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Sébastien Delloye, producteur chez Entre Chien et Loup

Publié le 05/04/2007 par Anne Feuillère / Catégorie: Entrevue

La maison de production belge, Entre Chien et Loup a quelques amitiés fidèles dont Pierre-Paul Renders, Lucas Belvaux et Sam Garbarski dont les courts métrages et le premier film, Le Tango des Rashevski ont été produits par Entre Chien et Loup. Sébastien Delloye a produit Irina Palm, un film tourné entièrement en Angleterre, en anglais, et interprété par l'égérie de la scène rock anglaise, Marianne Faithfull. L'occasion de rencontrer ce jeune producteur et de faire le point sur les projets d'Entre Chien et Loup était trop belle...

Sébastien Delloye, producteur chez Entre Chien et Loup

Cinergie : Quel est votre parcours ? 

Sébastien Delloye: J'ai fait l'INSAS en réalisation en 2000, en parallèle avec une école de commerce. J'avais commencé à travailler pour Entre Chien et Loup comme stagiaire au moment de la préparation de Thomas est amoureux, puis, je suis passé assistant de production, directeur de production, directeur exécutif etc. J'ai ensuite fait une pause dans mes études à l'INSAS pour prendre une année sabbatique et je suis parti pendant 8 mois en Erasmus à Rome. Cela n'avait pas beaucoup plu à mes professeurs. Mais je suis revenu, à leur grand étonnement, et j'ai fini mes quatre ans. Puis, j'ai travaillé sur Le Tango des Rashevski avec Sam. J'ai ensuite produit mon premier long métrage, nous nous sommes associés, Diana et moi, et voilà.

C. : Pourquoi vous être lancé dans la production plutôt que la réalisation finalement ?

S. D. : Je crois avoir une certaine facilité à penser les chiffres, une structure de pensée en rapport avec ce qu'est devenu aujourd'hui la production cinématographique, c'est-à-dire une forme d'ingénierie financière. Je ne parle ni de création ni d'élaboration artistique mais en termes de montage de dossiers. Je trouve que le métier, même entre le moment où j'ai commencé et aujourd'hui, a énormément changé : les télévisions investissent moins d'argent, on tente de se servir des systèmes comme le tax-shelter pour trouver des financements, on multiplie les guichets. J'ai aussi crée une maison de production en Wallonie, Les Ateliers de Baere par un curieux hasard au moment où Wallimage est apparu (rires).

C. : Irina Palm a été tourné en Angleterre. Pourquoi pas en Belgique où tout l'y prédisposait ?

S. D. : Je crois que les gens avaient du mal à percevoir cette histoire ici. Nous avons essuyé pas mal de refus, c'était assez compliqué. Au bout d'un moment nous nous sommes demandé si nous ne devions pas le faire en anglais...ce qui, d'ailleurs, était un peu un rêve à la base, mais que nous avions abandonné parce qu'il nous semblait plus facile de produire le film ici, où nous connaissions mieux les guichets de productions. Mais nous avions un problème de scénario et la Communauté française nous a dit non deux fois. Sam et moi sommes partis rencontrer une productrice anglaise, au moment où c'était l'âge d'or des fonds de productions britanniques, qui prenaient en charge 40 % du budget, chose qui s'est arrêtée trois mois plus tard - et nous sommes repartis de zéro ou presque (rires) ! Mais cela nous ouvrait des possibilités tout à fait différentes.

C.: L'adaptation du scénario s'est faite pour faciliter la coproduction anglophone ?

S. D. : Oui et non. C'est-à-dire que non seulement Sam et moi sommes tombés amoureux de Soho, mais surtout, cela nous est apparu comme une évidence, le film devait se passer là. La réadaptation du scénario dans ce background anglais, avec ce village, ces amis, cette histoire familiale, a apporté une consistance que nous n'avions pas avant, je dois le dire. Une fois que nous avions ce scénario anglais, Marianne Faithfull et Micki Manojlovic (lui était là depuis les premières versions du scénario en français), tout est allé très vite. En cinq mois, le film était monté, alors que nous avions ramé un an et demi pour le financer et qu'il était en projet depuis trois ans.

