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La forêt de mon père de Vero Cratzborn

Publié le 30/07/2020 par Marine Bernard / Catégorie: Critique

La Forêt de mon père est le premier long-métrage de Véro Cratzborn qui aborde les troubles psychiques. Un sujet complexe, souvent tabou, avec lequel elle a appris à composer depuis son enfance. Loin d’être le témoignage d’une vie, ce film interroge le public sur la frontière entre normalité et folie dans la sphère familiale. Pour parvenir à une dimension universelle du sujet, elle a mené beaucoup de recherches, organisé différentes résidences d’artistes et s’est entourée de professionnels de la santé mentale. Après avoir été projeté au FIFF de Namur, puis lors du Ramdam Festival de Tournai, La Forêt de mon père sort en salles ce 15 juillet 2020.

Gina, 15 ans, est l’aînée d’une famille composée de trois enfants qui habite dans un appartement situé en lisière de forêt. Omniprésente tout au long du film, la forêt incarne un véritable personnage teinté d’ambivalence. D’une part, elle est un lieu qui permet la fuite et le refuge face à une société normalisée étouffante. D’autre part, elle peut devenir un lieu angoissant qui joue avec nos repères. Gina est proche de son père Jimmy, imprévisible et obstiné. Présence rassurante et singulière, elle semble être la seule à le comprendre et à excuser son comportement. Même sa femme, Carole, peine à le suivre. Avec une maladresse mêlée de grâce, Gina parvient souvent à canaliser ses sautes d’humeur. Jusqu’au jour où, lors d’un repas en famille, la situation bascule brutalement. La fragilité mentale de son père prend le pas sur tout le reste. Jimmy multiplie les débordements et met en péril l’équilibre familial qui ne tenait déjà qu’à un fil. De plus en plus ingérable, il est conduit contre son gré dans un institut psychiatrique où il ne peut recevoir aucune visite. Dans l’incompréhension la plus totale, l’adolescente déterminée et aimante va tout faire pour sauver son père, peu importe les situations par lesquelles elle va devoir passer pour y arriver.

La Forêt de mon pèreTout au long du film, Véro Cratzborn parvient à traiter l’irruption de la maladie mentale dans la sphère familiale avec une grande délicatesse et une sobriété implacable. Elle introduit la diversité dans les détails du film. Celle-ci vient s’immiscer dans la sensibilité des personnages, dans la sinuosité des chemins qu’ils empruntent et dans la particularité des sons qu’émet la nature. En choisissant de bousculer le quotidien d’une famille, la réalisatrice nous montre comment les troubles psychiques sont vécus de l’intérieur, dans les moments de crises comme dans les moments de joie. À travers ce film sincère et poétique, elle nous donne à voir une autre réalité sur les hôpitaux psychiatriques et, surtout, elle souligne l’obstination de notre société à vouloir constamment gommer les différences de chaque individu pour viser l’homogénéité la plus banale.

 

 

 

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