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Tango ya ba Wendo de Kwami Zinga et Mirko Popovitch

Publié le 08/11/2017 par Serge Meurant / Catégorie: Critique

Le portrait que trace Mirko Popovitch d’un précurseur de la musique moderne zaïroise, Wendo, dit aussi Papa Wendo ou Wendo Sor, n’a rien perdu de sa vivacité, de sa générosité.
Le musicien, né en 1925, dont la carrière débute après-guerre, à l’époque coloniale et culmine dans les années 50. Inspiré par les rythmes traditionnels du Bandundu, il y introduit la rumba qui fera danser, avec grâce et frénésie, ses contemporains. Gamin des rues, boxeur, marin d’eau douce et surtout musicien vedette au Congo, ces œuvres seront souvent reprises par ses successeurs, notamment Tabu Ley, Pepe Kalle et Papa Wemba. Des documents d’archives et des bouts d’entretiens menés par une animatrice vedette de la radio nationale nous restituent le parcours du chanteur, de l’enfance à la célébrité. La mère de Wendo était une chanteuse traditionnelle. Enfant, elle l’emmenait partout là où la tradition nécessitait sa participation, notamment dans les veillées funèbres et les cérémonies d’initiation. « Si je meurs, lui disait-elle, n’abandonne pas mon instrument (un objet en bambou taillé) : c’est mon héritage. » À la mort prématurée de sa mère, Wendo apprend la guitare en autodidacte en même temps qu’il travaille sur les bateaux pour gagner sa vie. Il chantait, dit-il, au rythme des machines…

Tango ya ba Wendo de Kwami Zinga et Mirko Popovitch

Une première chanson, «  Marie-Louise » est bientôt sur toutes les lèvres, interdite par l’église, censurée par l’état colonial belge, elle l’oblige à quitter la capitale Kinshasa pour fuir à Kisangani. Un disque 78 tours produit par des Grecs, éditeurs de 78 tours, circule bientôt à des milliers d’exemplaires sans que Wendo n’en tire le bénéfice escompté… Pour la première fois, le chanteur enregistre en studio et le micro lui fait peur, dans un pays où bien des villages ne possédaient pas l’électricité ! Les récits de Wendo sont pleins d’humour. Des images d’archives montrent le roi Baudouin à sa descente de l’avion à Kinshasa. Le chanteur nous confie avec simplicité : «  Voici notre homme. Lui et moi, nous ne nous sommes pas salués, mais j’avais envie de lui dédier au moins une chanson ! » Celle-ci lui valut bien des reproches de la part de ses compatriotes : pourquoi ne chantait-il pas plutôt en l’honneur des chefs coutumiers… Autre trait d’humour, lorsque Wendo dirigeait l’orchestre, il bondissait sans cesse et le gouverneur de l’époque le compara au ressort de sa limousine. Ce qui valut au chanteur le surnom de Wendo Sor (Windsor).
Le film nous fait traverser le Congo, en bateau, en pirogue, en chaise à porteur et chaque village, chaque ville accueille le chanteur comme un roi. « J’étais, dit Wendo, comme un enfant transporté par les gens… Plus tard, lorsque sa renommée pâlit, d’autres chanteurs plus jeunes, comme Pepe Kalle, le fêtent comme un père admiré et légendaire désormais. Le film se termine sur un mémorable voyage en train à travers le pays.
Le film est aussi un hommage à l’ethno musicologue Benoît Quersin à qui l’on doit de nous avoir fait découvrir la musique congolaise urbaine.

 

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