Un premier long métrage est toujours une aventure délicate. Au désir de bien raconter une histoire, s'ajoute la nécessité de convaincre la production, la distribution, la presse et surtout le public qui vous découvre à peine. Pour la première partie qui lui incombe, John Shank a mis tous les atouts de son côté; lieu de tournage aux paysages grandioses, image sculptée par le scalpel aérien de Hicham Alouie, comédien au physique brut, Vincent Rottiers, musique « organique » signée DAAU et sujet universel, la transition du présent, entre passé et avenir. Le résultat est prometteur. On y aperçoit l'art de la narration, la capacité d'exprimer des sentiments aussi intimes et contradictoires que la solitude, la pugnacité et le désarroi. La crainte d'être confus ou le désir d'être épuré ont resserré la trame sur une question de rentabilité, devant laquelle les utopies humaines sont ébranlées.
Pris au piège d'un héritage lourd à défendre Johann (Vincent Rottiers), se démène entre raison et passion. Jeune éleveur de bovins dans l'Aveyron, entouré d'anciens lassés par des méthodes de travail qui ne font plus leurs preuves, il défend, envers et contre tous, un idéal qu'il peine lui-même à réaliser. Résistant devant la fatalité, il préfèrera disparaître la tête haute que le dos courbé.
John Shank a pris le parti de réaliser un film et non de raconter une histoire. L'Hiver dernier est un vrai film de cinéma, à découvrir sur grand écran pour la beauté et la profondeur de son image. On attend ses œuvres à venir avec impatience. La maturité a aussi ses qualités.