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Yoann Zimmer à propos de Retour à Séoul

Publié le 01/02/2023 par Katia Bayer et Vinnie Ky-Maka / Catégorie: Entrevue

On a déjà interviewé Yoann Zimmer à Locarno pour sa deuxième collaboration en courts avec Manon Coubia (Marée date de 2019, Les Enfants partent à l’aube de 2017). Si l’acteur s’étant formé au Conservatoire de Liège, est repéré par les pointures (Été 85, Ozon, Des hommes, Lucas Belvaux), il fait aussi confiance à la relève (il suffit de voir le nombre de courts dans lesquels il apparaît sur Unifrance).

Davy Chou, un cinéaste franco-cambodgien qu’on aime beaucoup, l’a dirigé dans Retour à Séoul, son troisième long-métrage sélectionné à Un Certain Regard cette année à Cannes. Yoann Zimmer y joue un petit rôle aux côtés de l’épatante Ji-Min Park alias Freddie, une jeune française adoptée de 25 ans, déboussolée par la recherche de sa famille biologique originaire de Corée du Sud, et qui porte le film tout au long de ses 2 belles heures.

Le film était en sélection à Namur, il sortira en Belgique le 8 février 2023.

Yoann Zimmer : "Plus on a des expériences différentes, plus les réalisateurs peuvent nous imaginer dans des endroits différents »

Cinergie : Connaissiez-vous le cinéma de Davy Chou avant de tourner dans son film ?

Yoann Zimmer : Non, je ne connaissais pas son cinéma. On s’est rencontrés par voie classique : casting. J’ai fait des essais pour le rôle et puis je l’ai vu une fois, j’avais lu le scénario, j’ai trouvé ça très bien. Après, on s’est rencontrés : Ji-min, Davy et moi. On avait juste bossé avec Davy et puis après, on a fait une séance de travail avec Ji-min, ça s’est bien passé.

On a fait quelques scènes classiques de casting, on a fait un petit peu d’impro comme Ji-min n’est pas comédienne de base, elle est artiste-plasticienne. Je pense qu’il y avait le besoin de sentir la personne en face, pour créer une complicité, pour qu’on soit à l’aise dans le jeu, et pour vivre des émotions au moment du film et déjà expérimenter ça avant, au moment du casting.

 

C. : Comment avez-vous vécu l’expérience de tournage en Corée ?

Y.Z. : Tourner en Corée a été très jouissif en termes de jeu. Je jouais avec des acteurs coréens, le père et la tante de Freddie (Oh Kwang-rok et Kim Sun-young) qui sont des pointures là-bas. Ils sont hyper réceptifs, très techniques et ils font des petits trucs qui vous nourrissent en tant qu’acteur. Je me suis plu dans ces scènes-là, et avec Ji-min on avait eu une super complicité, on s’était très bien entendus, et du coup, c’était facile, en ayant fait le travail avant, de créer le lien avec quelqu’un qui me donnait beaucoup en retour.
C’était un régal aussi de pouvoir voyager dans un pays aussi lointain et de découvrir une culture, même au sein du film. C’est une culture que je ne connaissais pas; pour moi, c’est une super expérience.

 

C. : L’acteur qui joue le père (Oh Kwang-rok) m’a bluffée. À chaque fois qu’il apparaît, il apporte quelque chose. Vous ne vous connaissiez pas, et puis, il y avait aussi la barrière de la langue j'imagine. Comment avez-vous travaillé?

Y.Z. : Effectivement, l’acteur parlait très peu l’anglais, du coup on ne dialoguait pas beaucoup, mais c’est quelqu'un de très sympathique et amical. En termes de présence, les acteurs sont dans le rôle de A à Z. J’aime beaucoup dans les films coréens, les voix d’hommes ou de femmes qui ont des tonalités qui peuvent être très graves et très puissantes. Au moment où il y a une intention de jeu, elle est là, précise. Oh Kwang-rok et Kim Sun-young (qui joue la tante) sont techniquement précis. Ils improvisent, ils vont me regarder manger, faire d'autres petites choses ou respecter les silences selon l'intensité de la scène.

 

C. : On vous retrouve autant dans des grosses productions que dans des courts-métrages, avec des rôles très variés et des univers sensiblement différents. Est-ce que vous avez le sentiment de choisir différemment les projets et d’avoir le spectre assez large ou ce sont les réalisateurs qui vous repèrent et vous imaginent à des endroits pas forcément prévus ?

