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Entrevue avec Denis Podalydès

Publié le 01/04/2003 / Catégorie: Entrevue
Entrevue avec Denis Podalydès

Un parfum d'enfance

Au mois de juin, sortira sur nos écrans Le Mystère de la chambre jaune qui sera suivi, un peu plus tard, par Le Parfum de la dame en noir, tous deux réalisés par Bruno Podalydès. Coproduit par Wallimage, cette nouvelle mouture cinématographique de l'œuvre de Gaston Leroux comportera également des comédiens et des techniciens belges dans sa distribution.
Dans l'entretien qui suit, l'acteur Denis Podalydès, co-scénariste du film et interprète du détective Rouletabille, est revenu sur l'aventure de ce tournage (qui se prolongera cet été), sur ses partenaires belges et sur les relations très étroites qui le rattachent, depuis quelques années, à la Belgique.

 

Cinergie : Comment est née l'idée d'adapter à nouveau Le Mystère de la chambre jaune et Le Parfum de la dame en noir au cinéma? Est-ce lié à des souvenirs de lecture chez vous ou chez Bruno, votre frère ?
Denis Podalydès : C'est vraiment une idée de Bruno. C'est sa tintinophilie qui s'exprime en plein à travers ces films. Mais son amour de l'œuvre d'Hergé est telle qu'il ne voulait pas faire Tintin ! Il est un peu comme ces proustiens qui ne supportent pas que l'on adapte Proust au cinéma. L'œuvre de Gaston Leroux lui offre un vrai terrain où épancher sa passion pour Tintin, un lieu où il peut donner une forme à ça à travers un autre personnage, Rouletabille, qui est Tintin sans l'être. Et puis, dans l'absolu, il y a l'envie, pour Bruno, de tourner un film policier, renforcé aussi par le désir que nous partageons tous les deux, de sortir des œuvres autobiographiques qui forment notre filmographie commune à ce jour. Donc il y avait le désir de rompre avec ça et d'entrer dans un univers romanesque qui nous offre la possibilité de rencontrer d'autres acteurs. Avec aussi la conscience que dans les personnages d'une œuvre populaire comme Le Mystère de la chambre jaune, nous pouvions apporter des choses qui appartiennent à nos univers personnels.

Mon frère a teinté le film d'énormément d'humour, un humour qui n'est pas forcément dans les romans. Il en a vraiment fait une adaptation car c'est lui qui s'est chargé de la partie la plus importante du travail. Le Mystère sort en juin et Le Parfum sera tourné cet été. Bien entendu, le second film est la suite directe de l'autre et se termine par la mention : à suivre…, mais on peut les voir indépendamment, un peu à la manière de Smoking/ No Smoking où la vision de l'un n'entraînait pas obligatoirement la vision de l'autre. D'ailleurs, en parlant d'Alain Resnais, Bruno a mis dans Le Mystère, et ce ne sera pas différent dans Le Parfum, tout l'amour qu'il éprouve pour son cinéma. On y retrouve, par exemple, quelques-uns de ses acteurs fétiches, Pierre Arditi, Sabine Azéma, Claude Rich… Resnais a été très sensible à ça, ils se sont beaucoup appelés avec mon frère, ils ont beaucoup parlé ensemble. Au début, bien entendu, Bruno a été terrassé d'émotion, puis il s'est un peu décoincé… Voilà, c'est un nouveau champ d'investigation pour nous mais il y a toujours ce parfum d'enfance qui " passe " dans nos films. Et puis c'est une plongée dans la pure fantaisie...

 

Cinergie : Deux frères qui travaillent à faire le même film n'ont-ils pas la tentation de s'isoler, de rester, en quelque sorte, entre eux ?
D.P. :
Je ne crois pas. En tous les cas pas entre Bruno et moi. Il y avait, au contraire pendant le tournage quelque chose d'extrêmement ouvert et de très familial. Quelque chose de vraiment très, très humain. Une entente plus que parfaite entre comédiens, équipe technique...

