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François Marache Courts Mais Trash 2023

Publié le 20/01/2023 par Malko Douglas Tolley et Marwane Randoux / Catégorie: Entrevue

Après avoir animé le cinéma Aventure l'an dernier, le Brussels Independent Short Film Festival ou Courts Mais Trash pour les intimes revient du mardi 24 au samedi 28 janvier 2023 aux Riches-Claires. Cinergie est allé à la rencontre de François Marache, fondateur, organisateur mais également présentateur de ce festival qui constitue un des premiers grands rendez-vous cinéma de l'année 2023 à Bruxelles.

Cinergie : De la quantième édition s'agit-il et quelle est la principale évolution depuis les débuts

François Marache : Le Courts Mais Trash a commencé le 1er avril 2005. J'avais réalisé un film et je voulais le montrer en salle. J'ai décidé de lancer un appel aux films et j'en ai reçu une douzaine. C'est comme ça que tout a débuté et nous en sommes désormais à notre 17e ou 18e édition. À l'époque, il n'y avait pas de critères, hormis le fait que le film devait être indépendant.

On s'est fait connaître progressivement. L'évolution technologique avec l'internet, et désormais des applications comme Film Freeway, a permis aux réalisateurs de soumettre les films en ligne. C'est bien évidemment un changement énorme puisqu' avant on recevait des DVD et même des VHS parfois.

C'est donc le nombre de films parmi lesquels on doit faire notre sélection qui constitue l'évolution la plus importante depuis 2005. On a reçu énormément de films d'Australie cette année par exemple. Mais également des productions belges, françaises et d'un peu partout dans le monde.

Un autre changement pour cette édition est que le festival débute désormais le mardi et se clôture le samedi. On voulait clôturer sur la fête le samedi car c'est aussi ça l'esprit du Courts Mais Trash. C'est Bérenger 2000 qui va venir jouer pour la closing après les projections.

 

C.: Qu'entend-t-on par « Trash » ? À quoi doit-on s'attendre quand on vient dans un festival qui se dit « Trash » ?  

F.M. : « Trash » doit être compris comme alternatif ou pas produit selon les normes habituelles du cinéma, que ce soit au niveau de l'écriture ou de la production. Il s'agit de films que l'on met un peu sur le côté dans le circuit classique. Ce sont des productions qui sortent des sentiers battus. Des projets parfois réalisés dans l'urgence, de manière alternative, indépendante et aussi underground.

On propose bien entendu la séance Courts Mais Super Trash qui cartonne chaque année. Mais il y a également d'autres séances ouvertes à des publics variés dès 16 ans, voire 14 ans. Pour ces séances, il s'agit de films auto-produits de manière indépendante beaucoup moins « Trash ».

 

C. : Quels sont les critères qui font qu'un film est considéré comme indépendant ou non ?

F.M. : Dans nos critères de sélection, on prend des films auto-produits. Que ce soit du crowdfunding ou des films réalisés sur des téléphones sans budget dans certains cas. On va plus facilement recaler des films qui ont reçu des subsides étatiques ou privés. On vise vraiment à valoriser les démarches alternatives avec des films faits à la maison jusqu'aux films plus écrits et construits, mais avec des moyens limités.

 

C. : Comment postuler pour la prochaine édition du festival ?

F.M. : Notre appel à films débute le lendemain de la clôture du festival. Le règlement se trouve sur le site. Beaucoup de gens utilisent l'application Film Freeway de nos jours. Comme je l'ai déjà dit, on reçoit énormément de films et on est un peu victime de notre succès sans pour autant s'en plaindre pour autant. Cette année, j'ai reçu près de 800 films à la louche. Alors, on fait déjà une sélection parmi ceux-là mais ça représente énormément de films à visionner.

Mais c'est ma passion et j'adore me rendre dans des festivals et aller à la rencontre des films en salle également. Je reste persuadé que l'expérience collective de la salle n'est pas la même que celle à la maison ou devant son pc, voire son smartphone. Je me rends par exemple au festival porno de Berlin pour la Courts Mais Super Sex. À cause ou grâce à la pandémie, il y a également beaucoup de festivals en ligne. J'ai découvert plusieurs sélections comme celle de Los Angeles ou encore le génial City Underground Film Festival de Sydney par exemple. On a également un réseau entre festivals qui s'est constitué avec le temps.

