« La vérité subsiste éternellement. » (Blaise Pascal)
DVD de 38 témoins, un film de Lucas Belvaux
Le Havre, une ville reconstruite après la guerre 40-45. Une ville portuaire dans laquelle les bateaux sont plus grands que les immeubles, au point de boucher la perspective vers la mer. Une nuit, une jeune fille est poignardée en bas de l'immeuble. La police enquête, mais personne n'a rien vu et rien entendu dit-on. Il s'agit du pacte du silence d'une communauté qui a entendu les cris atroces de la jeune fille assassinée, près de chez eux mais qui ne veut pas en supporter les conséquences. Le mensonge semble se consolider ad vitam aeternam, lorsque surgit une journaliste particulièrement futée qui pratique le journalisme d'investigation. Elle interroge donc tous les habitants de l'immeuble où se sont déroulés les faits. Elle tombe sur un homme probe, Pierre, un officier de la marine marchande, pilote au port du Havre qui pense que la vérité et l'intégrité sont plus importantes que le mensonge. Pierre affronte la vérité au milieu d'une espèce de no man's land dans lequel vivent 38 témoins qui, au contraire, préfèrent défendre leur mensonge pour préserver la paix des familles. Celle de Pierre va prendre un sacré coup… il perdra sa femme.
L'enquête est relancée. La séquence finale du film nous montre la reconstitution symbolique du crime. Tout le monde s'y trouve confronté, les acteurs, le cinéaste et les spectateurs dans la salle.
Nous sommes projetés dans la banalité du mal, comme nous l'a expliquée Hannah Arendt. « L'efficacité de la tromperie et du mensonge dépend absolument de la notion claire de la vérité que le menteur et le trompeur entend dissimuler. En ce sens, la vérité même si elle ne s'impose pas publiquement, possède en regard de tous les mensonges une inaltérable primauté. » (1)
C'est ce que Pierre a compris. Il préfère la vérité et la solitude plutôt que vivre dans le secret-défense trompeur de sa communauté portuaire. Le secret étant d'autant plus redoutable qu'il ne résiste qu'à une durée limitée dans le temps. (2)
Lucas Belvaux, le réalisateur, a expliqué que ses références cinématographiques – depuis plusieurs années, insiste-t-il – sont Fritz Lang (M. le maudit) et John Ford (L'homme qui tua Liberty Valence). La vérité, ses dissimulations et ce que cela provoque dans une communauté.
(1) Hannah Arendt, Du mensonge à la violence, édition Pocket.
(2) Socrate nous dit : « Je préférerais de beaucoup que le monde entier soit en désaccord avec moi et parle contre moi plutôt que de me trouver moi, qui suis un, en désaccord avec moi-même et de me contredire. » Platon, Gorgias -482, cité par Hannah Arendt in La crise de la culture, éd., Folio/essais.
38 témoins de Lucas Belvaux, édité par Cinéart, diffusé par Twin Pics