 

Cinergie : Les comédiens que vous venez de citer sont des gens connus pour être très chaleureux…
D.P.
: Oui, oui. Du coup ça a créé une sorte de famille avide de se retrouver. Il y avait aussi Olivier Gourmet, Julos Beaucarne et Michael Lonsdale, dans un rôle extraordinaire, une sorte de savant un peu fou… Olivier était génial. On va le découvrir dans ce film sous un tout autre angle. Il y est très drôle, mais aussi très émouvant. C'est vraiment un acteur très surprenant, très aérien, pas du tout comme on a l'habitude de le voir. Pour moi, Olivier, ça été une révélation. Les autres acteurs, je les connaissais, je les admirais. Mais Olivier Gourmet, je l'avais seulement vu à l'écran, d'abord dans La Promesse et puis dans d'autres films où il m'a toujours beaucoup impressionné. Mais là, devant son travail, c'était …

 

Personnellement, je pense que c'est l'un des seuls acteurs de langue française qui, aujourd'hui, soit digne des grands acteurs américains. Il est fascinant. Et en même temps, on ne peut pas le cerner complètement. On a passé des semaines ensemble, dans un château : tous les acteurs logeaient là. Nous prenions nos repas ensemble, nous nous promenions dans le parc ensemble. Olivier n'était pas en permanence avec nous, car son rôle est plus épisodique que celui d'autres comédiens. Alors, il venait, il repartait. Mais toujours avec ce mystère, cette profondeur, cette intensité…

 

Cinergie : En parlant de comédiens, avez-vous un comédien-référence, quelqu'un qui vous aurait influencé en particulier ?
D.P. : On me parle toujours de Tati ou de Buster Keaton, qui sont des gens que j'ai découvert ou redécouvert sur le tard, avec leur comique physique, très impressionnant. Mais si j'avais un nom à citer, ce serait celui de Peter Sellers. Et pourtant, je n'aime pratiquement aucun de ses films. Enfin, sauf un, bien sûr : La Partie. Oui, celui-là je l'aime beaucoup évidemment. Mais par contre, les Panthères roses, je ne les aime pas trop… Mais La Partie… Et Docteur Folamour, j'allais presque oublier ! J'ai écrit un jour un texte là-dessus, sur Peter Sellers dans Docteur Folamour. Un acteur extraordinaire ! Dans les grands comiques, j'aime surtout les Anglais, John Cleese… C'est ça mon trio de tête: Peter Sellers, John Cleese, Buster Keaton. Tati, je l'aime énormément mais c'est une découverte plus tardive. Quand j'étais adolescent, c'est surtout les acteurs de théâtre qui m'impressionnaient, pas tellement les acteurs de cinéma.

 

Cinergie : Quant on pense à vous enfant, on imagine volontiers un petit lutin rieur, amateur de farces, ce qui ne correspond sans doute pas à la réalité.
D.P.
: J'étais plutôt un enfant grave. Mais ça dépendait, j'avais des moments comme ça, très, très ludiques avec mon frère. A l'école aussi où je m'excitais énormément, où je m'agitais beaucoup, mais jamais sur commande. Je n'ai jamais pu faire ça sur commande. Mais la plupart du temps, j'étais extraordinairement rêveur. Et timide, surtout auprès des petites filles. Rêveur et timide. Je me rappelle que ma maîtresse s'était plainte à ma mère, en disant qu'il était impossible de me faire toucher terre. Ma mère s'était un peu inquiétée et ses questions m'avait plongé dans un abîme de réflexion. J'étais aussi très observateur… Enfin, rien de particulier : un enfant normal parmi les autres.

 

Cinergie : Vous êtes particulièrement attaché à la Belgique.
D.P.
: En effet, ma compagne n'est autre que Françoise Gillard (ndr, sociétaire, tout comme Denis, de la Comédie française), votre compatriote. Ce qui fait que je viens régulièrement en Belgique. Moi qui ne lis pas ce qui s'écrit sur moi, je peux compter sur mes beaux-parents pour me faire un compte-rendu des articles me concernant. Mais j'aimerais avoir plus de temps pour découvrir Bruxelles, une ville dont j'apprécie l'atmosphère.

 

Gilda Benjamin

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