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Mirage d'amour

Publié le 06/09/2012 par Dimitra Bouras / Catégorie: Tournage

À quelques semaines de son départ pour le Chili, nous rencontrons Hubert Toint, qui règle les derniers détails du tournage de Mirage d'amour, tiré du roman éponyme de Hernan Rivera Letelier.

Hubert Toint : Tout a commencé quand j'ai coproduit le troisième film de Bernard Rapp, Pas si grave, une très chouette histoire de fratrie. Il était venu tourner en Belgique, et c'est comme ça qu'on est devenu amis avec Didier Crest, son coproducteur. Didier voulait produire un projet de Bernard Giraudeau, Mirage d'amour. J'ai directement été associé au projet. J'ai trouvé que c'était un des plus beaux scénarii que j’avais lus depuis très longtemps. On a démarré ce projet avec Saga (ndrl : la maison de production d’Hubert Toint) comme coproducteur minoritaire. Bernard Giraudeau, ayant écrit le scénario, devait le réaliser. On allait démarrer quand Bernard nous apprend qu'on lui a découvert un cancer. On a tout suspendu. On s’est mis d'accord pour que je l'aide à porter un tel projet, en tant que coréalisateur. Bernard a résisté à la maladie pendant 6 mois avant de décéder. On avait beaucoup discuté Bernard et moi sur la réalisation de ce film. C’était quelqu'un qui pouvait sembler très orgueilleux, très distant, mais moi, j'ai eu un rapport extraordinaire avec lui. Il m'a ouvert son projet, on a tout préparé à deux. Très vite, il s'est rendu compte qu'il ne pourrait pas aller sur le tournage prévu dès le départ dans le nord du Chili. On a vite compris que c'était moi qui irais à sa place. On avait même mis en place un système de communication pour qu'on puisse se parler le soir. La santé de Bernard a continué à se dégrader et il a fini par nous quitter, il y a 2 ans. Je me suis retrouvé seul avec ce projet, et j'ai décidé de le faire, en hommage à l'engagement que j'avais pris avec lui.

 

C. : Quel est au juste ce projet qui t'a tellement séduit ?
H. T. :
C'est une magnifique histoire d'amour, d'une puissance poétique extraordinaire. C'est une histoire d'amour qui se passe dans une ville minière au Chili dans les années 20, une ville champignon dans le désert d'Atacama, un désert de montagne à couper le souffle, sur fond de lutte syndicale et de répression violente. C'est épique, c'est romanesque, c'est un western, une histoire qui a du souffle, un film comme ceux que j'ai envie de voir. Le scénario est une adaptation d'un roman chilien dont l'auteur est très connu dans la littérature chilienne, Hernan Rivera Letelier. Et oui, il y a une fanfare dans l'histoire, il y a de la musique. Le sujet est très « kusturicien » dans le sens où les personnages ont une vitalité extrême. On plonge dans une époque où la vie ne coûtait pas cher et où la vitalité, certainement sud-américaine, était phénoménale. On peut penser à Cent ans de solitude, mais cela rejoint aussi le surréalisme belge. D'un film de Bernard Giraudeau, on est passé au premier long métrage d'un inconnu. Le scénario, quand Bernard le présentait, était accepté, mais ce n’est plus le cas maintenant. Par exemple, dans le scénario il y a un moment qui explique : "de bonheur, elle lévite". Elle quitte le sol, elle monte dans les airs, comme Tintin au Tibet. On quitte le réel pour entrer dans l'irrationnel, le poétique, et à ce moment-là, on voit que les gens ne comprennent plus, ils perdent leurs repères. J'ai eu du coup beaucoup de mal à financer le film en France. On le fait donc avec les moyens dont on dispose qui ne sont pas gigantesques, mais qui me permettent de faire ce que je veux. Disons que c'est un peu rock'n roll. 
L’avantage, c’est qu’il existe au Chili une ville fantôme, magnifiquement préservée, en plein désert, classée patrimoine de l'UNESCO. Tout le décor est là, planté, à ciel ouvert, on ne va pas devoir bouger pendant le tournage parce que tout se passe dans la ville.

 

C. : Ton casting est déjà fait ?
H. T. : Mon casting est en train de se faire. Le casting principal est quasiment bouclé, Marie Gillain est attachée au projet depuis le départ, depuis l'époque de Bernard déjà. Pour le père de Marie, je vais travailler avec Jean Luc Bideau et pour l'amoureux, Bello dans l'histoire, je suis en pourparlers avec un jeune acteur d'origine chilienne qui vit à Los Angeles et qui est en train de monter à Hollywood. Il a le gros avantage de parler français. Il y a un grand mélange de langues dans ce film et le français a une part importante. Les personnages principaux sont d'origine francophones. À cette époque-là, les villes comme celle-là étaient des villes champignons où les gens venaient du monde entier. C'étaient de véritables tours de Babel, on y parlait toutes les langues, chinois, allemand, anglais, espagnol, italien, etc.

 

C. : Maintenant que les dates sont fixées, que tu termines le découpage, etc., tu n'as pas trop le trac ?
H. T. : Ça va, merci (rires). Il faut comprendre que ça fait 25 ans que j'attends ce moment ! Je n'ai jamais perdu l'espoir ni l'objectif d'un jour retourner à la réalisation. C'est une prise de risque, bien sûr, mais je suis heureux.

 

C. : Est-ce que tu aurais pu prendre ce risque il y a quelques années ?
H. T. : Je ne crois pas. C'est très difficile d'être producteur et réalisateur en même temps. Je n'avais pas encore eu le sentiment que mon « aspect » producteur était suffisamment stabilisé pour lâcher le boulot pendant 6 mois. Aujourd'hui, j'ai un associé avec qui je m'entends extrêmement bien, en qui j'ai une totale confiance et à qui je peux laisser les clés de la maison pendant 6 mois sans problème, c'est essentiel et je pense que c'est ce que j'attendais en réalité. Je ne veux pas réaliser pour vivre l'expérience de la réalisation. Je suis le premier public de mon propre film. Le public pour moi est très important. J'ai envie de faire des films pour transmettre des sentiments.

 

C. : Tu pars totalement confiant avec un projet que tu adores.
H. T. : Je pars comme tout le monde dans ce genre de circonstances, avec beaucoup d'appréhension, beaucoup de points d'interrogation, et j'essaye de m'y préparer au mieux comme n'importe quel sportif face à une compétition. Mais je ne crains pas de ne pas aimer, ça m'excite !

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