 

C. : Quelles sont les collaborations actives avec d'autres festivals en Belgique ?

F.M. : Pour les malchanceux qui vont rater le festival en janvier, il y a quelques séances de rattrapage durant l'année. On est invité dans d'autres festivals pour proposer des films car on est souvent un beau complément à leur programmation habituelle. On propose une carte blanche au Brussels Short Film Festival qui a habituellement une programmation de films plus subventionnés et à vocation plus sociale. On a également une séance au BIFFF qui cartonne depuis de nombreuses années.

 

C. : Après des années aux Riches-Claires, vous avez déménagé au Cinéma Aventure mais vous avez également mis en place des collaborations avec le Palace avant la pandémie. Qu'en est-il cette année ? Vous ne commencez pas à vous sentir à l'étroit ici, vu votre succès grandissant ?

F.M. : On a débuté ici et c'est le fief historique du festival où se trouve l'âme du festival. C'est un théâtre et aussi un lieu convivial où les gens se rencontrent au bar après les projections. Les réalisateurs sont également présents. C'est un vrai festival et pas juste une séance de cinéma et puis hop retour à la maison. On voulait vraiment revenir aux Riches-Claires car le festival évolue et on est très bien ici, d'autant plus que désormais il y a une deuxième salle accessible à l'étage. Toutes les séances de la salle principale vont être dédoublées dans la salle Marion à l'étage.

 

C. : Qu'en est-il de la collaboration mise en place avec des écoles ?

F.M. : L'an dernier, à la demande de professeurs, on a décidé de mettre en place des séances scolaires pour un public de 16 ans et plus avec des thématiques adaptées aux jeunes et aux étudiants. C'est Isabelle Mbuyamba qui présente les séances avec beaucoup d'énergie. On est très content car 200 élèves vont venir cette année. On montre autre chose que les Marvel ou les grosses productions cinéma habituelles aux jeunes et ça peut créer des vocations. Ils voient qu'on peut réaliser des choses avec très peu de moyens. Qu'on peut faire du cinéma autrement. Et puis ça éveille les jeunes aux courts-métrages et ça renouvelle le public. On a d'ailleurs un public qui se renouvelle bien également avec beaucoup de nouvelles générations qui découvrent le festival chaque année. Ils voient des trucs un peu chelous mais ça leur plaît. Les séances scolaires sont suivies de débats avec les professeurs et les élèves. C'est vraiment super sympa.

 

C. : Pouvez-vous nous dire ce qu'il se cache derrière ces noms mystérieux que sont Born to be Cheap ou encore Courts Mais Trash Deluxe ou encore Courts Mais Super Sex ?

F.M. : En ce qui concerne la compétition internationale, ce sont les séances avec les films qui ne collaient pas à un thème spécifique, avec aussi nos inclassables. Ce sont des films d'un peu partout (USA, Australie, Finlande, UK), mais cette année ça marque également le retour des films français.
On a également une séance Anime Trash avec quelques belles pépites.
La Female Trouble est une séance qui a beaucoup de succès. On l'a mise en place il y a 5 ans environ. C'est l'occasion de mettre en lumière les réalisatrices. On essaie autant que possible d'avoir une parité de genre, même si ce n'est pas toujours facile car on reçoit beaucoup moins de projets de réalisatrices. On essaie de sensibiliser les réalisatrices à nous envoyer leurs films en leur accordant un espace spécifique même si les réalisatrices sont présentes dans l'ensemble de nos séances.

La Courts mais super WTF ?! est une séance mythique du festival. C'est le labo où l'on voit des trucs complètement barrés mais toujours très créatifs. Il n'y a pas besoin de fumer pour tripper si l'on vient à cette séance. C'est visuellement très puissant. Peut-être moins narratif mais complètement barré.

La Born To Be Cheap est la séance consacrée au meilleur film fauché. C'est un appel à la créativité pour les réalisateurs qui n'ont pas de budget. Soit avec leur téléphone, soit par un montage d'images qui existent déjà. On a un film cette année qui est réalisé avec une chaise en plastique. C'est un peu expérimental et il se moque un peu du cinéma d'auteur. Mais ça ne lui a rien coûté du tout et c'est drôle comme film et voilà. La sélection de cette année reprend T'inquiète des frères Guit. Ils avaient réalisé Fils de Plouc qui a gagné le Grand Prix au Courts Mais Trash. Cette récompense a été un tremplin pour eux et on est très fier de ça. C'est la première internationale de leur nouveau projet et on est très content de les revoir.

