Nous sommes tous des envahisseurs
Depuis plus de dix ans, Nicolas Provost investit les cimaises des galeries d’art et envahit les festivals du monde entier avec ses vidéos en forme de poèmes visuels et hallucinés. Ses courts métrages, objets bizarres, sensibles, osés, aériens, distordus ou biscornus ont raflé des prix ici, là, et là-bas encore. Le cinéaste, fort de cette expérience et de la reconnaissance publique et critique, a décidé de partir pour la grande aventure du long métrage dans les rues de Bruxelles et de Gand.
Au 19ème jour de tournage de L’Envahisseur, les camions de la production se sont garés rue Antoine Dansaert, dans le centre ville, près du canal. Ce quartier, le sien, Nicolas Provost le connaît comme sa poche, mais ce lundi après midi, il ne s’y promène pas avec sa belle insouciance un peu enfantine car il doit tout mettre en place pour que chacun trouve la sienne : acteurs, figurants, chef op, assistants, régisseur etc.
A contrario de son habituelle et solitaire trituration des images devant son écran d’ordinateur, le voici dans la rue, jouant les chefs d’orchestre pour une longue partition…. Et le problème principal est bien ce temps qui file à toute allure alors qu’on aurait envie de le retenir un peu plus pour refaire une scène, essayer un autre cadre, attendre que le soleil s’éloigne, jouer encore sur la lumière. Mais le directeur de production, Paul De Ruijter, veille à ce que le programme soit respecté en temps et en heure et pour que les tergiversations ne s’éternisent pas trop.
La scène mise en boîte aujourd’hui se déroule dans un call shop africain dans lequel le comédien principal Issaka Sawadogo ira passer un coup de fil. Dehors, les figurants poireautent devant la vitrine, dans le froid mordant, tuent le temps en fumant cigarettes sur cigarettes et en se racontant leurs anecdotes de tournages… À l’intérieur, la pièce étriquée du call shop est envahi par l’équipe qui communique sur les directions à prendre, passant allègrement du français au néerlandais et vice versa sans que cela semble poser le moindre problème à quiconque. Très concentré, Nicolas s’efforce de répondre attentivement aux questions des techniciens, avec calme, pendant que David Oeyen, le premier assistant, joue de sa douce autorité pour accélérer un peu les choses. Issaka est dans la cabine téléphonique, il joue et rejoue sa scène : « Trop gentil », « Trop rapide », « trop théâtral »… jusqu’à ce que tonne un tonitruant et libérateur « Coupé ! C’est bon, on la garde. »
L’équipe, pressée, file alors vers les Sablons pour se restaurer et nous accorder quelques minutes d’entretien dans le joli café, Le perroquet. Devant la caméra Nicolas Provost essaie de rassembler ses esprits après une journée mouvementée et Issaka Sawadogo, son acteur principal plein d’énergie, nous montre que nous sommes tous des envahisseurs.