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Critique lauréate de Ça rend heureux par Gaëtane Mangez

Publié le 01/05/2007 / Catégorie: Critique

Un film pour du vrai
Film dans le film, acteurs face à leurs propres rôles dans la vie : Joachim Lafosse joue aux poupées russes pour mettre le cinéma en question.

Premières images ternes et secouées. La caméra traque le visage pâle de Fabrizio Rongione, déjà vu dans Rosetta. Un rendez-vous à l’Orbem, une dispute de couple qui sonne faux. Encore un film belge à petit budget, social et ennuyeux ? Pas si vite. On devine une intention derrière les choix peu esthétiques du réalisateur, Joachim Lafosse. Une question plutôt : La vie sans fards ni paillettes vaut-elle un film ? Le public peut-il apprécier autre chose que du faux et du surjoué ? Confronté à ses désirs de beau et de romancé, le public se remet en question et accepte les règles du jeu.

On n’aura pas droit à de belles images policées, pas de musique romantique, pas de drame, même pas une belle scène d’amour. En échange, l’obstination d’un cinéaste à réaliser un film ayant pour thème : son quotidien. Ce sera donc l’amour en petit, peu sûr de lui et sans effusions. Les fous rires de deux hommes bourrés. Et les coups de gueule d’un couple sur le fil.
Mais il faut admettre que tout cela sonne juste. La petite équipe qui se met en place autour du projet de film de Fab (Fabrizio Rongione) se compose de gens ordinaires. Un producteur hypersensible sans le sou, une perchwoman frustrée, une maman qui a besoin d’air et une ‘ex’ qui ne manque pas de franc-parler. Dans le rôle d'Anne, plus vraie que nature, Catherine Salée fait rire aux éclats. Autre atout de ce casting très varié : le savoureux mélange d’accents et de langues nationales, sans l’ombre d’un conflit. Dat maakt je blij.
À pas de loups, le réalisateur lui-même entre dans son film. Il amène des questions, donne une perspective à son travail. Les niveaux de récits s’entremêlent, créant la confusion chez les acteurs-techniciens. Non sans humour, les jeux de miroirs se mettent en place. Les acteurs sont amenés à parler d’eux-mêmes, sous le couvert de leur personnage. La réflexion sur le cinéma, miroir de la vie, est posée. Fab demande un retour sur son scénario. Et c’est une vague de critiques qui lui tombe dessus. Si la scène est un peu longue et appuyée, elle permet à Lafosse de le dire de mille façons. Il s’auto-critique pour mieux s’en défendre : le cinéma le rend heureux. 
C’est donc avec bonheur que Joachim Lafosse signe un film simple et juste. Obstinément, le jeune réalisateur belge casse le mythe du septième art pour le remettre, en petits morceaux certes, à hauteur du public. Comme il semble humain ce petit cinéma plein de complications et de soucis de tournage. Qu’il est éloigné des images qu’on s’en faisait. Modeste, léger, réaliste, inattendu, savoureux et drôle… C’est du bon et, sans l’ombre d’un doute, c’est du belge.

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