La Courts Mais Super Sex, c'est la séance qui cartonne le plus. C'est l'occasion de montrer des films explicites ou pas. La séance commence par de l'animation sur la bisexualité. Il y a des films pour rigoler mais également des films explicites sur des thématiques difficiles. On n'a pas que du soft porn et des trucs rigolos, mais également à la fin des films avec des gros plans...

Pour les gens peu habitués au porno et moins ouverts à la sexualité libérée, il faut être averti car c'est probablement la séance la plus trash du festival. La séance est interdite aux mineurs et il faut avoir un esprit assez ouvert pour assister à cette séance. Mais ça reste quand même très amusant. Parfois on regarde le sol pendant quelques instants et on respire un grand coup et ça va mieux.

La grande nouveauté de cette année est la Courts Mais Trash Deluxe. On a décidé d'avoir une ouverture vers un cinéma plus financé et plus produit, mais toujours avec des thématiques audacieuses ou un traitement underground et décalé. On a sélectionné 3 films Made in France cette année. Parmi ceux-ci, Les Démons de Dorothy d'Alex Langlois. C'est un film Queer de 29' en lice pour les Césars. Une ambiance très drôle et barrée avec des références intéressantes. On s'autorise des formats un peu plus longs pour cette séance. Le second film proposé est Trac d'Alexandre Leroy. Et ensuite il y a Mantra de Stef Meyer & Pascal Bourrelier. On est ravi d'avoir ouvert une nouvelle porte d'entrée pour ce type de réalisations dans le festival.

 

 C. : Au niveau de la compétition nationale, et donc des productions belges, qu'avons-nous à nous mettre sous la dent cette année ?

F.M. : Cette année on a beaucoup de chance pour la compétition nationale et on a reçu beaucoup de films. On va donc organiser deux compétitions. On a reçu des films de l'Institut des Arts de Diffusion (IAD) qui marque son grand retour. Mais également des films de LUCA ainsi que de La Cambre. On a 3 films de la Cambre qui sont super avec toujours beaucoup de créativité, de couleurs et d'énergie. De l'IAD, Casse couille, de Philémon Antoine, est un de mes films préférés du festival. Il correspond vraiment à l'image du festival avec une thématique qui touche. C'est un film où il y a beaucoup de tension et qui met mal à l'aise. Je vais pas spoiler plus mais c'est vraiment très bien joué et maîtrisé à tous les niveaux.

Louis & Jeanne d'Amaury Fontaine Bouma est un autre film marquant de la sélection nationale. C'est un film qui parle de l'inceste. J'ai l'impression qu'avec les années, on est de plus en plus politiquement correct. On ose moins ou plus dire les choses ou aborder certains thèmes. Le monde est devenu trop consensuel et les gens ont du mal à sortir de leur zone de confort. Puis, j'ai reçu ce film et je me suis dit waouh, c'est audacieux, ambigu, particulier.

On a également La Pote d'un pote, de Julien Henry avec le duo Dewaels-Taquin. C'est un film auto-produit et ça correspond bien à l'esprit du festival.

Il y a également La Cerise sur le gâteau, de Chloé Farr, qu'on a pu voir à Anima dans le passé. Il date un peu mais avec la pandémie, il n'a pas eu beaucoup de diffusion en salles. Chloé a d'ailleurs un autre film génial dans la programmation. Au revoir Jérôme qui passe lors de l'ouverture du festival et qui cartonne déjà un peu partout où il a été diffusé.

Et on aborde aussi différentes thématiques comme l'écologie ou le féminisme. On tente souvent de garder une dose d'humour et une approche décalée dans le choix des films. L'opening est une sorte de « best of » des films qui tournent dans de nombreux festivals comme Fantasia ou l'Underground Festival par exemple.

Pour réserver des tickets pour le Brussels Independent Short Film Festival ou Courts Mais Trash, ça se passe sur le site des Riches-Claires. Le Pass Mais Trash 5 donne accès à 5 séances partageables pour un tarif avantageux.

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