pas-de-Calais), il s’est déplacé dans ces fameuses falaises vertigineuses. « On a vu les falaises et on a compris l’importance du contrepoint. Filmer dans un terril aurait été du ton sur ton avec cette histoire de cloisonnement. Le côté solaire et ouvert de l’environnement a donné un souffle au film et des moments bénéfiques du fait de cette impression d’étouffement dans les autres espaces. » ajoute Anne Coesens. Pour son jeu dans le silence donc dans le corps, la comédienne, « alter ego féminin de son réalisateur » présente dans tous ses courts, a rencontré des logopèdes et des aphasiques et s’est nourri de détails : une voix, un mouvement, une ambiance. Avant la version définitive du scénario, elle a eu le temps de « rêver au personnage » pour le construire petit à petit.
 
Dans son interview, Sagamore Stévenin, parle, lui, de son intérêt en tant qu’homme d’avoir découvert cette histoire de désespoir absolu et féminin. Coutumier de la spontanéité, le comédien, dont Cages représente une première collaboration avec Olivier Masset-Depasse, a dû apprendre à décortiquer chaque scène, intention et couleur du film. « Devant les deux courts d’Olivier, j’ai compris qu’il avait un vrai univers et un vrai langage cinématographique. Il a besoin d’une précision du ton, de la lumière, de l’axe, du lieu. C’est une des premières fois où j’ai mis de côté ce que j’étais et ce à quoi j’étais attaché. C’est un exercice intéressant et étrange. Il fallait que je sois le plus proche de ce qu’il avait en tête. C’est complexe car il y a des différences entre la réalité papier du scénario et le monde intérieur du réalisateur. (…) Je suis intéressé par ce filtre qui permet à Olivier de voir la réalité, les sensations, l’amour et la passion mais aussi par son aspect punk christique ! ». 
 
Deux adjectifs inattendus s'ajoutant à ceux retenus sur le film : fort, instinctif, extrême, tourmenté, passionné, noir, romantique et psychologique.

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