C.: Quels sont les projets d'Entre Chien et Loup ?

S. D. : Pour ce qui est des coproductions majoritaires, il y a le prochain film de Sam, l'adapation du manga de Jori Tanigushi, Quatier Lointain, qui est en phase de fin d'écriture. Nous avons acheté les droits du livre d'Amélie Nothomb, Cosmétique de l'ennemi par l'intermédiaire de Liaison Cinématographique en France, et nous devrions le coproduire avec Entre Chien et Loup. Laurent Chouchan travaille sur le scénario et le film sera réalisé par Martin Coiffier. Et enfin, il y a Les Barons de Nabil Ben Yadir : nous sommes en train de boucler le casting. Nous avons eu l'aide de la Communauté française et le financement commence. Ce sera le film qu'on va boucler cette année. Nous développons aussi trois films avec des auteurs flamands : Emily Sunshine de Lieven Debrauwer; un premier film, qui s'appelle Souvenir de Bavo Defurne; et Fils Unique le troisième film de Miel Van Hoogenbemt coécrit avec Dominique Sampierro, scénariste de deux films de Tavernier. Au niveau des coproductions minoritaires, nous sommes coproducteur à hauteur de 20% du prochain film du chinois Wang Bing, Soleil Aveugle, que nous allons, j'espère, tourner cet été en Chine. Nous avions vu À l'ouest des rails que nous avions adoré. Nous avons rencontré Wang Bing à La Cinéfondation à Cannes, on a lu le scénario et on a foncé... même si c'est un peu compliqué puisqu'il s'agit d'un film chinois avec une coproduction française. Il y a aussi le film d'Amos Kollek dont le tournage a commencé au Canada et qui va se poursuivre en Israël, Restless.

C: Et au niveau des sorties en salles ?

S. D. : I am from Titov Veles de Teona Strugar Mitevska, un film macédonien, se termine actuellement. Nous souhaitons le soumettre à Cannes. C'est un second film très étonnant, autour de trois sœurs macédoniennes dont l'une est muette et qui vit dans son monde. Teona avait vu Des plumes dans la tête de Thomas de Thiers. Elle avait adoré la lumière et voulait absolument travailler avec Virginie Saint-Martin. Un autre film est en fin de postproduction : Control X, premier film de Bernard Declercq et Thomas François que nous devrions présenter aux distributeurs d'ici un petit mois. Il s'agit d'un tout petit financement belgo-belge, une aide de la Communauté française pour un court-métrage qui est devenu un long avec un peu de tax-shelter et de sponsoring. Et très bientôt, nous allons nous-même distribuer La Marea de Diego Martinez Vignatti. Nous avions déjà une structure de distribution dormante, Dreamtouch, que nous allons réactiver pour ce film. C'est un film d'auteur magnifique mais assez radical. Nous avons donc contacté les salles nous-mêmes. Nous pensons qu'aujourd'hui, les gros distributeurs ne savent plus travailler sur ce genre de films, ils sont submergés et n'ont pas le temps de bichonner des petits films comme celui-là, de calibrer les sorties, de travailler en amont.

C. : C'est à nouveau un film tourné dans une autre langue que le français ?

S.D. : Oui, entièrement en espagnol. C'est un film argentin financé à 100% par la Belgique. Mais bon, il y a 25 paroles dans le film ! Nous nous sommes posé la question de la langue dans laquelle nous allions tourner, car l'actrice pouvait parler français, anglais ou espagnol, ce qui nous a finalement paru le plus cohérent par rapport à ce projet. Nous avons décidé de faire le film en septembre, j'ai eu un séquencier un mois plus tard, et nous avons tourné en Avril, sans scénario. Mais tout le principe de ce film était là : il s'agissait de tourner un film d'une autre manière.

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