Y.Z. : Je pense qu’il y a les deux. Au début, vous vous retrouvez dans un certain type de rôles et puis avec le temps, on vous en donne de plus gros. Les projections des réalisateurs sur vous grandissent. Sur le projet de Davy, je joue quelqu’un de dominé, plutôt une personne qui suit et c’est la jeune femme qui, en un claquement de doigt, me vire de sa vie. Avant, j’ai plutôt eu des rôles où c’est moi qui, en une seconde, virais l’autre de ma vie. C’est bien que ça change, ça me nourrit, ça donne des options de jeu. Je pense que plus on a des expériences différentes, plus les réalisateurs peuvent nous imaginer dans des endroits différents. J’en suis très content. Ca mintéresse d’explorer au maximum et de faire des rôles différents, du coup j’essaye effectivement de faire des choix. Il y a des gens avec qui j’ai envie de travailler pour tel ou tel projet.

 

C. : Quel type de "famille de cinéma" vous intéresse maintenant ?

Y.Z. : J’ai envie de faire des films qui disent quelque chose, que ce soit en divertissant ou purement des films qui ont un propos. Les deux m’intéressent. J’ai envie de travailler avec des gens avec qui je m’entends bien et surtout sur un projet intéressant. Après, c’est hyper large. Ça peut être Gustave Kervern et Benoît Delépine ou Davy Chou.

 

C. : Qu’avez-vous appris avec Sauce à part, le court-métrage que vous avez réalisé ?

Y.Z. : On tournait beaucoup de nuit, dans le froid, au bord du canal, à Bruxelles. Avant le tournage, je suis tombé malade. Le fait de réaliser, ça vous donne une énergie, on se réveille et on est là : il faut y aller parce qu’on est le moteur de l’équipe. Ce que j’ai le plus appris avec ce film, c’est le montage. C’est le métier le plus important dans la construction d’un film. J’apprends à écrire des scénarios en autodidacte, j’en lis beaucoup et j’en discute. J’ai ma propre expérience des plateaux, de la direction d’acteur, j’ai vu les réalisateurs diriger, ce sont des choses dont j’ai pu me servir sur Sauce à part. Mais le montage c’est l’endroit que je redoutais le plus aussi parce que j’ai du mal à tenir en place. Je pensais que j’aurais beaucoup moins de plaisir à cet endroit-là. Au final, j’étais bien, je ne membêtais pas. Je montais avec un monteur. C’est fastidieux, on est loin de l’énergie du tournage, ce n’est pas une technique que je maîtrise mais c’est là où j’ai le plus appris et j’ai aussi découvert que jaimais ça.

 

C. : L’écriture continue-t-elle de vous tenter ?

Y.Z. : Je co-écris un long-métrage avec Marta Bergman. Je participe à l’écriture avec mon expérience d’acteur, avec mon rapport aux dialogues. Je ne ne vais pas le réaliser mais je jouerai dedans.

 

C. : Lire un scénario et en écrire un, ce n’est pas le même enjeu.

Y.Z. : Non, justement. Ce n’est pas quelque chose pour lequel je me suis formé. Après, je pense que la lecture de scénario est une vraie école. Je vais voir tous les films dont j'ai lu le scénario, même si je n'y ai pas joué. On comprend mieux ce qui a été gardé, ce qui était utile ou non. J’ai un désir d’écriture mais ce n’est pas facile pour moi. J’ai envie de faire des films et ça passe par l’écriture. Sauce à part, je l’ai écrit et puis je me suis dit que ça allait être un film.

 

C. : Retour à Séoul traite de l’identité et de l’adoption. Vous êtes arrivé en terrain vierge, vous ne connaissiez pas le cinéma de Davy. Entre la lecture et le tournage, comment avez-vous été amené à capter cette histoire ?

Y.Z. : Le personnage était identifiable pour moi, je pouvais le comprendre. Le tournage se passait à l’étranger, il y avait une base d’équipe franco-belge plus une équipe coréenne. On s’adapte. A un moment, quand on dit « silence ! » ou « mets-toi là et joue », dans n’importe quelle langue, ça ne change pas beaucoup.

Le personnage féminin porte le film, cest elle le moteur. Je trouvais intéressant, ce personnage fort qui n’est pas attendu, qui n’est pas conformiste, en tout cas qui n’a pas envie de se conformer forcément à ce qu’on attend de lui. Je trouvais ça beau, parce que ça emmène un plein de vie, une vie qui n’est forcément pas simple.

 

C. : Est-ce que Davy a pu vous donner un conseil sur vos propres expériences d’écriture ?

Y.Z. : On s’entend très bien, je pense que c’est vraiment quelqu’un avec qui je peux partager des choses. Je lui ai envoyé mon court, il n’a pas encore eu le temps de le voir. Il ne m’a pas donné de conseils, il m’a juste dit : « Fais, si t’as envie, c’est trop bien, vas-y ».

 

 

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