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R21 Aka Restoring Solidarity de Mohanad Yakubi - FESTIVAL EN VILLE!

Publié le 29/01/2024 par Nicolas Bras / Catégorie: Critique

Au Japon on trouve des archives d’images du conflit israélo-palestinien de la période des années 60 et 70. Dans un soucis de relais et de conservation de ces bobines rares destinées à un public nippon, le réalisateur et son équipe les ont amenées dans le studio de numérisation du Kask à Gand. À partir de ce matériau, il nous propose le film de montage R21 Aka Restoring Solidarity qui raconte à la fois la destruction de la Palestine et à la fois les efforts de militants japonais pour sensibiliser leurs concitoyens à cette cause.

R21 Aka Restoring Solidarity de Mohanad Yakubi - FESTIVAL EN VILLE!

Aussi surprenant que cela puisse paraître, il existe un lien ténu entre la militance de gauche japonaise des années soixante et la lutte menée par le Front populaire de libération de la Palestine. Dans ces années-là, la population japonaise se retrouve confrontée au renouvellement de l’accord de coopération avec les États-Unis qui, de facto, fait du Japon une base militaire US (ce qui est encore le cas aujourd’hui) à partir de laquelle les combats seront menés en Corée et au Vietnam par exemple. La mobilisation de la gauche nippone et des étudiants sera d’une grande intensité et ils trouveront dans le tragique de la situation palestinienne la quintessence de ce qu’ils et elles rejettent avec virulence : le colonialisme américain par l’entremise, ici, de la création de l’état d’Israël. Ce lien se concrétisera entre autres par une mobilisation au Japon de groupe de militants actifs dans la sensibilisation de la population au sort du peuple palestinien.

 

Enfin arrive R21 aka Restoring Solidarity réalisé par Mohamad Yaqubi. Après un travail d’enquête que seul une séquence d’entrée nous évoque, une poignée de personnes rentrent en contact avec une archive discrète japonaise où sont encore rangés des coupures de presse et autres bobines de films de cette époque. Autant de copies d’archive précieuses qui témoignent de la situation dans les territoires palestiniens dans les années 60 et 70. Réalisés par des locaux ou des Japonais, ils rendent comptent des atrocités subies (massacre des camps de réfugiés de Sabra et Chatila, destruction de certaines villes...) des conditions de vie sur place autant que de l’histoire de la création d’Israël. Des images marquantes et essentielles pour retracer l’histoire de cette colonisation, perçue ici, selon un spectre militant unidimensionnel. Par instants, les films récoltés rendent compte des déboires et tentatives des militants nippons de voir ce conflit concerner plus de monde dans l’Archipel. 

À ces images alternent celles du laboratoire du Kask, l’école supérieure d’art de Gand, où les bobines sont numérisées et on se prend très rapidement à s’interroger sur la nécessité de montrer ce processus. Si l’enquête d’origine qui mène l’équipe à trouver ces bobines rend curieux – qui sont ces personnes qui archivent ces documents ? Sont-elles encore actives aujourd’hui ? Que ce passera-t-il de ces films ? - voir l’équipe décapsuler des bobines, les glisser – plusieurs fois – dans des machines de scan haute définition et nous montrer l’interface du logiciel de calibrage des couleurs n’a que peu de sens face à l’importance de ces images et à tout ce qu’elles racontent. Peut-être l’équipe tente-t-elle par ce biais de mettre de la distance ou de nous convaincre de la délicatesse du processus de sauvegarde de ce patrimoine ? En attendant, on ressort du film avec l’impression double d’avoir été confronté à un patrimoine cinématographique essentiel, à une histoire parfois méconnue autant qu’à l’échec d’une mise en film subtile. Au moins donne-t-il l’envie de découvrir chacune des bobines étroitement coincées dans ce montage.

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