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Ophélie Neve, Sangue Nero

Publié le 06/10/2022 par Malko Douglas Tolley et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Entrevue

La gagnante du Grand Prix court-métrage du BIFFF 2022, Ophélie Nève, se livre à Cinergie sur les motivations de ses films engagés ainsi que l’influence d’Harry Cleven (Mon Ange, Zeria) pour Sangue Nero, son film de fin d'études à l'INSAS. Cette jeune Belgo-Italienne au talent indéniable a déjà des nouveaux projets en cours. Une perspective plutôt réjouissante, vu la qualité de ses réalisations précédentes.

Cinergie : Vous avez un cinéma assez engagé me semble-t-il. Quel est le thème principal de Sangue Nero ?

Ophélie Nève : Les thèmes principaux de ce projet sont la transformation et la libération d’une situation toxique. Sangue Nero peut-être considéré comme une forme de « Coming Age », c’est-à-dire un style cinématographique qui met à jour les étapes qui vont permettre de passer de la jeunesse à l’âge adulte par exemple.

 

Cinergie : Y-a-t-il un fil conducteur entre Sangue Nero et vos courts-métrages précédents ?

O. N. : Sangue Nero est mon troisième court-métrage. J’en ai réalisé deux auparavant qui étaient également dans la thématique de l’horreur et du fantastique. J’ai systématiquement exploité des sujets féministes et qui font écho à des combats sociaux. Devil on his way (2017) met en scène une bande de filles sataniques qui émasculent des hommes en rendant hommage à Satan par des messes noires. C’est un projet beaucoup plus hardcore et gore. Sanguine (2019) relate l’histoire de deux vampires qui bossent dans un bar et l’une d’entre-elles découvre le goût du sang. Mes précédents sujets étaient plus axés sur le harcèlement sexuel et sur le fait d’être une femme dans ce monde mais avec un ton rigolo et amusant. Ce sont des figures classiques du genre. Pour celui-ci, je souhaitais avoir une histoire plus profonde et une psychologie des personnages plus développée. Le fantastique n’est pas omniprésent dans Sangue Nero. Je voulais partir d’une base réaliste pour ensuite me diriger vers des univers plus fantastiques.

 

C. : Où avez-vous tourné Sangue Nero ?

O. N. : Je l'ai tourné à Tournai, ma ville d’enfant où j’ai passé toute mon adolescence.

 

C. : Étiez-vous fan du BIFFF avant de gagner le Grand Prix cette année ?

O.N. : J’étais venue au BIFFF il y a très très longtemps, mais on ne peut pas vraiment dire que je suis une fan du BIFFF. Je le découvre vraiment pour la première fois cette année. Quand j’ai appris que le film était retenu pour cette édition 2022, c’était vraiment une nouvelle incroyable car il représente un des plus anciens festivals européens et c’est également le plus important de Belgique. C’était un vrai bonheur. Et ensuite, le fait de gagner le prix du jury, c’était  magique.

 

C. : Quels sont les espoirs que suscitent le fait de gagner un prix du jury ? Pensez-vous que ça va permettre d’améliorer l’exploitation future du court-métrage ?

O.N. : Vu la réputation du BIFFF dans le milieu du cinéma de genre et fantastique en Europe, cela apporte déjà un tampon au film qui va lui permettre d’être pris dans d’autres festivals et de mieux tourner dans les prochains mois. Du moins, je l’espère. J’espère également que cela va m’ouvrir des portes et me permettre d’avoir plus de confiance et de soutien pour mes prochains projets.

 

C. : Vous avez bénéficié de l’aide d’Harry Cleven pour certains aspects de Sangue Nero. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

O. N. : À l’INSAS, tous les films de fin d’études sont supervisés au niveau de la réalisation par un professeur, qui est souvent un réalisateur belge. Sangue Nero a été supervisé par Harry Cleven. Il m’a aidée pour les masques des sorcières qui sont présents dans le film. C’est une espère de technique avec un moulage en plâtre sur lequel on applique un caoutchouc qui durcit en donnant en aspect spongieux mais humain au visage. Ensuite, on a maquillé les masques. Cela donne cet effet un peu spécial mais plutôt réussi je trouve.

 

C. : Comment se sont déroulées les scènes avec le loup ?

O. N. : Alors le loup, c’est toute une histoire car travailler avec des animaux, c’est toujours assez compliqué. Le dresseur, Gaetan Doppagne, est arrivé assez tardivement dans le projet. Il a amené deux loups pour jouer le rôle principal du loup. La scène de l’attaque a été assez compliquée. On a utilisé un morceau de viande pour attirer le loup et qu’il le défende. Mais il n’avait pas faim. Du coup, ça a duré longtemps, très longtemps. Pratiquement toute la nuit en fait. On a réussi à avoir des images finalement et c’était très chouette. Mais ça n’a pas été simple. La plupart de mes films précédents étaient en intérieur. C’était la première fois que je filmais dans la forêt, en plein mois de février, au milieu de la nuit.

 

C. : Vu le délai entre la fin de Sangue Nero et sa diffusion, vous avez déjà entamé d’autres projets entre-temps ?

O.N. : Pour l’instant, je travaille sur deux documentaires, dont un qui va passer en post-production dans quelques mois. Il se déroule en Équateur et l’accent est mis sur les aspects écologiques et sociaux. Je suis rentrée de tournage il y a deux mois et ce projet se démarque de mes projets précédents de fiction, en abordant la question des concessions minières dans le Nord de l’Équateur. On suit un personnage qui se bat contre ceux qui tentent de lutter contre l’envahisseur qui tente de détruire les villages ainsi que la biodiversité de cet écosystème depuis une vingtaine d’années. Le deuxième va être dans un autre registre mais je n’en dis pas plus pour l’instant.

J’aime énormément le documentaire, mais également la fiction. Ce sont deux pôles complètement opposés. Le cinéma documentaire permet de plus m’orienter vers du social et de faire du cinéma brut. Le cinéma de fiction me permet de m’épanouir en inventant des mondes et des situations qui n’existeront jamais dans la vie réelle. J’aimerais continuer les deux. C’est un équilibre dont j’ai besoin. Avec les documentaires, je peux partir en équipe plus légère, être plus spontanée. La fiction demande beaucoup plus de préparation. J’ai d’ailleurs un nouveau court-métrage qui va aussi parler de féminisme avec une bonne dose de sang.

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