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Prix des Jeunes critiques : ouvrir le désir de cinéma plutôt que de le cadenasser.

Publié le 07/05/2007 par Katia Bayer / Catégorie: Dossier

Surréaliste et répétitive, l’idée selon laquelle le cinéma belge a bonne réputation hors de ses frontières mais demeure simultanément méconnu sur son propre territoire ? Ce constat n’épargne pas le spectateur de demain : celui-ci  dédaigne les productions belges d’hier et d’aujourd’hui quand celles-ci sont récompensées dans des festivals internationaux et exigeants. Pour tenter de réconcilier nos boudeurs juvéniles avec la cinématographie nationale, nous leur proposons depuis trois ans, à travers un concours, une épreuve particulière : la critique d’un film imposé, avec à  la clé, un séjour à Cannes. Après La Femme de Gilles de Frédéric Fonteyne et L’Enfant de Luc et Jean-Pierre Dardenne, le film retenu cette année fut Ça rend heureux de Joachim Lafosse.

Pour imaginer un rapprochement entre le jeune public et l’autre cinéma (celui qui évoque le singulier, le rêve, l’artisanal, le questionnement de soi), nous avons initié, il y a trois ans, le Prix des jeunes critiques à travers lequel nous demandons aux 17-23 ans leur appréciation, par écrit, d´un film belge. A quelle fin ? Confronter des spectateurs à des réalisations fortes qui suscitent en eux des interrogations, des émotions et des réactions. Un déclic ? Un début de cinéphilie ? Et pourquoi pas ? Après tout, à Cinergie, nous sommes convaincus qu’il est possible d’animer la curiosité d’êtres qui ont la réputation de se référer par facilité et influence aux titres pop-corn.
Dans la note d’intention de notre concours, nous écrivions déjà ceci : « (…) Nous entendons mettre en place un projet qui développe l’esprit critique et l’esprit créatif de cette tranche d’âge. Nous proposons d’animer le webzine de Cinergie.be avec des concours afin d’éveiller les nouvelles générations à un monde différent : avec un cinéma singulier, notre cinéma en particulier. Nous avons en effet la chance, en Belgique, de produire les films artisanaux qui ressemblent davantage à des prototypes qu’à des produits industriels formatés. Bref, un cinéma de plus-value artistique. » A nos côtés, des partenaires tout comme nous engagés en faveur d’un cinéma et des œuvres de qualité : le Commissariat général aux relations Internationales (CGRI), la Libre Belgique et la Communauté française de Belgique.
Et comme il y a rarement d’opération originale sans cadeaux épatants, le Prix s’accompagne de livres et de DVD sur le cinéma belge avec comme sacré bonus pour le gagnant : une publication de son texte gagnant (sur Cinergie et dans la Libre) et surtout une accréditation pour profiter pendant cinq jours du festival de Cannes et en ramener un reportage. Chic ? Oui, chic.
En 2004, le concours portait sur La Femme de Gilles que nous avions choisi pour sa beauté et ses silences mais aussi pour l'attention que porte Frédéric Fonteyne à l’éducation au cinéma.  Malgré la nouveauté et la difficulté de l’opération, la qualité et la quantité de réponses nous a prouvé qu’il restait des jeunes cinéphiles en Belgique. Pour l’édition suivante, actualité et coup de cœur oblige, L’Enfant fut retenu par le jury. Avec succès, les plumes et les claviers ont prouvé que leurs auteurs associés avaient des opinions au sujet d’un film et ne se gênaient pas pour l’exprimer.
Cette année, nous avons sélectionné Ça rend heureux de Joachim Lafosse pour ses qualités cinéphiliques et existentielles. Les questionnements d’un artiste face à la création, à sa vie privée et à une société conditionnée par le parcours professionnel, nous semblaient suffisamment pertinents pour recueillir les points de vues éclairés d’un public qui est en pleine recherche de soi-même. Et on ne s’est pas trompés : les jeunes pousses critiques ont réagi positivement devant les intersections entre la Vie et le Cinéma. Une nouvelle fois, les textes reflètent une vigilance quant à l’histoire et ses valeurs, à l’esthétique de l’image et au jeu d’acteurs avec, en filigrane, des petites touches très personnelles. A se demander si le cinéma est une révélation pour ces jeunes ou si leur sens de l’observation ne guettait qu’une plateforme d’expression plus large dans laquelle s’accomplir. Encourageant, ce fameux public de demain, non ?

 

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